Edito: «Il ne se passe rien d’extraordinaire en Pologne»

Chef du service Monde Temps de lecture: 3 min

La Commission européenne a-t-elle eu raison d’entamer à l’endroit de la Pologne une procédure de vérification de l’Etat de droit ? Le Parlement européen a-t-il bien fait de convoquer, à peine deux mois après l’arrivée au pouvoir à Varsovie du parti Droit et Justice, un débat sur le même sujet en séance plénière, plaçant le gouvernement polonais dans les faits sur le banc des accusés ?

Posons la question autrement – et nous l’avons posée lundi au chef de la diplomatie polonais. Comment le nouveau gouvernement polonais peut-il s’étonner de l’étonnement suscité par : 1) le remplacement de tous les patrons des services secrets deux jours après l’intronisation du nouveau gouvernement ; 2) les changements des modes de désignation de toutes les grandes administrations et agences publiques, y compris les médias audiovisuels, donnant au gouvernement un pouvoir discrétionnaire permanent sur ces dirigeants ; 3) des nominations et modifications de fonctionnement au Tribunal constitutionnel, votées au pas de charge au parlement au mépris de toutes les échéances et avis consultatifs communément pratiqués ?

Ce n’est pas tout. Sont en chantier : la fusion des fonctions de procureur général et de ministre de la Justice, une réforme complète des médias audiovisuels publics dont la promulgation déclenchera la rupture automatique des contrats d’emploi de tous leurs salariés, une réforme électorale, administrative… Et chaque jour voit atterrir des projets du gouvernement polonais, qui jusqu’à présent ont tous, strictement tous, pour objet un accaparement des leviers de l’Etat.

Un simple député détient le pouvoir

Répétons : comment pourrait-on s’étonner que tout cela ne conduise pas au moins à poser la question s’il ne se passe pas là quelque chose d’anormal ? Que ces questions soient posées formellement dans un débat dont – ne nous leurrons pas – il y a peu de chances que des conséquences légales puissent être tirées à l’encontre du gouvernement polonais, est donc tout à fait normal. La démocratie ne devrait pas consister en une tyrannie d’une majorité électorale, dont la durée de vie est, par définition démocratique, limitée.

Le vrai problème aujourd’hui est hélas impossible à inscrire dans un débat formel. Chacun sait en Pologne – les partisans comme les adversaires du pouvoir en place – que ce n’est ni le président Duda, en visite lundi à Bruxelles, ni la première ministre Szydlo, en représentation mardi à Strasbourg, qui détiennent le pouvoir en Pologne. C’est Jaroslaw Kaczynski : simple député, mais chef tout-puissant du parti Droit et Justice, auteur exclusif, impénétrable et obsédé des complots, d’un programme politique non publié dont les Polonais assistent médusés à la réalisation. Il ne préside aucune réunion du gouvernement, ne signe pas les lois, et ne participe pas aux sommets où il rencontrerait les autres détenteurs du pouvoir européen. (Sauf… Viktor Orban qui vient de lui rendre visite en omettant les dirigeants polonais légaux.)

Vous avez dit anormal ? Non, non : « Il ne se passe rien d’extraordinaire en Pologne », rassurait mardi à Bruxelles le président Duda.

 

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