Dans l’arène de Matamore
Cirque Trottola et Petit Théâtre Baraque unissent leurs univers. Effervescence à Marchin.
- Publié le 23-04-2014 à 17h34
- Mis à jour le 23-04-2014 à 21h18
Cirque Trottola et Petit Théâtre Baraque unissent leurs univers. Effervescence à Marchin. Rencontre de Laurence Bertels. Clark, camion-remorque, caravanes, mâts jonchant le sol… L’arrivée du Cirque Trottola et du Petit Théâtre Baraque crée l’effervescence sur la place de Grand-Marchin, là-haut, dans le Condroz, entre Liège et Namur.
A trois jours de la première représentation de "Matamore", l’heure est au montage du chapiteau, sous le soleil radieux d’un printemps prometteur. Un instant magique, encore aujourd’hui, porté par une belle énergie, celle de l’avant, de tous les possibles. Et la vie qui émerge chaque fois qu’un cirque arrive au village.
Au centre du terrain, la remorque avec la bâche. Celle-ci sera montée en quelques minutes à peine à partir du moment où l’équipe tire sur les élingues. Et la toile se lève comme une voile qui prend le vent. Il faut aller très vite, parfois. Place ensuite au montage des gradins, pentus. En raison de l’union de deux univers semblables et différents dans leur poésie brutale, celui du Cirque Trottola et du Petit Théâtre Baraque, plus proche, quant à lui, du théâtre forain avec son étroite scénographie cylindrique au-dessus de laquelle se penche le spectateur.
Une page du cirque
Trottola et Baraque, deux noms qui n’évoquent peut-être rien, et pourtant… A elles deux, ces compagnies ont écrit de belles pages du cirque contemporain. Ou plutôt du cirque du moment présent, de l’émotion, comme elles aiment le préciser. A l’origine du Cirque Aligre ou du théâtre équestre et musical de Zingaro créé avec Bartabas, Nigloo et Branlotin sont revenus à une forme plus intime. En chemin, ou au Cirque Plume, ils ont croisé Titoune et Bonaventure Gacon. Plus tard, ces deux-ci créeront le Cirque Trottola, comme "toupie" en italien, présage, en quelque sorte, à leurs tournées sans fin, ou presque, tant leurs spectacles, "Trottola", "Volchok" et aujourd’hui "Matamore", enchantent le public. Par la sincérité de l’instant, l’amour de la faille et l’osmose contagieuse entre ce porteur, Viking au cœur tendre, et cette voltigeuse, petit bout de femme aux cheveux de feu.
Deux univers, donc, et des années que ces artistes-là voulaient enchevêtrer leurs visions et leur savoir-faire. Va pour "Matamore", personnage de la commedia dell’arte, pas si éloigné du matador en cette arène, véritable fosse qui, d’emblée, entraîne un point de vue, une mise en danger.
Mais que vont raconter, une heure quarante durant, ce clown blanc, cet Auguste ou cette voltigeuse sous l’œil du violoncelliste ? Ils n’ont pas envie de le dire. Pas envie d’ailleurs d’écrire une histoire. Bonaventure Gacon, avec sa bouille à la Bouli Lanners, n’est pas du genre à théoriser mais plutôt à privilégier l’émotion, le ressenti : " On a pris l’habitude de se perdre, de lâcher prise. Rien n’est prémédité. On travaille et on voit ce qui vient. Nos techniques précises sont déjà des contraintes créatives. Portés acrobatiques, portés aériens, jonglerie, fouet, clown blanc et Auguste sont les premiers mots de l’histoire. Puis il y a cette tension liée au cirque. On a voulu tordre cette ambiance-là pour laisser voir les failles, pour l’humain, le hors temps, la fragilité liée à la prise de risque. Ce qui compte, pour nous, c’est la force du moment présent, la nostalgie. On a du mal à mettre des mots dessus. On a travaillé longtemps pour que cela finisse par infuser. On voulait raconter comment faire notre cirque, comment on l’entend. On essaie d’être au plus dru par rapport à la chose, de la tordre. Au présent. La voltigeuse dit aussi la réalité du cirque. Le cirque est universel car émotif. Il est brut. Il parle à tous car on essaie d’abord d’être dans cette fragilité."
En s’unissant au Petit Théâtre Baraque, le Cirque Trottola a voulu créer un spectacle différent, élargir son univers. D’après leurs dires, les deux équipes ne font plus qu’une, ont trouvé un langage commun, ont évité le piège de la superposition. La preuve, sans doute, par le nombre de dates réservées.
Fidélité
Créé en décembre 2012, "Matamore" a déjà été joué près d’une centaine de fois, est complet pour 2014 et 2015, ira cet été à Prague, cet hiver à Salzbourg. Il passera aussi, en collaboration avec le Théâtre de la Ville, par le Cent Quatre à Paris, ce lieu contemporain et couru, bâti sur les anciennes Pompes funèbres de la Ville Lumière. Pour l’heure, c’est Latitude 50, pôle arts du cirque et de la rue, à Marchin, qui est au calendrier. Car entre Marchin et Trottola, l’histoire se poursuit au fil des créations, depuis "Par le Boudu", spectacle de clown ambiance Renoir. Vint ensuite "Volchok", du nom du cochon qui s’était échappé dans le village…
C’est cela aussi, le cirque itinérant qui, comme dans les plus belles images d’Epinal, se balade de ville en ville, rencontre les habitants, s’installe chez eux mais les invite chez lui, le temps de la représentation. Avec quatre dates au programme, les 25,26, 29 et 30 avril et mille trois cents spectateurs attendus sous ce chapiteau de 330 places. Dont beaucoup ont déjà été prises d’assaut !
Sur les routes
Arriver quelque part, dans un endroit qu’on ne connaît pas, monter, démonter notre cirque d’Indiens avec les caravanes autour, c’est toujours un moment particulier. Cela fait partie du spectacle et sans le savoir, les gens le sentent. On a toujours voulu cela, être sur les routes, rencontrer les gens du pays" , explique Bonaventure. Souvent, malheureusement, la place du village devient parking en périphérie. Le bitume remplace le gazon. Mais, à Marchin, l’herbe est tendre et la terre fertile. Les mâts s’y enfoncent aisément. L’équipe, qui a dû retarder le montage d’un jour à cause d’un rallye de voitures organisé le lundi de Pâques, a rattrapé le temps perdu. Depuis mardi soir, le chapiteau trône sur la place, prêt à regarder passer la Flèche wallonne, avant de se jeter dans l’arène.
Grand-Marchin, les 25,26, 29 et 30 avril, à Latitude 50, 3 Place de Grand-Marchin. Infos : 085.41.37.18 ou www.latitude50.be