Ces politiciens américains au sens géographique... approximatif
Les élections américaines exigent des candidats qu'ils effectuent d'incessants déplacements d'un bout à l'autre de la circonscription ou de l'Etat où ils se présentent. On comprend qu'ils puissent finir par perdre sinon la tête, du moins le nord. Le Républicain Scott Brown a manifestement des prédispositions à ce genre d'égarement...
- Publié le 01-11-2014 à 08h59
- Mis à jour le 01-11-2014 à 09h06
Un commentaire de Philippe Paquet, à Raleigh (Caroline du Nord). Les élections américaines exigent des candidats qu'ils effectuent d'incessants déplacements d'un bout à l'autre de la circonscription ou de l'Etat où ils se présentent. On comprend qu'ils puissent finir par perdre sinon la tête, du moins le nord. C'est vrai en particulier des prétendants à la Maison-Blanche qui, pendant des mois, à un rythme inhumain, sillonnent en avion et en bus le pays tout entier, enchaînant rallyes et discours sans plus très bien savoir où ils sont (il y a régulièrement des méprises hilarantes, du genre « Good morning Ohio » quand le candidat se trouve en réalité en Floride).
Le Républicain Scott Brown, qui brigue un poste de sénateur dans le New Hampshire, a manifestement des prédispositions à ce genre d'égarement, et il devra faire spécialement attention si, d'aventure, il songe un jour à s'engager dans une aventure présidentielle. Jeudi soir, lors d'un débat télévisé qui l'opposait à sa rivale démocrate, la sénatrice sortante Jeanne Shaheen, Brown a éprouvé quelques problèmes d'orientation dont les réseaux sociaux n'ont pas manqué de faire des gorges chaudes.
Quand l'animateur lui a demandé de commenter plus spécifiquement les défis économiques à relever dans le comté de Sullivan, Brown, visiblement désemparé, a tenté d'esquiver en répondant en termes vagues. Pressé de se montrer plus précis, il a parlé alors de ce qu'il faudrait faire « dans le Nord » et plus généralement « loin de Concord », le chef-lieu de l'Etat. « Sullivan est à l'ouest de Concord, pas au nord », l'a interrompu le journaliste, en portant le coup de grâce.
Né dans le Maine, Scott Brown a sans doute des raisons de ne pas trop bien connaître le New Hampshire. Il a grandi et passé l'essentiel de son existence dans le Massachusetts voisin. Il y a, contre toute attente, succédé en 2010 au défunt sénateur Ted Kennedy, dont il a achevé le mandat, mais n'est pas parvenu à se faire réélire en 2012, raison pour laquelle il a choisi de tenter cette fois sa chance au New Hampshire.
Les électeurs sont, cependant, en droit d'exiger de lui une plus grande familiarité avec la région dont il entend défendre les intérêts (du moins peut-on le supposer). Après tout, l'effort à fournir doit être à sa portée. Le New Hampshire n'est pas grand – c'est même le quarante-sixième des cinquante Etats de l'Union en termes de superficie (avec 24 000 km², il est plus petit que la Belgique). Et il ne compte que dix comtés : un écolier en a vite retenu les noms et la situation sur une carte.
A la décharge de Brown, et si l'on accepte de jouer sur les mots, il faut reconnaître qu'il n'avait pas tout à fait tort. Si le comté de Sullivan est bien à l'ouest du comté de Merrimack, où est située Concord, on peut soutenir, avec beaucoup de bonne volonté et un brin de mauvaise foi, qu'il est en grande partie au nord (ou à tout le moins au nord-ouest) de la ville de Concord stricto sensu. C'est en tout cas ainsi que le candidat s'est justifié quelques heures après le débat.
Brown n'est de toute manière pas le seul candidat à ne pas savoir lire une carte. En Caroline du Nord, le Républicain Thom Tillis n'a cessé, durant la campagne, de répéter combien il s'inquiétait pour ses électeurs de la porosité de la frontière mexicaine. Personne ne semble lui avoir expliqué que cette frontière se trouve à des milliers de kilomètres de la Caroline du Nord et que, si l'immigration illégale peut être un souci pour les gens qui habitent l'Arizona ou le Texas, elle ne devrait guère empêcher les concitoyens de Tillis de dormir à Raleigh ou Wilmington.