Le Chat de Geluck trouve refuge au Mont des Arts

La Région bruxelloise met à la disposition de l’humoriste un espace exceptionnel pour y créer son Musée du Chat.

Temps de lecture: 6 min

Le Chat a la banane. Le personnage de Philippe Geluck, né dans les pages du Soir il y a 32 ans, s’est enfin trouvé un lieu à la hauteur de sa notoriété afin d’y accueillir son musée. Philippe Geluck et la Région de Bruxelles-Capitale ont en effet conclu un accord selon lequel un immeuble à l’abandon du Mont des Arts sera restauré par la Région (budget estimé de la restauration : 4,5 millions d’euros) puis livré au Chat pour « une longue durée qui n’a pas encore été précisée » selon l’artiste, dans le cadre d’un bail emphytéotique au loyer symbolique.

Le bâtiment, qui une fois restauré pourra développer 2.000 m2 de surface d’exposition – il en fait 1.600 actuellement – est situé en contrebas de la rue Royale, avec une issue débouchant sur les flancs du Musée des instruments de musique (Mim), dans une impasse discrète pittoresquement nommée « rue Villa Hermosa ».

Si le calendrier actuel est maintenu, l’inauguration du site aura lieu en 2019. « J’aurai alors 65 ans, souligne Philippe Geluck. Je pourrai encore m’en occuper quelques années. »

Trois espaces distincts

Est-ce pour parer à la critique de certains grincheux qui trouveraient le projet mégalomane ? Philippe Geluck précise en tout cas que l’espace sera baptisé « Musée du Chat et du dessin de presse ». On y accédera depuis la rue Royale pour en sortir par la rue Villa Hermosa – « Il faudra trouver un système de transfert des vestiaires de l’entrée vers la sortie », souligne l’humoriste –, et trois espaces distincts seront consacrés à « l’histoire du Chat et le chat dans l’histoire » d’abord, à une exposition évolutive de l’œuvre de Geluck ensuite et au dessin de presse enfin. L’auteur espère également pouvoir y créer un centre d’archivage du dessin de presse et d’humour. Il comportera un espace de restauration et un Art-Shop, et offrira l’équivalent de trente emplois à temps plein.

La Région bruxelloise ne versera pas un kopeck à l’institution en termes de budget de fonctionnement. Philippe Geluck et des sponsors y investiront ensemble quelque trois millions d’euros, et le père du Chat s’engage à faire vivre le Musée sur fonds propres. « C’est un vrai partenariat public-privé », se réjouit-il.

Une opération qui, toutefois, devrait rapporter à la Région en termes d’attractivité et de tourisme. Car si l’on sait que le tourisme est considéré par les autorités régionales comme un important pôle de développement économique, générant notamment de nombreux emplois peu qualifiés et non délocalisables, le fait pour elle de renforcer l’image de Bruxelles comme capitale de la bande dessinée par un choix politique tel que ce soutien à Philippe Geluck ne relève certainement pas du hasard.

Car, qu’on se le dise, hormis le musée Hergé de Louvain-la-Neuve, il n’existe pas dans le monde de lieu d’exposition comparable à ce que sera le Musée du Chat.

Ça se fête, non ? Roger, un muscadet.

« Je pensais qu’il y avait un ministère de la Culture »

Philippe Geluck n’en revient pas de la rapidité avec laquelle la Région bruxelloise a trouvé un espace d’accueil pour son musée du Chat.

Avez-vous déjà une idée de la scénographie du musée ?

Il y aura plusieurs lectures possibles et successives. Il y aura de toute façon une partie « historique », l’histoire du Chat, elle-même divisée en deux. D’une part, comment est né le Chat, l’aventure du Soir, le carton de mariage, tous les documents, les premiers crayonnés qui datent d’ailleurs du soir de la mort de Hergé… Je ne sais pas si j’ai déjà raconté ça, mais quand j’ai crayonné le Chat pour la première fois avant de le présenter à Luc Honorez (une plume culturelle du Soir de l’époque, NDLR), Hergé était en train de mourir dans une clinique bruxelloise. J’étais voisin de sa maison à Bousval. C’est juste une concordance des temps assez étonnante. Il y aura donc l’histoire du Chat, mais aussi le chat dans l’histoire et dans l’histoire de l’art. Je voudrais aussi évoquer la présence du chat dans la bande dessinée, avec les chats de Gaston, de Hergé, de Gargamel, les Crazy Cats, Fritz le chat, Garfield… Je vais me mettre à collecter tout ça. C’est une première phase qui peut intéresser les gens au-delà de mes propres amateurs. II y aura ensuite la grande exposition que j’assumerai, moi, avec des travaux récents, des toiles de grands formats, des sculptures, des œuvres numériques, des œuvres vidéo, des collages, des objets, etc.

Une exposition évolutive ?

Oui. L’accrochage changera tous les six mois. En fait, deux tiers du musée seront en constante évolution : la grande exposition et les expositions invitées, qui formeront le troisième tiers. C’est un focus sur des collègues vivants ou disparus, les grands maîtres, Sempé, Siné, etc. Cette partie-là sera axée sur les dessins d’humour.

Vous souhaitez également créer un centre d’archivage des dessins de presse.

Je vais essayer de constituer une exposition de dessins de presse qui serait celle du musée, mais dont on n’exposera pas la totalité tout le temps, comme dans toutes les collections, mais qu’on ressortira selon le thème de l’exposition ou selon les confrontations que l’on veut créer.

L’espace qui vous est ouvert est idéalement situé. Mais vous ne craignez pas un manque de visibilité ?

L’accès se fera depuis l’entrée des lions, rue Royale. Donc on va négocier pour leur mettre un gros nez et des oreilles pointues pour les transformer en chats. Non, je dois trouver quelque chose qui soit élégant et respectueux des lieux. Mais dans mon approche graphique, on n’est pas dans de la bédé kermesse aux boudins non plus. Il y a une ligne graphique qui est digne et élégante, et je vais devoir bien sûr m’inscrire respectueusement dans ce lieu classé. Mais parfois il suffit de pas grand-chose pour se signaler.

Vous en avez appris un peu plus sur les rouages institutionnels et politiques en Belgique dans cette aventure ? Vous étiez d’abord assez pessimiste après vos négociations avec le fédéral. Il vous a fallu du temps pour trouver le bon interlocuteur, mais une fois que vous l’avez trouvé, ça a été assez rapide.

On s’est d’abord heurté à la lenteur et un peu à l’inertie du fédéral. Mais je suis assez impressionné par la rapidité et l’efficacité de l’équipe à la Région. Effectivement, c’est un rouage que je ne soupçonnais pas tellement. Moi je m’y perds dans nos institutions publiques. Je pensais bêtement qu’il y avait un ministère de la Culture, or c’est véritablement la Région qu’il fallait contacter. C’est une chose que je n’ai pas encore vraiment acquise dans ma tête. Enfin là, ça y est. La Région de Bruxelles-Capitale, pour moi, c’était extrêmement abstrait. Je me suis rendu compte que c’était extrêmement concret et redoutablement efficace.

Un album du Chat en préparation pour expliquer la sixième réforme de l’Etat ?

Je laisse ça à la postérité. Quelqu’un a dit un jour : si tu expliques la politique belge à un Français et qu’il comprend, c’est que tu as mal expliqué.

 

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