Olivier Maingain: «Pour la N-VA, l’Etat belge, c’est comme le Sénat: un lieu de rencontre quand on a du temps»

Le président du FDF ne croit pas aux « sincérités successives » de Charles Michel ou de Bart De Wever.

Cheffe adjointe du pôle International Temps de lecture: 6 min

Un an après les élections, les sondages sont plutôt favorables au FDF, à Bruxelles en tout cas. Et, sur le plan fédéral, malgré ses deux députés, le parti réussit à faire entendre son discours d’opposition. Grâce à un Olivier Maingain réélu en mars dernier à la présidence amarante.

>>> La deuxième partie de l’interview d’Olivier Maingain: «Le gouvernement a fait un choix de politique économique erroné»

Charles Michel dit qu’il s’est trompé avec la N-VA.

Combien de fois se trompera-il encore ? Quelle légèreté d’analyse quand on sait ce qu’est la tendance profonde des exigences institutionnelles de la N-VA. Par ailleurs, est-ce que la N-VA a vraiment changé par l’exercice du pouvoir ? Moi je ne crois pas. Là où elle a un pouvoir décisionnel au gouvernement, elle est en train de saper les fondements mêmes de l’Etat.

Exemple ?

La politique scientifique ! Mme Sleurs a organisé l’éclatement de Belspo, qui était un service public fort de soutien à la politique scientifique, à la renommée internationale de la Belgique. Pourquoi ? Pour mieux préparer une étape suivante de transfert de compétences. Idem, au ministère de l’Intérieur, où il y a des réductions de budget dévastatrices pour la continuité des missions de sécurité. On voit bien que la N-VA prépare insidieusement le constat qu’à un moment donné, le fédéral n’assumant plus un certain nombre de missions, les Régions devraient s’affirmer en les reprenant. C’est ça le travail de sape de la N-VA. Et le MR, par un choix idéologique de réduction des missions de service public, fait le jeu de la N-VA qui prépare le confédéralisme.

Le MR ne prône pourtant pas le confédéralisme !

Le MR est devenu idéologiquement très acquis à cette démarche aveugle de réduction des dépenses. Il y a bien sûr des secteurs où il faut faire des économies. Mais quand on les fait de manière linéaire, on ne hiérarchise plus les priorités dans les missions de service public qu’on veut voir assumées par l’Etat. Il y a aussi une volonté, au MR, de régler ses comptes avec le PS, qui a eu une mainmise exagérée sur une série de départements. Mais cela amène le MR à déforcer le rôle de l’Etat.

Donc, quand Charles Michel dit qu’il s’est trompé…

… Il fait preuve d’une grande naïveté, même sur le moyen terme. Il y a une dispute, à l’extrême droite flamande, entre la N-VA et le Belang, pour savoir qui va garder la frange la plus irréductible du nationalisme flamand. Et je ne crois pas un seul instant, a fortiori si les sondages devaient se confirmer, que la N-VA va rester absente de l’institutionnel. L’institutionnel, ce n’est pas que le moment où on décide d’une réforme de l’Etat. Il y a aussi un travail préparatoire qui se fait, soit au départ des Régions et Communautés, soit au niveau de l’Etat fédéral, pour mettre en condition les secteurs concernés. Il y a des ministres qui s’emploient très sciemment, très systématiquement à préparer l’objectif qu’ils veulent atteindre.

La sixième réforme de l’Etat, comme les précédentes, n’est-elle pas annonciatrice de la suivante ?

Je pourrais être intarissable sur la manière dont les francophones se laissent piéger, à chaque fois, par une réforme qui annonce l’étape suivante. Je constate d’ailleurs qu’aujourd’hui, plus personne ne parle de cette sixième réforme pour en vanter les bienfaits. Personne ! La réforme de l’Etat, ce sont des restrictions budgétaires, des suppressions d’emplois dans certains secteurs.

La N-VA plaide déjà pour revoir la loi de financement.

Je crois qu’il n’y a pas dix personnes, dans ce pays, qui seraient encore capables d’expliquer les conséquences précises de tous les mécanismes de cette loi. Moi-même, qui suis cela depuis longtemps, je rame parfois pour bien connaître toutes les données budgétaires. Même ceux qui l’ont conçue n’ont sans doute pas vu toutes les conséquences de ce qu’ils mettaient en place.

Elle alimente les chamailleries entre niveaux de pouvoir, ce qui démontre que notre pays ne fonctionne pas ?

Qu’il y ait des frictions entre niveaux de pouvoir, c’est la logique de tout Etat fédéral. Mais aujourd’hui, le comité de concertation n’est pas le lieu réel de décision, c’est un lieu protocolaire. Et il y a parfois une réticence de la part des services de l’Etat à collaborer avec les services régionaux, notamment pour la transmission d’informations.

Tout cela va précipiter les revendications confédéralistes de la N-VA en 2019 ?

On verra déjà s’il existe un accord secret sur une déclaration de révision de la Constitution entre partenaires de la majorité !

Votre avis ?

Je pense que quand Jan Jambon a évoqué une clause secrète, il ne disait pas loin de la vérité. S’il n’y avait pas cette clause, le Premier ministre dirait : “il n’y aura jamais de déclaration de révision au terme de cette législature”. Il ne l’a jamais dit. Il dit : “ce sera tranché le moment venu”.

Le confédéralisme sera donc au menu de 2019 ?

Bien entendu ! Et le confédéralisme, c’est poursuivre le dépeçage de l’Etat. Ce que la N-VA veut pour le Sénat, qui est devenu un lieu de rencontre quand on a du temps, qu’on n’est pas pris par autre chose, c’est un peu leur conception à terme de l’Etat belge. Un lieu de rencontre quand on aura du temps, et il faudra peut-être encore assister de temps à autre à une parade de ce qui restera de l’armée belge.

Bart De Wever a eu des propos très clairs sur la collaboration. Cela fait évoluer votre point de vue ?

C’est un peu comme pour Charles Michel : avec les sincérités successives, que faut-il croire ? Selon moi, Bart De Wever a compris que, s’il ne voulait pas perdre un certain électorat au sein de la communauté juive d’Anvers, il devait lever toute ambiguïté et avoir un tout autre discours. Je pense qu’il en a fait le calcul électoral sans problème. Je pense qu’il a aussi compris que l’attachement du mouvement nationaliste flamand à cette tendance grise et noire d’une partie du mouvement flamand, s’atténue avec le temps… Il ne prend dès lors pas beaucoup de risque électoral. Pour le reste, il y a eu trop d’actes individuels, dans le chef de dirigeants de la N-VA, de complaisance voire de participation active avec des gens qui viennent de la tendance collaborationniste du mouvement flamand pour croire qu’ils se sont tous reconvertis aux plus hautes valeurs de la démocratie.

Quid de ses propos sur les Berbères ?

Il a toujours dans son discours l’approche de cette Flandre qui accepte difficilement l’autre. Il a bien compris qu’il est plus rentable de s’en prendre à une communauté mal aimée dans son électorat que de continuer à cultiver la tendance la plus nostalgique de la collaboration. C’est quelqu’un qui évalue continuellement les gains et pertes de son électorat. Il n’aura jamais le courage franc de ne pas jouer borderline sur ces sujets-là. Il sera toujours limite et parfois au-delà de la limite quand il a le sentiment que c’est électoralement rentable. C’est ce qui fait la différence entre un vrai parti démocratique et un parti qui est en marge pour un certain nombre de valeurs de la démocratie.

 

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