Médecine: un insondable gâchis de destins
Des destins brisés
Bien entendu, tous les futurs médecins ne sont-ils pas de purs philanthropes. Mais c’est un métier qu’on ne peut correctement exercer sans empathie, qu’on ne peut pratiquer sans être tourné vers son frère humain. Ces bons sentiments, une majorité écrasante des étudiants qui resteront, amers, sur le carreau de la planification médicale, les verront battus en brèche.
Ces destins brisés ne seraient qu’un des multiples avatars de l’inadéquation entre l’aspiration des jeunes à un métier et l’absence de débouchés correspondants, à laquelle l’époque nous habitue, hélas. Mais le pire est que l’on écarte ici des professionnels qui auraient comblé un réel besoin.
De partout proviennent des signaux majeurs d’alerte : gardes médicales en pénurie, généralistes qui ne trouvent pas de successeurs, délais d’attente scandaleux, déserts médicaux, médecins en burn-out, importation massive de médecins de l’Est ou du Sud, moitié des médecins de plus de 50 ans. Partout cela clignote. Certains continuent à se voiler la face, argumentant qu’augmenter l’offre augmente les dépenses, ce qui ne fut jamais prouvé. Qu’un médecin sans clientèle ne se tournera pas vers les poches de pénuries. Alors que, dans tous les autres métiers, on suit généralement l’appel de la demande ? Au nom d’une pléthore sur photo jaunie, certains assassinent aujourd’hui une génération de futurs médecins. Qu’on en oriente obligatoirement sur des spécialités ou des régions en pénurie serait davantage acceptable que d’étouffer leur enthousiasme dans l’œuf. Une partie de ceux qui doivent aujourd’hui, sous la menace du nord du pays, procéder à ces coupes claires, le savent parfaitement. Ils sauvent le bébé mais tuent la mère. Ou inversement. N’est pas Salomon qui veut.