Médecine: un insondable gâchis de destins

Compacter une épreuve prévue en sept demi-journées en un seul « jour le plus long »: un objectif bête et aveugle. L’édito de Frédéric Soumois.

Journaliste au service Société Temps de lecture: 3 min

Osera-t-on vraiment l’écrire ? Certes, les étudiants en première médecine expriment légitimement leur colère devant ce qu’ils considèrent comme un coup fourré, transformant d’un coup une session très lourde en une falaise insurmontable, compactant une épreuve prévue en sept demi-journées en un seul « jour le plus long ». Mais osera-t-on dire que le plus heurtant n’est pas tellement dans la méthode, que dans l’objectif, bête et aveugle ? Qui est de stopper net des centaines de jeunes qui auraient fait de bons médecins. Nul ne peut en douter, puisque réussir la première année de médecine était la seule barrière jusqu’alors dressée devant eux. Désormais, il faudra aussi que quatre ou cinq de leurs camarades restent en rade. Certains n’ayant certes pas atteint le niveau, mais d’autres parfaitement aptes à poursuivre leurs études et à devenir un de ces médecins qui, régulièrement, sauvent des vies. Nos vies.

Des destins brisés

Bien entendu, tous les futurs médecins ne sont-ils pas de purs philanthropes. Mais c’est un métier qu’on ne peut correctement exercer sans empathie, qu’on ne peut pratiquer sans être tourné vers son frère humain. Ces bons sentiments, une majorité écrasante des étudiants qui resteront, amers, sur le carreau de la planification médicale, les verront battus en brèche.

Ces destins brisés ne seraient qu’un des multiples avatars de l’inadéquation entre l’aspiration des jeunes à un métier et l’absence de débouchés correspondants, à laquelle l’époque nous habitue, hélas. Mais le pire est que l’on écarte ici des professionnels qui auraient comblé un réel besoin.

De partout proviennent des signaux majeurs d’alerte : gardes médicales en pénurie, généralistes qui ne trouvent pas de successeurs, délais d’attente scandaleux, déserts médicaux, médecins en burn-out, importation massive de médecins de l’Est ou du Sud, moitié des médecins de plus de 50 ans. Partout cela clignote. Certains continuent à se voiler la face, argumentant qu’augmenter l’offre augmente les dépenses, ce qui ne fut jamais prouvé. Qu’un médecin sans clientèle ne se tournera pas vers les poches de pénuries. Alors que, dans tous les autres métiers, on suit généralement l’appel de la demande ? Au nom d’une pléthore sur photo jaunie, certains assassinent aujourd’hui une génération de futurs médecins. Qu’on en oriente obligatoirement sur des spécialités ou des régions en pénurie serait davantage acceptable que d’étouffer leur enthousiasme dans l’œuf. Une partie de ceux qui doivent aujourd’hui, sous la menace du nord du pays, procéder à ces coupes claires, le savent parfaitement. Ils sauvent le bébé mais tuent la mère. Ou inversement. N’est pas Salomon qui veut.

 

Le fil info

La Une Tous

Voir tout le Fil info
La UneLe fil info

Le meilleur de l’actu

Inscrivez-vous aux newsletters

Je m'inscris

À la Une