Les hommes peuvent-ils travailler en short?
- Publié le 23-06-2017 à 12h28
- Mis à jour le 23-06-2017 à 14h57
A Nantes, des hommes sont venus travailler en jupe pour protester contre l’interdiction du bermuda. En cas de forte chaleur, serait-il normal qu’on puisse s’habiller légèrement ? Parmi les internautes interrogés, nombreux sont favorables au port du short, à condition de rester décent (découvrez quelques avis partagés sur lalibre.be ci-dessous).
Depuis lundi, la Belgique et la France subissent la canicule. A Nantes, où le mercure oscille entre 34 et 36°, les chauffeurs de bus et de tram ont chaud derrière leur pare-brise. Gabriel Magner, délégué CFDT de la Semitan, la société de transports nantaise, estime que la température pourrait monter jusqu’à 50° dans l’habitacle. Pour lutter contre la chaleur et protester contre l’interdiction interne de porter des bermudas, il a décidé avec certains collègues de venir travailler en jupe mardi. L’action a fait parler d’elle et relance le débat sur la tenue vestimentaire au travail. Deux avocats nous éclairent en cinq questions.
1. Les entreprises sont-elles tenues de prendre des mesures pour le bien-être de leurs employés en cas de forte chaleur ?
Il existe une réglementation qui oblige l’employeur à garantir le bien-être de ses employés, comme "une accentuation des temps de pause, des rafraîchissements et des lieux d’ombre", précise Bruno-Henri Vincent, avocat spécialisé en droit du travail chez Litis-s. "Cela ne concerne pas les employés de bureau" mais plutôt les personnes travaillant à l’extérieur et dans l’industrie. "Les températures de référence varient en fonction du secteur d’activité et des tâches effectuées", ajoute Bruno-Henri Vincent. Problème : "Les mesures sont peu réalisables parce que les températures de référence sur le règlement du travail sont prises sur un thermomètre mouillé que les entreprises n’ont pas."
2. La réglementation mentionne-t-elle une tenue de travail particulière ?
"Il existe des dispositions particulières applicables aux vêtements de travail qui doivent assurer la sécurité du travailleur et la protection de ses vêtements personnels", signale Amaury Pirlet, avocat chez MCW, "ce vêtement doit être adapté aux saisons et donc aux conditions climatiques". Mais ni cravate, ni short, ni jupe ne sont mentionnés dans la réglementation générale.
3. Peut-on interdire de travailler en short ?
"Les entreprises peuvent donner des indications vestimentaires quand il s’agit d’assurer une image vis-à-vis du public", explique Amaury Pirlet. "Mais ces exigences doivent rester raisonnables et elles ne pourraient être tout à fait inadaptées aux conditions climatiques . L’employeur ne peut pas exiger de venir en combinaison de ski s’il fait 35 degrés." Pour Bruno-Henri Vincent, si rien n’est mentionné dans le règlement de travail, "rien n’interdit le bermuda". Cette liberté vestimentaire doit toutefois être tempérée par "la bonne foi et le fait de ne pas avoir un comportement qui porte préjudice à l’autre. On peut imaginer qu’un notaire qui reçoit en bermuda va provoquer un questionnement du côté du client qui, lui, s’est bien habillé. On peut donc distinguer les personnes qui sont en contact avec le public et celles qui ne le sont pas. On peut aussi se dire, quand je suis au bureau derrière mon ordinateur, je suis en bermuda mais ma chemise, ma cravate et mon pantalon sont à proximité et s’il y a un visiteur, je plonge dedans. C’est ce que nous faisons au bureau."
4. Un employeur peut-il licencier un travailleur s’il porte un short ?
Si aucune indication ne figure dans le règlement interne de l’entreprise, "l’employeur ne peut pas prendre de sanction et encore moins licencier", explique Bruno-Henri Vincent. Mais pour Aumaury Pirlet, dans le cas où la consigne a été clairement formulée, "le travailleur doit respecter l’interdiction. S’il s’agit de manquements répétés de l’employé face à des exigences légitimes de la part de l’employeur, cela peut être un motif de licenciement raisonnable voire justifier un licenciement pour motif grave en cas d’insubordination."
5. Dans certaines entreprises, les femmes peuvent porter des jupes mais les hommes ne peuvent pas porter de shorts. N’est-ce pas une mesure discriminatoire ?
Pour Amaury Pirlet, "des exigences différentes sur base du sexe sont justifiées lorsque les travailleurs sont en contact avec le public". Pas de discrimination, donc. En revanche, Bruno-Henri Vincent s’étonne du débat au masculin, lui qui "adorerait porter une jupe" mais qui ne passe pas à l’acte car à ses yeux il faut bien s’adapter à certaines normes culturelles. "Pourquoi est-on si strict avec les hommes et trouve-t-on sexy que les femmes s’habillent légèrement ?" Pour le spécialiste, il est clair qu’un employeur ne peut interdire le bermuda, "cela deviendrait discriminant".
C’est vous qui le dites
Appel à témoignages. Vous êtes plus de 160 à avoir répondu à notre questionnaire sur lalibre.be. Un peu plus de la moitié d’entre vous peut aller travailler en short. Et vous êtes 58 % à estimer que l’interdiction du short au travail ne peut pas se justifier.
Vos arguments. Vous êtes nombreux à expliquer qu’il est injuste d’interdire aux hommes de porter des shorts alors que les femmes peuvent porter des jupes. Mais certains d’entre vous estiment au contraire qu’il est normal de réserver les shorts aux moments de détente.
Quelques avis partagés sur lalibre.be
Catherine, 38 ans - Oui
Dans l’entreprise dans laquelle je travaille, les hommes peuvent venir travailler en short. Quand il fait chaud, ils sont plus à l’aise pour travailler. Je ne vois pas pourquoi une femme pourrait porter une jupe ou un short, découvrant ses jambes nues, et un homme pas. Hier, mon collaborateur, pas trop sûr qu’il puisse venir en short "de sport" au bureau, avait pris par sécurité un short "de ville"…
Françoise, 47 ans - Non
Dans nos bureaux, l’air est climatisé et nous accueillons de nombreuses personnes qui nous font l’honneur d’être bien habillées. D’où les hommes ne sont pas autorisés à porter des shorts, c’est une question de respect. Et il n’y a pas de raison de crier au scandale, sous prétexte que les femmes, elles, peuvent porter des jupes. Vous savez, les jupes, les tailleurs, les talons hauts, ce n’est pas toujours confortable.
Frédéric, 37 ans - Oui
Les hommes, tout comme les femmes, peuvent venir travailler en short et en sandales, du moment que la tenue reste appropriée. Mes directeurs préfèrent que leurs employés travaillent dans la tenue qui leur est la plus confortable pour effectuer le job. Personnellement, lorsque la météo et la température le permettent, je vais au bureau en short et en sandales. Pleins d’autres employés le font et même parfois aussi les directeurs.
Jacques, 59 ans - Non Non, on ne peut pas venir travailler en short. On n’est pas à la plage. On est au boulot. Un peu de tenue, s’il vous plaît ! Dans l’administration, venir en short donne un aspect de “baraki” (NdlR: personne sans manières, qui s’habille mal) et ne fait pas sérieux.
Christine, 57 ans - Oui
Mon premier patron m’a accueillie pour mon premier jour de stage en chemise hawaïenne, il rentrait de vacances. J’ai trouvé cela super-cool, et la suite a prouvé qu’il l’était vraiment. Dans mon entreprise actuelle, les hommes peuvent venir travailler en short, l’important n’est pas la manière dont ils s’habillent, mais ce qu’ils font.
Edouard, 31 ans - Non
Dans mon entreprise, on ne peut pas venir travailler en short. Pourtant, j’estime que ce n’est pas justifié. D’ailleurs, pour me rebeller, quand m’a demandé de ne pas mettre de short et de venir en chemise, je suis venu au boulot en pantalon, chemise hawaïenne et cravate immonde.
Julien, 36 ans - Oui Tout réside dans la définition short, qui est propre à chacun. Tant que nous restons dans une définition de bermuda classique, c’est acceptable. Par contre, un maillot short bariolé ou un jeans coupé, non. De la même manière, une femme ne viendrait pas travailler en paréo. Le problème si on n’interdit pas le short, ce sont les éventuelles dérives.