Un projet pharaonique est en passe de métamorphoser le visage d’Andermatt

Paisible village des Alpes suisses qui a longtemps refusé tout développement touristique, Andermatt est aujourd’hui en pleine phase de mutation. Au total, 1,8 milliard d’euros sera injecté pour sortir de terre un méga-projet de 150 hectares que l’on doit à un entrepreneur égyptien.

Responsable du «Soir Immo» Temps de lecture: 8 min

Andermatt est un petit village suisse de 1.400 âmes planté au pied du tunnel du Saint-Gothard, lieu de passage obligé pour les touristes voulant transiter vers l’Italie. Cerné par les montagnes du canton d’Uri, il a longtemps été à la traîne en matière de développement touristique en raison, notamment, de la présence sur ses terres de l’armée suisse.

Aujourd’hui encore, la « Swiss Army » y possède l’un ou l’autre baraquement et il est encore fréquent de voir les armées d’autres pays utiliser Andermatt comme base d’entraînement. Mais au niveau de son patrimoine terrien, celui-ci a fondu comme neige au soleil, le gouvernement ayant racheté la grande majorité des terrains.

Cent cinquante hectares ont ainsi été revendus à Samih Sawiris, un Egyptien de 58 ans, patron d’Orascom Development. Les développements à très grande échelle, ce membre d’une famille d’entrepreneurs connaît sur le bout des doigts puisqu’on lui doit, entre autres, l’impressionnant développement de la ville d’El Gouna sur les bords de la mer Rouge.

Parlant couramment plusieurs langues dont l’allemand, il est sollicité pour donner son avis sur le développement d’Andermatt lorsque les autorités locales décident, enfin, de passer à l’action. Nous sommes en février 2005. Mais la consultance tourne court : Samih Sawiris quitte la réunion car le projet ne concerne « que » la création d’un resort hôtelier en lieu et place de l’ancien « Belle-Vue », un hôtel construit à la fin du XIXe siècle qui rivalisait avec les plus grands établissements hôteliers de l’époque.

La vision de l’Egyptien va bien au-delà. Ce que veut Sawiris, c’est un développement comprenant de l’immobilier, mais aussi la création d’un terrain de golf et la réunion, en créant de nouvelles remontées mécaniques, de deux domaines skiables : Andermatt et Sedrun. Au pied de ces Alpes d’où part le « Gothard Express » à destination de Zermatt et de Saint-Moritz, on raconte que l’entrepreneur égyptien eut un coup de foudre pour les lieux à la suite d’un tour en hélicoptère. Lorsqu’il est recontacté par les autorités helvétiques quelques mois plus tard, il revient par la grande porte et décide de mener et d’investir massivement dans le projet pharaonique qu’il a lui-même imaginé.

Intitulé « Andermatt Swiss Alps » (ASA), celui-ci comprend la construction de pas moins de six hôtels 4 et 5 étoiles, de 42 résidences (pour un total de 500 appartements), de 25 chalets individuels, d’une piscine publique couverte, d’un centre de congrès, d’un golf, de même que la réunion des deux domaines skiables susmentionnés (reliés aujourd’hui par une liaison en train) ainsi que, last but not least, la rénovation de la gare de trains d’Andermatt. Trente architectes ont été sélectionnés pour dessiner les contours de cette nouvelle destination de charme.

Le budget global du projet est évalué à… 1,8 milliard de francs suisses (pratiquement le même montant en euros…), hors aménagement des domaines skiables qui se déroulera en plusieurs phases (la première est sur le point d’être entamée et coûtera à elle seule 130 millions). Si Andermatt cherchait un messie, elle n’aurait pu mieux tomber…

A l’heure actuelle, un hôtel 5 étoiles est déjà construit. Le Chedi Andermatt (il est géré par GHM, le géant de Singapour bien connu dans le secteur de l’hôtellerie de luxe) a ouvert ses portes à l’hiver 2013. Il est une pure merveille, assurément l’un des plus beaux de Suisse et même d’Europe. Cocorico : on doit cette perle des Alpes à un architecte belge, Jean-Michel Gathy.

Doté de 105 chambres, dont la plus petite fait 52 m2, il a coûté à lui seul 300 millions et a nécessité quatre ans de travaux. S’étendant sur plusieurs bâtiments reliés entre eux, il propose à la vente des chambres et penthouses aux prix mirobolants : entre 20.000 et 30.000 euros du mètre carré ! Sachant que certaines unités vont jusqu’à frôler les 300 m2, le calcul est de ceux qui donnent le tournis. A ce jour, il reste un appartement et six penthouses à vendre, sans compter les quelques biens remis sur le marché par les investisseurs.

On l’aura compris : le projet ASA voit (très) grand. Il doit encore accueillir cinq hôtels 4 étoiles. Le premier est sur le point de démarrer (il devrait s’appeler Four B Hôtel) et appartient pour 49 % à l’entreprise de construction belge Besix désireuse, elle aussi, de se lancer dans la conquête des Alpes. Si elle ne participera pas à la construction, confiée à une entreprise suisse, Besix est fortement impliquée dans l’ingénierie de cet hôtel dont l’ouverture est annoncée pour l’hiver 2018. « Pour les autres hôtels, rien n’est encore définitif, explique Markus Berger, le chargé de communication d’ASA. Mais il y aura sûrement un hôtel familial ainsi qu’un hôtel destiné au golf. »

Par ailleurs, trois résidences à appartements ont déjà accueilli leurs premiers résidents et une quatrième est en phase de finition. Là aussi, les unités partent comme des petits pains malgré des prix qu’un Belge pourrait juger exorbitants. A titre indicatif, sachez ainsi qu’un appartement de 109 m2, avec 2 chambres, une kitchenette, un salon (avec feu ouvert) et deux salles de bains coûte 1,5 million de francs suisses. « La TVA est incluse », nous dit-on. Pour un 164 m2 de 3 chambres disposé sur 2 étages, il faudra ajouter 1 million supplémentaire. Certes, la vue sur la montagne vaut le détour, mais ça fait tout de même beaucoup d’argent pour un village dont le développement futur reste un point d’interrogation.

Les agents immobiliers du coin insistent toutefois sur le fait que le prix moyen pratiqué en Suisse pour la construction neuve de résidences secondaires s’élève à 15.000 francs suisses du mètre carré. Andermatt s’aligne donc sur le marché et serait même (autrement) moins chère que Saint-Moritz, Verbiers ou Gstaad, trois des stations les plus huppées du front helvétique. Investisseurs de tous bords, si la Suisse vous tente, Andermatt vous tend les bras…

« Le village sera une destination prisée, mais ne deviendra jamais bling-bling »

Assis côte à côte, Christof Birkhofer et Robert Fellermeier ne doutent pas un seul instant de la réussite du projet Andermatt Swiss Alps. Le premier est le responsable du pôle immobilier ; le second gère le développement des hôtels en Suisse.

Selon eux, les quelque 500 appartements et 25 chalets qui seront construits dans des délais qui restent à définir n’auront aucun mal à trouver des acquéreurs pour une raison assez simple : une ordonnance du Conseil fédéral suisse, consécutive à un référendum populaire visant à stopper la construction de résidences secondaires, limite depuis le 1er janvier 2013 à 20 % la part de celles-ci dans les immeubles neufs. Entendez par là qu’une résidence secondaire neuve sera difficile à trouver à l’avenir. Or, le projet d’Andermatt est passé avant la nouvelle loi. « Autrement dit, il y a beaucoup d’appartements neufs qui vous tendront bientôt les bras !, sourit Christof Birkhofer. Andermatt constitue un solide pari sur l’avenir, c’est vrai. Mais il y a dix ans, personne n’aurait cru que l’hôtel Chedi verrait le jour. Et aujourd’hui, il est là et bien là puisqu’à certaines périodes de l’année, il est même plein à craquer. »

Une belle gageure quand on sait qu’en haute saison, il est impossible d’y loger pour moins de 700 euros la nuit… « On ne doute pas de notre succès, embraye Robert Fellermeier. Bien sûr, la construction de l’ensemble prendra beaucoup de temps. Mais au final, on offrira des biens qui seront devenus rares sur le marché. Et ça, c’est un énorme atout. »

Les deux hommes insistent sur d’autres points, comme la hausse de la fréquentation touristique enregistrée à Andermatt indépendamment du projet de Sawiris. « De 1995 à 2005, 79 unités de logements ont été construites à Andermatt, font-ils ainsi remarquer. Et de 2005 à 2013, on en a compté 176. Ouvert il y a à peine un an, le parcours de golf a déjà accueilli 2.500 joueurs en 2014. Or, seuls les clients de l’hôtel ou nos résidents peuvent y jouer. Nous n’ouvrirons les “green-fees” au public que l’an prochain. Tous les indicateurs sont au vert. »

Un village actif toute l’année

Andermatt est donc la station qui monte. Ou plutôt, le village qui monte puisqu’Andermatt précise à qui veut l’entendre qu’elle sera un village ouvert toute l’année, au contraire de beaucoup d’autres stations, huppées ou non. « D’ici 15 ans, Andermatt sera l’une des cinq destinations les plus prisées de Suisse, affirme sans détour Robert Fellermeier. Le village va monter en grade mais il continuera d’attirer le million de personnes qui passent nous voir chaque année parce qu’ils préfèrent franchir le col du Saint-Gothard à moto ou en voiture plutôt qu’emprunter le tunnel. Et pour eux, comme pour nos futurs clients, le village saura garder son authenticité. Car ce que les gens recherchent avant tout ici, c’est le calme et la nature. On le voit dans nos clients investisseurs : on a des entrepreneurs, des avocats, des gens qui ont travaillé dur ou qui continuent de le faire. Andermatt ne deviendra jamais une station bling-bling. »

Le temps le dira. « Andermatt est un projet unique en Suisse, mais aussi dans toutes les Alpes, intervient Christof Birkhofer, car il combine l’infrastructure, le tourisme et l’immobilier. Rien qu’en termes d’échelle, il est le plus grand. Et puis, ASA s’occupe de tout : du dessin à la gestion, en passant par la construction. »

Comme dans beaucoup d’autres projets immobiliers aujourd’hui mis sur le marché, les biens achetés à Andermatt, que ce soit ceux que l’on trouve dans l’hôtel Chedi ou ceux éparpillés dans les résidences, pourront être confiés en gestion locative à ASA. A titre indicatif, un appartement de 2 chambres se louera entre 185 et 295 francs suisses la nuit en basse et en moyenne saison tandis qu’il grimpera entre 2.500 et 3.000 francs suisses en haute saison et durant la saison « de pointe » (du 19 décembre 2015 au 6 janvier 2016).

Pour les appartements et les penthouses situés dans l’hôtel, ASA se réserve 50 pour cent du produit des locations, contre 25 pour cent pour les biens situés dans les résidences. Le propriétaire devra en outre consacrer un budget pour les coûts liés à la gestion locative (entretien du bien, mise en location…) : aux environs de 75 francs suisses par mètre carré par an.

 

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