Un ange nommé Damon
"Everyday Robots", le premier solo du chantre de Blur, sort ce jour. Un grand disque.
- Publié le 24-04-2014 à 18h12
- Mis à jour le 24-04-2014 à 19h40
"Everyday Robots", le premier solo du chantre de Blur, sort ce jour. Un grand disque.C’est la chronique d’une consécration annoncée. Ce vendredi, le sol de la planète musique va trembler pour la sortie du premier effort solitaire de Damon Albarn, héros des temps modernes musicaux s’il en est. Celui qu’on attendait sans presque y croire depuis vingt-cinq ans de carrière du génie anglais. Mais un tremblement en forme de caresse, qui secoue en douceur plus qu’il ne fait vaciller. Une constellation pop intimiste en douze temps, qui toise les cumulonimbus et fait passer la voie lactée pour une tapisserie bon marché. Jamais l’artiste n’avait sonné à ce point personnel, aussi épidermique. A 46 ans depuis quelques jours, Albarn fait fi des démons de midi et signe l’apothéose d’une gigantesque carrière en cours. Un "Everyday Robots" humain après tout.
Arrivé au printemps 68, Damon voit le jour à Whitechapel au sein d’une famille de hippies au tempérament fort. Son grand-père, objecteur de conscience durant la Seconde Guerre. Sa mère, décoratrice de théâtre. Son père, directeur d’école d’art, journaliste pour la BBC et manager du groupe Soft Machine. Un filiation qui ferait immanquablement de lui un artiste, tout comme sa sœur cadette Jessica, devenue dessinatrice. Ils grandissent entre Leytonstone, à l’est de la City, et Colchester (Essex), dans une grande bâtisse datant du XIVe où Damon se sent à l’étroit. Et dont il ne regrette que ces étranges chaises en plastique bleues, cadeau de Cat Stevens à son paternel. Assez mauvais élève, Damon Albarn ne brille pas à l’école mais se forme au violon et au piano. Ses parents font résonner du blues, des musiques indiennes et africaines à la maison. L’emmènent à un concert des Osmonds pour ses six ans. Lui use ses 45T de XTC, The Jam, Human League et Madness. Découvre les Kinks aussi. Et fonde quelques premiers projets. Ado, sur les bancs de la Stanway Comprehensive School, il se lie d’amitié avec un certain Graham Coxon qui chatouille la guitare et forme un groupe avec lui : Circus, qui deviendra Seymour, qui deviendra… Blur.
Britpop forever
C’est l’entame d’un chapitre incontournable des musiques populaires britanniques. Après l’album introducteur "Leisure" en 1991 et le volet US de sa tournée, Albarn a le mal du pays et opère un retour quasi sentimental à son identité british. A l’instar de Supergrass et d’Oasis, futur meilleur ennemi du groupe, Blur écrit l’histoire de la britpop dès le second "Modern Life is Rubbish". Puis connait le succès populaire avec "Park Life" en 1994. Mais de ses bisbrouilles à base de "UK Top 40" face aux Gallagher, Albarn sort en loser. Et souffre de crises de panique, supportant moyennement la célébrité. S’ensuivront excès en tous genres et tensions. La démission de Coxon en 2001. Et quatre autres grands disques pour un total de sept aux commandes du vaisseau Blur.
L’autre grande réussite de Damon Albarn, c’est Gorillaz, groupe virtuel le plus rentable de l’histoire des notes classé au "Guiness Book". Lancé avec le dessinateur Jamie Hewlett, le projet accouchera de trois albums aux ventes exponentielles. Le Londonien y peaufine ses talents d’auteur-compositeur dans une veine dub/hip-hop sans jamais se fourvoyer ni délaisser sa pop. Ce n’est d’ailleurs pas l’unique cour de récré que s’offre sa plume. Il y eut deux opéras, des B.O., ses amours africaines et d’autres parenthèses plus ou moins enchantées. Sans oublier le génial "The Good, The Bad&The Queen" avec Dangermouse à la prod’, unique estocade d’un super-groupe sans nom composé du batteur nigérian Tony Allen, de Paul Simonon (The Clash) et de Simon Tong (The Verve). C’est aux confins de ce projet et du dernier Blur, "Think Tank", que l’on trouve "Everyday Robots". Première vraie confession solo du maestro (si l’on fait abstraction des démos de ce "Democrazy" bricolo en 2003). Un chef-d’œuvre orchestré par Richard Russel, avec les concours discrets de Natasha Khan et de Brian Eno. L’autobiographie musicale d’un drôle de numéro. A la fois chaleureux et perché tous là-haut. Et, de tous les albums sortis cette année, certainement le plus beau.
Nicolas Capart