Le Hamas veut incarner la résistance radicale à l’occupation

Né en décembre 1987 à Gaza quelques jours après le début de la première intifada (soulèvement), le Hamas s’est choisi un nom – l’acronyme arabe de « Mouvement de la résistance islamique » – qui signifie aussi « zèle ».

Journaliste au pôle International Temps de lecture: 4 min

Le Hamas n’a pas surgi de nulle part. Il provient de la matrice des Frères musulmans égyptiens, dont il se proclame membre. L’éclosion de cette « filiale » palestinienne, durant les années 70 et 80, a été favorisée par l’occupant israélien. Alors non impliqués dans la « résistance », les islamistes se contentaient d’étendre leur influence en développant leurs actions sociales – dispensaires médicaux, jardins d’enfants, clubs sportifs, etc. – en vue d’islamiser la société. La mansuétude israélienne envers eux s’expliquait par le (mauvais) calcul qu’ils sapaient l’aura des organisations nationalistes palestiniennes qui, comme le Fatah d’Arafat, combattaient l’occupation sous l’ombrelle de l’OLP.

La création du Hamas allait changer la donne et le mouvement apparut vite comme bien plus radical et maximaliste que l’OLP. Sa charte ne laisse à cet égard aucun doute sur son idéologie. Truffé de références antisémites les plus grossières, le texte déclare que toute la Palestine est une « terre islamique confiée aux musulmans jusqu’au jugement dernier ».

Le Hamas refusera en toute logique les accords d’Oslo signés avec Israël par Yasser Arafat au nom de l’OLP en 1993. Pire, pendant douze ans, entre 1993 et 2005, le mouvement islamiste pratiquera par à-coups une des pires formes de terrorisme : les attentats suicides contre les civils israéliens. Israël lui livrera d’ailleurs une guerre sans merci, ne lésinant pas sur les assassinats de dirigeants, dont l’un des principaux fondateurs, le cheikh Ahmad Yassine, pulvérisé sur sa chaise roulante par une bombe à Gaza en 2004.

Pourtant, bien que désormais placé sur les listes européennes et américaines des organisations labellisées terroristes, le Hamas allait bientôt voir s’ouvrir les portes d’un avenir politique, grâce à un coup de pouce sans doute pas désintéressé du Premier ministre israélien Ariel Sharon. En 2005, en effet, ce dernier décida d’évacuer la bande de Gaza sans en confier les clés au nouveau président palestinien Mahmoud Abbas, élu en janvier sur un programme de paix. Le Hamas proclama sa « victoire » et remporta dans la foulée les élections législatives de janvier 2006, bénéficiant au surplus d’une part de l’hostilité de la population envers la corruption des élites du Fatah et d’autre part de l’échec patent de celui-ci dans l’accession pacifique de la Palestine à l’indépendance.

Mais il ne put savourer ce succès : les Européens s’empressèrent de poser trois conditions pour traiter avec lui – reconnaître Israël, renoncer à la violence et avaliser les accords déjà conclus par l’OLP avec Israël – sans poser d’exigences similaires aux Israéliens. La potion était trop amère : le Hamas finit par se raidir et par s’emparer par la violence de la bande de Gaza où, selon des sources bien informées, se préparait un putsch du Fatah contre lui.

En même temps, le piège s’est refermé sur lui, ou plutôt sur Gaza, devenue vaste prison à ciel ouvert. La férule du Hamas sur le petit territoire allait dès lors prendre forme. Une forme sévère, intolérante qui met à mal la popularité du mouvement mais qu’il justifie par le siège subi. Des tunnels creusés sous la frontière sud, avec l’Egypte, permettront au Hamas de prospérer et à l’économie locale de survivre. Israël ne se plaint que des roquettes tirées par des organisations plus radicales encore que le Hamas, en revanche, la division politique entre Gaza et la Cisjordanie ne lui déplaît pas, bien au contraire…

La géopolitique fera encore son œuvre : le Hamas perd successivement d’importants soutiens, l’Iran fâché de son attitude dans le dossier syrien, et surtout l’Egypte du Frère musulman Morsi, déposé en juillet 2013 par des militaires qui voient dans le Hamas un bien plus grand ennemi qu’Israël. L’Egypte du maréchal Sissi fermera d’ailleurs bientôt les tunnels.

Très affaibli, le Hamas ne dispose plus que du soutien lointain du Qatar et de la Turquie. Il va alors reprendre langue avec Mahmoud Abbas, à Ramallah. Cette énième tentative de réconciliation aboutit contre toute attente début juin 2014 à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale composé de technocrates et… reconnu par Washington et Bruxelles, au grand dam d’Israël. Qui n’aura de cesse de saboter cette alliance…

Le radicalisme du Hamas l’ôte-t-il à jamais de la liste des partenaires de négociations ? Sa charte qu’il se refuse d’amender confirmerait cette hypothèse que l’Occident a faite sienne. Il y a pourtant lieu d’apporter des nuances. Qui valent ce qu’elles valent.

Car le Hamas n’est nullement monolithique et nombre de ses caciques ont évoqué des trêves à longue durée avec Israël (10, 20, 30 ans), alors que d’autres sinon les mêmes ont admis qu’ils se contenteraient d’une Palestine sur les territoires occupés avec Jérusalem-Est comme capitale et le retour des réfugiés. Un tel accord, avalisé par le peuple palestinien par référendum, pourrait peut-être faire l’affaire du Hamas. Mais le sang qui coule ces derniers jours au Proche-Orient pousse les protagonistes dans la direction opposée.

 

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