Taxer la spéculation pour apaiser les tensions

Chef du pôle Pouvoirs Temps de lecture: 3 min

Une organisation patronale qui dit son ouverture à une taxe sur la spéculation, c’est un peu comme un syndicat qui s’avancerait vers une réforme de l’index.

C’est possible, mais hautement improbable.

Et pourtant Michel Delbaere, le très influent patron des patrons flamands, a osé émettre son nihil obstat. De manière très décontractée, qui plus est, et à l’entame d’un discours important adressé, jeudi soir, à 1.200 de ses pairs. « Pour les employeurs, une taxation des plus-values spéculative ne pose pas de problème. » Avant d’ajouter : « La spéculation ne crée de bien-être que pour quelques-uns. Nous plaidons pour le capital patient, qui profite à tous. »

On s’est pincé dans les états-majors syndicaux.

Et pas seulement là.

Car cette ouverture est lourde de sens.

D’abord elle dément frontalement le discours ambiant des défenseurs rabiques de l’accord de gouvernement, qui prêchent que ce document est impossible à amender. Le plus illustre d’entre eux, Bart De Wever, déclarait encore au lendemain de la manifestation du 6 novembre : « Il n’y a pas d’alternative à notre politique. Nous devons maintenant persévérer et créer des perspectives pour les gens. D’autres pays qui nous ont précédés sont aussi passés par ces moments difficiles. »

Ensuite, en proposant subtilement ce geste, le patron des patrons flamands vient d’ouvrir une brèche dans la digue qui sépare, de manière stérile, le gouvernement et les patrons, d’une part, les syndicats et une partie de la population d’autre part.

Restons vigilant : si taxe il y a, elle ne devra pas rester symbolique. Elle devra effectivement toucher les comportements spéculatifs, être lucrative et faire l’objet de contrôles. Si la proposition du patron flamand n’a pas cette portée, elle aura le cynisme du spéculateur invétéré.

Mais à la veille des premières grèves tournantes, qui vont toucher durement la population, cette ouverture doit être exploitée au plus vite.

L’accord de gouvernement, si honni, a ses vertus sur le long terme. Pour n’en prendre qu’une : il permettra à la Belgique de limiter le risque d’un défaut de payement des pensions, rien que ça. Mais il a aussi ses déséquilibres. Il touche sensiblement les chômeurs, la classe moyenne et les consommateurs et laisse en même temps l’impression que les détenteurs de capital sont épargnés. Les affaires LuxLeaks et la médiatisation de quelques plus-values aussi astronomiques qu’exonérées ont accru ce sentiment d’injustice, qui provoque aujourd’hui une opposition dure à l’accord de gouvernement, jusque dans ses passages vertueux.

Avec cette proposition de taxer la spéculation, il existe aujourd’hui une occasion unique de lever ce sentiment d’iniquité et d’ôter un argument de poids aux opposants rabiques à l’accord de gouvernement.

On dit parfois que cette coalition est aux ordres du patronat flamand. Pour une fois, on espère que c’est vrai.

 

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