Le bouclier humain

Editorialiste en chef Temps de lecture: 3 min

Un bouclier humain. C’est ce qu’à Paris, 1,5 million de jeunes, vieux, laïcs, cathos, musulmans, juifs, gens de la rue ou chefs de gouvernement (et des milliers dans d’autres villes, dont Bruxelles) ont interposé entre notre terreur et l’horreur. Cela peut paraître dérisoire : que peuvent des êtres humains, collés les uns aux autres, centimètre de peau par centimètre de peau, reliés par la même exigence de liberté, face à des croisés de la mort ? Beaucoup. Ceux qui ont marché hier, le savent : leur foule n’était pas que sentimentale, elle était aussi une masse, physique.

Avant, nous voulions vomir ces images de massacres. Depuis hier, des foules fraternelles ont pris leur place, nous permettant d’exorciser ce qui menaçait de nous hanter, et pour longtemps. Nous n’avons rien oublié, et le risque est très grand que des actes à la « Kouachi » se reproduisent, mais un sentiment de plénitude, absolument improbable samedi soir, nous emplit et nous apaise. Ces foules en marche, mélangées, ont reconsolidé cette part de nous qui avait volé en éclats. Toujours fragile, mais pas anéantie. Cela n’a l’air de rien, mais c’est extrêmement important.

C’est la première vertu de ce nous en mouvement : cette résilience, qui nous autorise après un choc inouï, à vivre à nouveau et à croire à la possibilité d’un avenir. Nous nous apprêtions à assumer notre peur seuls, terrés dans notre petit intérieur. Les marcheurs de ce 11 janvier ont brisé l’enfermement. Ça sortait littéralement des foules : « Ensemble, on est plus forts ». Pour résister, se protéger et pour exister tout simplement. Hier, la masse qu’on dit silencieuse, était de chair. Et sa détermination était assourdissante.

Bien sûr, on ne sait si on doit se réjouir ou s’offusquer de voir réunis l’Israélien Netanyahou et le Palestinien Abbas, dans l’hommage aux anars, « pourfendeurs de dieux », de Charlie Hebdo. Ah ! si ces deux-là avaient pu « converger » ailleurs que vers Paris… Mais hier, ces paradoxes ne devaient rien assombrir. Tant l’important était que des valeurs soient affirmées par des gens de la rue et des chefs d’Etat et de gouvernement (56 !), de tous horizons, et opposées à des criminels islamistes soudain isolés dans leur haine.

Demain, quoi ? Deux risques existent. Primo, la béatitudes. Ils étaient nombreux hier dans la rue, mais il y en avait aussi d’autres qui n’y étaient pas, opposés à un collectif multiculturel, ou en rupture avec une société qui ne veut pas d’eux et/ou de leur vision de leur Dieu, ou ayant perdu toute capacité à croire au destin collectif. Secundo, les simplismes. Comme ce fut le cas après le 11-Septembre, il sera plus facile d’accoucher d’armées en mouvement, de lois qui répriment, de murs. Alors que la force de la journée d’hier réside dans ce nous dont il faut accepter la complexité et travailler à lui donner une vie. Plus qu’une journée.

 

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