"Des mystères, c’est pas fait pour être compris, c’est fait pour être… mystérieux"
- Publié le 25-05-2017 à 08h45
L’écrivain québécois Michel Tremblay rejoint ses jeunes années. Avec ses piquants pourquoi du pourquoi du pourquoi…On rit. On sourit. On s’attendrit. On participe et, parfois, s’exaspère. Michel Tremblay a le secret de ces plaisants bonheurs de lecture qui, renouant avec les étonnements de l’enfance, font émerger ces "pourquoi ?" et "comment", qui tant mettent à mal la patience des adultes. "Michel, tu sais comment j’haïs ça quand tu tournes autour du pot comme ça…" En réalité, il ne tourne pas du tout autour du pot, le jeune Michel né à Montréal comme l’écrivain qui le fait revivre - mais ce n’est pas la première fois - avec un enchantement évident. Il y va avec ses interminables questions. Il ne désarme jamais et, à la recherche du pourquoi du pourquoi du pourquoi, houspille la bonne volonté de ceux qui n’ont pas les arguments pour lui répondre. "Tu poses des questions, toi, des fois !", soupire sa mère épuisée. Il les pose, mêlant innocence et insolence, curiosité et mauvaise foi. Et les dialogues sont savoureux qu’il a avec ses parents, ses tantes ou sa grand-mère.
Déjà en 2002, "Bonbons assortis" de la même veine avait révélé l’humour délicatement nostalgique d’un Michel Tremblay qui aime ouvrir sa boîte aux trésors d’autrefois. Mais c’est toute son œuvre faite de romans, pièces de théâtres ou comédies musicales qui a contribué à forger la légende québécoise. En se retournant sur son enfance, il remonte à une période de remise en question d’un catholicisme dogmatique par une société qui a aujourd’hui pris ses distances avec cette religion largement ancrée dans le pays. Si les images qu’il en garde sont teintées d’ironie, il y mêle une chaleur mélancolique en évoquant le désarroi de gens - des parents, en l’occurrence - qui semblent finalement plus ingénus que leurs enfants : "Des mystères, c’est pas fait pour être compris, Michel, c’est fait pour être… mystérieux", explique la mère à son fils qui veut percer la personnalité du Saint-Esprit. Il n’y a toutefois pas que la religion qui interpelle le jeune Michel. L’ennui des livres sans images. L’utilisation du "tu" et du "vous".
L’interdiction de cueillir des tulipes au parc La Fontaine pour célébrer la fête des mères : du vol, Michel et avec un don qu’a fait à la ville la reine Béatrice de Belgique ! Les chasseurs qui tuent la mère de Bambi. Le cadeau de Noël qu’on n’aime pas… Autant d’expériences qui troublent le besoin de logique de l’enfant, titillent les conventions et mettent souvent le lecteur en joie. C’est que tous les textes ne sont pas d’égale humeur et doivent être lus au hasard de la page qui s’ouvre lors d’un moment de détente.
Michel Tremblay qui écrit depuis ses 14 ans - il est né en 1942 - est une des vedettes les plus populaires du Québec. En incluant, à ce qu’il écrit, le joual qui est la langue populaire par excellence du milieu dans lequel il a grandi, il donne une énergie, une vie, une réalité et une drôlerie particulièrement jouissives aux images qu’il nous envoie.
"Conversations avec un enfant curieux", Michel Tremblay, Leméac/Actes Sud, 150 pp., 18 €