Et si religion/morale devenait un cours à option?

Les élèves de l’officiel pourront donc choisir entre les formules 2 heures de citoyenneté ou « 1 heure de citoyenneté + 1 heure de religion/morale ».

Journaliste au service Politique Temps de lecture: 5 min

Véronique de Thier et Carlo de Pascale ne comptaient pas en rester là.

Le 12 mars, ces parents ont fait dire à la Cour constitutionnelle que le cours de morale était, à son estime, devenu un cours philosophiquement engagé. Vu cela, la Cour a estimé que la Communauté française ne pouvait pas obliger les enfants du couple à faire un choix entre religions/morale.

La Cour constitutionnelle rendait là un arrêt dans le cadre d’une question préjudicielle qui lui avait été adressée par le Conseil d’Etat. Pour le dire en français : l’arrêt de la Cour du 12 mars n’a pas de portée générale, collective ; il ne vaut donc que pour les enfants du couple de Thier/de Pascale.

Un autre recours a été déposé

L’affaire est restée discrète mais le 1er juin, ces mêmes parents ont déposé un autre recours devant la Cour constitutionnelle. Plus de question préjudicielle ici. C’est un recours direct. Cette fois, Véronique de Thier et Carlo de Pascale demandent l’annulation d’articles du Pacte scolaire et d’un décret de 1994 de la Communauté définissant la neutralité de l’enseignement. On résume l’idée : Véronique de Thier et Carlo de Pascale veulent contester le caractère obligatoire du cours de religion/morale. Les deux parents reprennent à leur compte un propos défendu en son temps par le constitutionnaliste Marc Uyttendaele, qui relevait que si les écoles publiques sont obligées d’organiser la religion/morale, rien ne dit que les élèves sont obligés de suivre ce cours.

Nuance, donc : il s’agit ici d’un recours en annulation. S’il aboutit, la décision de la Cour aurait un effet général – et, donc, dévastateur.

Mais ce recours est désormais… sans objet – et Véronique de Thier l’admet volontiers.

La religion/morale est devenue facultative

Pourquoi ? Parce que, entre-temps, le mercredi 1er juillet pour être précis, le gouvernement de la Communauté française a officiellement créé un système de dispense qui permettra aux élèves d’échapper à la religion/morale. Dans un premier temps, les élèves sollicitant la dispense se verront proposer des activités dans le cadre de l’Encadrement pédagogique différencié (EPA, appelé aussi « cours de rien »). Et progressivement (à partir de septembre 2006 au primaire, 2007 au secondaire), cet EPA sera remplacé par un cours de citoyenneté.

De facto, ceci tempère le caractère obligatoire de la religion/morale puisqu’on lui crée une alternative, une échappatoire – l’EPA d’abord, la citoyenneté ensuite.

Sauf surprise, ce recours est donc devenu sans objet. Mais rétrospectivement, il souligne que le gouvernement PS-CDH a été bien inspiré de créer l’EPA. Et l’on frémit quand on se souvient que Joëlle Milquet (CDH), critiquée et mise sous pression de toutes parts, menaça un temps de reporter l’EPA ou, pire, de ne rien faire du tout – la ministre de l’Education invoquait le fait que l’arrêt de la Cour du 12 mars n’a pas de portée générale et que, somme toute, rien ne l’obligeait à légiférer. Si la dispense n’avait pas été mise sur pied, la Communauté aurait offert ses flancs à un nouvel obus de la Cour constitutionnelle – garanti.

Un accord politique un rien bancal

On est sauf, donc. Sauf que l’accord politique du 1er juillet sur l’organisation de la dispense n’est pas un grand modèle de clarté et que sa complexité provoquera peut-être sa ruine. Rappelons-nous : à terme (d’ici 2016 au primaire, 2017 au secondaire, donc), l’élève souhaitant un cours de religion/morale (lequel cours sera réduit à 1 heure/semaine) aura un cours de citoyenneté de 1 heure/semaine ; l’élève qui souhaite échapper à la religion/morale aura, lui, 2 heures/semaine de citoyenneté.

Sur papier, ça tient. Dans les écoles, on frémit déjà – composer les horaires va devenir inextricable. Et, dans le sérail, beaucoup se disent que ce montage, trop complexe, activera les partisans de l’effacement pur et simple du cours de religion/morale et de la généralisation de 2 heures de citoyenneté.

L’effacement, en réalité, il est impossible – la Constitution impose à la Communauté française d’offrir aux élèves de l’école publique un cours de religion/morale. En revanche, on peut rendre le cours facultatif – l’élève suit le cours s’il le souhaite. Et telle est bien l’option qui a été retenue par le gouvernement de la Communauté française : on peut échapper au cours de religion/morale en choisissant l’option 2 heures de citoyenneté – « C’est la grande avancée, note Christos Doulkéridis, député Ecolo. La religion/morale est devenue facultative ! »

Mais le schéma retenu ne comble pas tout le monde.

Le FDF à l’avant-garde

Le FDF propose d’imposer les 2 h de citoyenneté à tous les élèves et de sortir la religion/morale de la grille-horaire. Ce serait… légal : on honore le prescrit constitutionnel imposant aux écoles d’offrir un cours de religion/morale, le texte ne disant pas si le cours doit être obligatoire ou facultatif. « Il faut un cours de philosophie/citoyenneté de 2 heures pour tous les élèves, plaide Caroline Persoons, députée FDF. Et pour les parents et élèves qui souhaitent garder une formation religieuse, on organiserait un cours de 1 heure, pendant le temps de midi, après les cours. Il faut une organisation tenable – pas question d’organiser ça le mercredi après-midi à 18 heures ; il n’y aurait personne. Aussi, ne plus rien offrir du tout ne serait pas une solution – ce serait prendre le risque de confier l’éducation religieuse à n’importe qui, en dehors de l’école. »

Budgétairement intenable

Pour le PS, le MR et Ecolo, la formule idéale serait de généraliser les 2 heures de citoyenneté. Mais ils se contentent pour l’instant de la formule retenue par le gouvernement. Pourquoi ? « Parce que, budgétairement, ce serait intenable, dit Françoise Bertieaux, cheffe du groupe MR. Il faudrait organiser ces 2 heures de citoyenneté auxquelles il faudrait ajouter 1 heure de religion/morale, que la Constitution impose d’organiser. Où trouver l’argent ? »

Il y a les arguments budgétaires. Il y a les conséquences sur l’emploi – « On ne peut pas tout bousculer du jour au lendemain », dit Doulkéridis.

Il y a le rapport de force politique, aussi. Pour le CDH, la religion/morale doit rester dans la grille-horaire. Comme partenaire de la majorité, il a tiré le verrou à cet égard. Mais le dossier est loin d’être clos et on doute que l’accord, baroque, du 1er juillet (2 h de citoyenneté ou 1 h citoyenneté + 1 h religion/morale) tienne mille ans. Quatre partis sur cinq estiment que l’idéal serait de généraliser les 2 heures de citoyenneté. Alors, cela se fera. Une simple question de temps.

 

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