Budget: le couac de 600 millions
750 millions de moins
Explications. En vertu de la sixième réforme de l’Etat, l’Etat fédéral doit rétrocéder une partie de l’impôt des personnes physiques aux régions. Mais le 30 mars, c’est le couac. Après réévaluations du Service public fédéral des Finances, le ministre Johan Van Overtveldt (N-VA) annonce aux Régions qu’elles percevront 750 millions de moins que prévu. Il s’agissait de 247 millions pour la Wallonie, 105 millions pour Bruxelles et 396 millions pour la Flandre.
Très vite, la Région wallonne et la Région bruxelloise avaient contesté le montant. La Région wallonne avait d’ailleurs décidé de ne compenser que 140 millions du montant dont elle était privée parce qu’elle contestait le solde.
Le ton était monté entre entités fédérées du sud et le fédéral. Charles Michel, le Premier ministre fédéral, avait alors parlé d’« irresponsabilité » devant la décision de la Wallonie. « La Région wallonne ne veut pas assumer ses obligations d’assainissement des finances publiques nécessaires aux réformes économiques comme cela se fait partout en Europe. Agir de la sorte revient à camoufler l’absence de prise de responsabilité. »
Paul Magnette avait dit : « Il n’est pas acceptable que les Régions soient traitées de la sorte. »
Le problème se dégonfle
Finalement, le problème se dégonfle : la baisse des transferts annoncés ne sera pas de 750 millions, mais de 157 millions, a annoncé le ministre des Finances dans un communiqué gêné ce mardi. Ce qui donne raison à la Wallonie, au-delà même de ce qu’elle avait estimé, puisqu’elle ne devrait plus désormais être touchée qu’à concurrence d’une cinquantaine de millions d’euros).
Mais comment expliquer un tel yo-yo : une première révision de 750 millions à la baisse, suivie d’une nouvelle, de près de 600 millions à la hausse… Dans son communiqué, le ministre des Finances explique. « Dans la mesure où le SPF Finances ne dispose pas encore de données réelles pour la première année après la mise en œuvre de la sixième réforme de l’Etat, il convient de se baser pour le moment sur des estimations. »
L’estimation qui avait donné lieu à la révision de 750 millions d’euros était basée sur un échantillon d’un avertissement extrait de rôle sur 200. Mais les Finances ont depuis pris un échantillon plus élevé. « Ce calcul a été effectué sur un modèle qui évalue les recettes fiscales à l’aide d’un échantillon d’un avertissement extrait de rôle sur 20 dans chaque Région. »
Un impact limité
Reste une question : ne devant pas payer ces 750 millions, le fédéral avait pu alléger ses efforts tout en prévoyant, il est vrai, un matelas. Va-t-il devoir à présent faire de nouveaux efforts complémentaires ? Le ministre des Finances fédéral se veut rassurant : « L’impact sur le budget fédéral sera limité. » Dans son communiqué, il évalue quand même à 200 millions le montant à compenser par le fédéral lors de son ajustement budgétaire qui vient de commencer. Un montant à affiner.
Vu que l’on travaille encore sur des échantillons, existe-t-il un risque d’une nouvelle révision de ce montant ? Oui. « Une nouvelle estimation sera réalisée à l’automne », ajoute le ministre. Il s’engage toutefois à prendre des mesures pour éviter les problèmes. « J’ai demandé à mon administration de suivre ce dossier en priorité. Compte tenu de la complexité et de la première expérience avec le nouveau système, des membres du personnel seront transférés vers le service compétent. Des mécanismes de contrôle interne sont également développés afin d’éviter autant que possible de grandes différences à l’avenir. », promet-il. Les Régions retiennent leur souffle…
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Pas de triomphalisme, mais une réelle satisfaction en Wallonie. Dès l’annonce d’une perte abyssale sur les recettes IPP, l’exécutif régional s’était insurgé. Aujourd’hui, Paul Magnette (PS), le ministre-président, et Christophe Lacroix (PS), le ministre du Budget, savourent ce qui a toutes les apparences d’une victoire sur le fond comme sur la forme.
► Sur le fond, d’abord : les chiffres doivent encore être affinés, mais le manque à gagner pour la Wallonie devrait évoluer autour de 50 ou 65 millions d’euros sur les 157 annoncés ce mardi par le fédéral. Le litige initial était de 247 millions. « Par rapport à ces 247 millions, nous devrions donc gagner donc de l’ordre de 180 millions d’euros. Si nous intégrons cette somme au budget ajusté, l’équilibre final est très proche du budget initial qui prévoyait un déficit de 450 millions », explique Christophe Lacroix.
► Sur la forme, ensuite : « L’annonce de ces nouveaux montants nous réconforte pleinement alors que la Wallonie a fait l’objet de mépris et d’arrogance lorsqu’elle contestait les chiffres annoncés de manière abrupte, sans aucune concertation, explique le ministre-président. Je rappelle qu’en comité de concertation, j’ai été traité d’irresponsable. Je ne veux pas polémiquer mais je constate aujourd’hui que le fédéral reconnaît enfin ses erreurs. Le gouvernement Michel a voulu nous jouer un mauvais tour, nous avons eu raison de nous défendre. »
Au passage, Paul Magnette souligne « les mérites de l’administration wallonne qui a mieux fait ses calculs que le fédéral alors qu’elle ne disposait pas de toutes les données primaires qui lui auraient été utiles. » Christophe Lacroix, lui, s’est empressé de féliciter ses collaborateurs, très avisés sur ce coup-là.
Les chiffres venus de Bruxelles ne devraient pas avoir d’impact sur l’ajustement budgétaire 2015 qui sera voté en l’état le jeudi 16 juillet. Ils devraient par contre être intégrés au budget 2016.
