Grèce: Hollande s’essaie à la synthèse et Merkel reste maître du jeu
Le président français essaie de concilier les contraires. Sans résultats très visibles, jusqu’à présent. La chancelière allemande se dit "prête à discuter" avec Athènes pour trouver un accord.
- Publié le 07-07-2015 à 11h07
- Mis à jour le 07-07-2015 à 11h10
Le président français essaie de concilier les contraires. Sans résultats très visibles, jusqu’à présent. La chancelière allemande se dit "prête à discuter" avec Athènes pour trouver un accord.
François Hollande tente d’appliquer à l’échelon européen son mode de gouvernance favori : la synthèse. Cet art du compromis tout en rondeurs, qui lui permit de diriger le PS pendant onze ans et qu’il expérimente à l’Élysée depuis 2012 - sans grand succès, à en juger par ses résultats et sa popularité.
Depuis le début de la crise grecque, le président français s’attache à apparaître comme un médiateur et un facilitateur. C’est dans cette optique qu’il a invité Angela Merkel à Paris lundi soir, "dans le cadre de la coopération permanente entre la France et l’Allemagne, pour contribuer à une solution durable en Grèce". Mais c’est peu dire que la position de l’hôte de l’Élysée est inconfortable.
Être souple, sans paraître faible
Sa priorité va à la sauvegarde de l’unité franco-allemande. Mais, en vue de la présidentielle de 2017, François Hollande ne peut pas non plus se couper de la gauche, qui le somme de "dire stop à Mme Merkel" (dixit Jean-Luc Mélenchon). Il a aussi vu le sondage de ce week-end, qui a montré qu’au-delà de cette seule gauche, les Français en général - dans un contexte d’euroscepticisme grandissant - ne sont pas hostiles à Alexis Tsipras. Six sondés sur dix le jugent "courageux", "sympathique" et "proche des gens", et pensent qu’il "a raison de mener un bras de fer" avec l’Union européenne.
L’hôte de l’Élysée n’a ni apprécié, ni été servi par le choix d’Athènes d’organiser un référendum plutôt que de poursuivre les négociations. François Hollande a jugé que cela récompensait bien mal ses efforts de conciliation, et cela a permis à la droite sarkozyste de réduire la souplesse "hollandaise" à de la faiblesse, condamnée à l’inefficacité. Paris ne peut pas non plus risquer de paraître complaisant vis-à-vis du laxisme, la France peinant elle-même à réduire ses propres déficits publics - ce qui nuit, du reste, à la crédibilité du leadership européen qu’elle cherche à incarner.
Convaincre, sans "se coucher"
Sommé par la droite de "ne pas se coucher devant Tsipras" et par sa gauche de sortir de l’"austérité mortifère", François Hollande tente de concilier les contraires. Sa mission de bons offices, toutefois, ne donne pas de résultats visibles. Et, en attendant, l’idée d’une sortie de la Grèce de la zone euro fait son chemin, parmi les ténors politiques de droite (Alain Juppé, Valéry Giscard d’Estaing, etc.) comme de gauche (Hubert Védrine, ou Jean-Pierre Chevènement).
Les Français, à ce stade, ne prônent pas une telle issue. Mais si ces ralliements successifs les faisaient changer d’avis, François Hollande risquerait de voir ses efforts jugés par l’opinion, non seulement peu efficaces dans les faits, mais aussi assez décalés dans leur opportunité.
La chancelière allemande se dit "prête à discuter" avec Athènes
En bonne joueuse de poker, la chancelière Angela Merkel a encaissé sans mot dire le résultat, déplaisant pour elle, du référendum grec. Déjà avant le vote le gouvernement d’Athènes avait admis que l’Allemande reste le maître du jeu. Le premier ministre Alexis Tsipras en a donné une nouvelle preuve en l’appelant hier. Les deux sont convenus qu’au sommet de la zone euro ce mardi, le Grec ferait des propositions pour des négociations avec les créanciers.
Le porte-parole allemand Steffen Seibert a déclaré que "pour le moment" les conditions ne sont pas réunies pour négocier un nouveau plan d’aide, le gouvernement allemand restant toutefois "prêt à discuter" . Le vice-chancelier social-démocrate et ministre de l’Economie, Sigmar Gabriel, a demandé à Athènes de faire "une offre substantielle" , allant au-delà de ce que la Grèce avait présenté auparavant. La rencontre entre Madame Merkel et François Hollande hier (lire en page 3) à l’Élysée avait apparemment pour principal motif de remettre les deux pays au diapason. Pour un journaliste de la chaîne ZDF, "Berlin espère que l’axe franco-allemand ne va pas se disloquer" . Mercredi dernier, le désaccord était apparu au grand jour : tandis que Hollande exigeait de nouveaux entretiens immédiats avec Athènes, la chancelière renvoyait les négociations au lendemain du référendum. Après des débuts difficiles, les deux dirigeants avaient trouvé un modus vivendi en négociant l’accord de Minsk pour le cessez-le-feu en Ukraine et le plan d’aide en faveur d’Athènes. Mais la France et l’Allemagne sont en déphasage économique. La baisse du chômage et la croissance élevée en Allemagne rendent les Français envieux, écrit le "Frankfurter Allgemeine".
Merkel ne pardonne rien
Angela Merkel continuera à côtoyer Tsipras comme si de rien n’était, mais on sait qu’elle ne pardonne rien. Il y a huit jours, après l’annonce subite du référendum, elle aurait devant le praesidium de la CDU qualifié de "dure et idéologique" la politique de Tsipras, rapporte le "Spiegel". Et d’ajouter : "Il accepte délibérément que son pays rentre droit dans le mur." Mais elle ne le dit pas en public. Le secrétaire général de la CSU bavaroise Andreas Scheuer, connu pour son franc-parler, a dit hier que "les racketteurs et menteurs de gauche comme Tsipras ne peuvent pas l’emporter avec leurs tours pendables" . Selon le "Handelsblatt", Jens Weidmann, président de la Bundesbank, aurait averti qu’en cas d’un "Grexit" la Banque centrale serait dans l’incapacité de verser au Trésor un bénéfice escompté de plusieurs milliards d’euros. Mais le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, estime que, quoi qu’il arrive, le budget fédéral restera dans l’équilibre. Actuellement les rentrées fiscales ne cessent d’être corrigées à la hausse.