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Le Conseil d’Etat confirme : l’accueil de la petite enfance peut être préservé des logiques lucratives

La réforme de l’accueil de la petite enfance, annoncée depuis 2013, n’est que partiellement engagée pour des raisons budgétaires. Le gouvernement de la Communauté française doit poursuivre son travail de développement d’un secteur qui ne peut être régi par une logique commerciale.
Carte blanche -
Par un collectif de signataires*
Temps de lecture: 3 min

Le Conseil d’Etat a statué dernièrement sur six recours introduits contre la réglementation de la Communauté française en matière de milieux d’accueil de la petite enfance (par trois arrêts du 14 juin 2023 portant les n°256.778, n°256.779 et n°256.780). Ces recours avaient été introduits par une coalition de structures, organisées dans une vision marchande et commerciale de l’accueil des enfants de 0 à 3 ans. Cependant, en substance, le Conseil d’Etat confirme dans sa décision que la réglementation de l’accueil de la petite enfance doit être guidée par l’intérêt supérieur de l’enfant et considère que toutes les normes qui encouragent des structures plus pérennes et des relations de travail plus stables se justifient au nom de cet intérêt.

En effet, la réforme en cours vise à imposer une logique non lucrative aux opérateurs qui veulent assurer un accueil professionnel des enfants, ouvrant ainsi un droit à un soutien financier de base de l’ONE. Elle confirme le droit social selon lequel on ne peut pas engager sous statut d’indépendant un personnel travaillant sous l’autorité d’une direction, et elle exige un niveau de qualification correspondant à l’évolution des attentes de notre société vis-à-vis d’un accueil professionnel.

Cette réforme des milieux d’accueil de l’enfance, traduite dans les textes concernés par les recours, est annoncée depuis 2013 et concertée largement dès 2014 au travers d’un processus participatif. Elle a été largement soutenue par les acteurs du secteur (représentants des familles, fédérations, organisations syndicales, opérateurs de formation…) et fut finalement lancée en 2019 à travers l’adoption de nouveaux textes législatifs.

Un paysage redéfini

La réforme redéfinit en profondeur le paysage de l’accueil de la petite enfance au bénéfice des enfants et des familles et s’inscrit pleinement en faveur d’une amélioration de la qualité, de l’accessibilité, mais aussi de la viabilité financière des milieux d’accueil et de l’équité entre eux et entre les familles.

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Pour des raisons budgétaires, elle n’a été que partiellement mise en œuvre aujourd’hui.

Le 26 avril dernier, les acteurs de terrain regrettaient d’ailleurs cette réalisation partielle, et transmettaient leurs « fondamentaux » à la Ministre. Parmi ceux-ci figurait, outre les priorités portant sur la norme d’encadrement du personnel d’accueil et l’attractivité du métier, l’affirmation forte de leur attachement au modèle d’accueil subventionné : la marchandisation de l’enfance nuit gravement à la société.

Le secteur commercial qui attaquait la Réforme devant le Conseil d’État vient donc d’être largement débouté.

Mais le risque existe que, faute d’avoir pu maintenir et développer cette recherche de lucre par le biais juridique, cet acteur recherche des soutiens au niveau politique, ce qui pourrait mener au blocage des futures étapes de la réforme entamée.

A cet égard, nous attendons des responsables politiques qu’ils s’appuient sur les arguments du Conseil d’Etat pour définitivement inscrire le secteur de l’accueil de l’enfance comme une mission d’intérêt général qui doit exclure le champ commercial et économique.

Poursuivre le travail entrepris

Les signataires enjoignent donc le Gouvernement de la Communauté française à poursuivre sans délai l’important travail entrepris jusqu’à présent pour la mise en place de cette réforme au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, y compris à travers les conditions d’accueil et de travail améliorées. Les politiques liées à l’enfance, au regard des enjeux sociétaux qu’elles nourrissent, ne peuvent en effet absolument pas n’être considérées que dans une logique économique. Elles doivent intégrer une triple perspective : éducative, sociale et de conciliation entre la vie privée et la sphère professionnelle.

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L’accueil de l’enfant ne s’improvise pas et requiert une pluralité de compétences (relationnelles, pédagogiques, sociales…) qui s’acquièrent grâce à l’amplification de la professionnalisation du personnel. Ce n’est rendu possible qu’au sein d’institutions non marchandes, pérennes, soutenues et accompagnées, proposant une place d’accueil pour chaque enfant. A cet égard, nous restons vigilants et rappelons la nécessité d’augmenter encore ce nombre, sans que cela se fasse au détriment de la qualité de l’accueil et de l’emploi.

Seule une politique forte en matière d’accueil de l’enfance pourra se targuer de soutenir des valeurs telles que l’émancipation des jeunes enfants, la lutte contre la pauvreté infantile ou les inégalités sociales.

C’est à cette condition que notre société se donne les moyens d’offrir aux enfants les conditions propices à leur épanouissement en vue de devenir des adultes participatifs, responsables et heureux.

*Signataires : Stéphanie Paermentier et Yves Hellendorff, secrétaires nationaux CNE Non Marchand ; Marc Becker, secrétaire national CSC francophone ; Véronique Sabel, secrétaire nationale CSC Services Publics ; Olivier Nyssen, secrétaire général CGSP Admi ; Nathalie Lionnet, secrétaire fédérale SETCa ; Eric Dubois, responsable sectoriel Non Marchand CGSLB ; Cécile Van Honsté, directrice FILE ; Noémie Van Erps, secrétaire générale Soralia ; Sylvie Lefebvre, directrice PROMEMPLOI ASBL ; Morgane Eeman, Badje ASBL ; Anne Teheux, responsable FSMI ; Amélie Deman, CHACOF.

 

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