Cafard: des Belges sur le front russe

Avec son premier film d’animation, Jan Bultheel revient sur un épisode peu connu de la Grande Guerre

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La trame historique sur laquelle le réalisateur a imaginé son récit est on ne peut plus authentique. Cafard évoque en effet la « brave little Belgium » des alliés de 14-18, les massacres de Dinant, Aarschot et Tamines ainsi que l’effrayante épidémie de grippe espagnole. Plus encore, il y est surtout question de l’ACM, le corps des Autos-Canons-Mitrailleuses, ce contingent de blindés belges opérant en Russie dès 1916.

Constitué à Paris fin 1914 à l’initiative du flamboyant major Collon, ce corps de volontaires reste dans un premier temps en arrière du front de l’Yser. Il s’en va ensuite épauler l’armée du tsar Nicolas II luttant contre les forces austro-hongroises et allemandes. L’ACM débarque du cargo britannique Wray-Castel à Arkhangelsk. Un peu plus de 400 hommes (444, selon certaines sources) se retrouvent alors dans des secteurs où la guerre de mouvement a pris le pas sur celle de position dominant le front de l’Ouest. A bord de leurs véhicules, les Belges se battent ainsi en Galicie, entre la Pologne et l’actuelle Ukraine.

L’histoire de l’ACM se transforme en épopée fin 1917, lorsque le corps est pris dans la révolution russe et la guerre civile du côté de Kiev. Les autos qui ont survécu aux combats sont sabordées. L’itinéraire d’arrivée ne pouvant plus être emprunté pour le retour dont l’heure a sonné, les soldats s’embarquent alors dans un quasi-tour du monde qui va notamment les mener en Chine puis aux Etats-Unis via Vladivostok. Aux States, ils sont accueillis en héros… L’unité rentre finalement en France le 23 juin 1918 pour y être dissoute trois semaines plus tard.

Parmi les engagés que comptait l’ACM, notons Julien Lahaut, qui deviendra président du Parti Communiste belge et sera assassiné le 18 août 1950, Marcel Thiry, le poète carolo, futur militant au sein du Rassemblement Wallon et Henri Herd, alias « Constant le Marin », qui deviendra champion du monde de lutte gréco-romaine une fois la guerre terminée. A la différence du héros de Cafard, Herd, lui, était liégeois, d’origine… prussienne !

Une plaque commémorant le corps des Autos-Canons-Mitrailleuses a été placée à Ternopil. Quelques auteurs et historiens se sont penchés spécifiquement sur son étonnant périple, tels August Thiry et Dirk Van Cleemput (Reizigers door de Grote Oorlog – De odyssee van een Belgisch pantserkorps 1915-1919 et King Albert’s heroes), ou encore Olivier Defrance (L’odyssée des autos-canons-mitrailleurs – Le tour du monde du Corps expéditionnaire belge de 1915-1918). Le film de Jan Bultheel, un vrai film d’auteur qui est également son tout premier long-métrage, vient en outre d’être adapté en roman graphique (par Amira Daoudi et Seppe Van Den Berghe) aux Editions Lannoo. Signalons enfin qu’une équipe de passionnés s’est attelée à la reconstruction de l’un de ces véhicules, visible aujourd’hui au Musée de l’Armée à Bruxelles. Un pan d’histoire qui valait bien une (re)mise en lumière.

www.auto-canon-2014.com

 

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