Un délestage… de responsabilité politique

La ministre de l’Energie ne croit pas au risque de délestage. Doit-on pour autant être rassuré ? Non… L’édito de François Mathieu.

Rédacteur en chef adjoint et chef du service Monde Temps de lecture: 3 min

Le risque de pénurie d’électricité durant cet hiver serait donc « extrêmement limité ». Dormez en paix, la ministre de l’Energie nous l’assure : le risque de délestage, elle n’y croit pas. Doit-on pour autant être rassuré ? Non. Soyons de bon compte : la baisse attendue de la production en raison de la fermeture de centrales au gaz et d’un approvisionnement un brin réduit de la part des Français, eux aussi confrontés à un risque de pénurie, est compensée par la production de Doel 4, qui avait été sabotée l’an dernier, et par l’augmentation de la réserve stratégique.

► Lire notre article : Délestage : le risque de pénurie demeure, c’est la com’ qui change (abonnés)

A peu de choses près, le risque est donc identique à celui de l’an dernier. Et là, on s’interroge. Parce que souvenez-vous, l’an dernier, la même Marie-Christine Marghem déployait une certaine énergie à confirmer la menace – « réelle », disait-elle – de pénurie avancée à l’automne 2014 par Catherine Fonck, alors secrétaire d’Etat à l’Energie. On n’ose croire que la loi de prolongation du nucléaire, pour laquelle la ministre a fait le forcing, ait un quelconque rapport avec ce revirement de tendance, alors que le risque sur la sécurité d’approvisionnement n’a pas bougé d’un iota…

La sécurité d’approvisionnement, parlons-en. On peut aussi se demander pourquoi l’évaluation du risque de délestage, qui touche l’ensemble de notre société, est entre les mains d’un opérateur côté en Bourse – Elia en l’occurrence – dont la méthodologie reste frappée du sceau du secret. Trop compliquée à comprendre, paraît-il… Serait-ce d’une impertinence crasse de demander à ce que les calculs d’Elia soient communiqués dans leur globalité et recoupés par une instance indépendante ?

Enfin, si le plan de délestage 2015-2016 a manifestement été pensé, élaboré avec les différents acteurs concernés, et qu’il permet de corriger certaines aberrations de la version précédente, il faudra encore qu’il passe la rampe du Conseil d’Etat. Et si le texte, comme celui de la loi de prolongation nucléaire, est juridiquement branlant, que fera la ministre ? Passera-t-elle encore outre ? Invoquera-t-elle un « charabia juridique » qui ne vaut pas la peine d’être discuté comme dans le cas de la loi de prolongation nucléaire ?

Voir nos cartes interactives sur le nouveau plan de délestage

Sommes-nous rassurés, disions-nous ? Non, parce que les propos « chaotiques » de la ministre restent dans les mémoires et que les bases de notre future politique énergétique restent forcément fragiles. Comment sortir la Belgique sans anicroches du nucléaire à partir de 2025, comme le prévoit l’accord gouvernemental, si l’on est aujourd’hui incapable de définir les instruments de mesure nécessaires à l’évaluation du risque réel de pénurie et des capacités de production pour y faire face ? N’importe quel médecin vous dira que pour soigner correctement, il faut établir un bon diagnostic. On en est loin en matière énergétique. Et ce n’est pas rassurant…

 

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