"La Sociale" : Raconter l’histoire de la sécu pour ne pas la perdre
- Publié le 24-05-2017 à 09h39
- Mis à jour le 24-05-2017 à 09h40
Depuis l’arrivée au pouvoir des tenants du néolibéralisme avec l’élection de Thatcher et de Reagan, on ne cesse de remettre en cause la sécurité sociale, en soulignant sans cesse son "trou" abyssal. Ou quand on a gommé la dimension politique du projet pour le faire glisser vers la logique économique… Avec, comme objectif à peine dissimulé, son démantèlement et sa privatisation, qui a déjà commencé, avec les retraites complémentaires par capitalisation et les assurances santé privées…
C’est pour tenter de contrer ce mouvement de fond que Gilles Perret a conçu ce film militant, qui retrace la genèse de la sécurité sociale depuis le Front populaire jusqu’à l’ordonnance de 1945 qui la fonde au sortir de la Guerre. Cette histoire, le documentariste la raconte notamment en compagnie du dernier "poilu" de la sécu Jolfred Fregonara, disparu entre-temps à 96 ans. Tous deux réhabilitent notamment la figure totalement oubliée d’Ambroize Croizat, ouvrier, militant CGT et ministre du Travail communiste du gouvernement provisoire qui porta le projet de la Sécu. Même si l’Histoire a préféré retenir le gaulliste Pierre Laroque, haut fonctionnaire nommé directeur général de la Sécurité sociale française en 1944. A travers la figure de Croizat, Perret rappelle combien c’est un combat populaire, notamment des militants CGT et communistes, qui a permi d’aboutir à un changement radical de société, la "Sociale" ayant permis de faire disparaître la peur du lendemain, l’angoisse de la maladie… Son film remet en effet au premier plan les valeurs de solidarité qui ont porté la sécu et rappelle sa devise : "On reçoit selon ses besoins; on cotise selon ses moyens…"
Sorti discrètement en France fin 2016 alors que le candidat LR à la présidentielle François Fillon attaquait de front la sécu, "La Sociale" a bénéficié d’un excellent bouche-à-oreille (relayé notamment sur Youtube par Jean-Luc Mélenchon) et a connu un joli succès, avec quelque 150 000 entrées. Si Perret s’intéresse uniquement à l’angle français, son documentaire est tout à fait pertinent pour un public belge. Surtout dans la seconde partie, où il retrace comment, depuis 40 ans, la sécurité sociale est attaquée de toute part. Comment on a fini par confier à la logique du marché et de la concurrence un système conçu au nom du bien commun. Et ce alors que, comme le rappellent nombre d’intervenants ici, l’idée de privatiser la sécu est une aberration économique. Car non seulement les assurances privées coûtent plus cher mais elles refuseront de prendre en charge les maladies chroniques (diabète, sida…) ou les personnes les plus âgées. Pour se rendre compte de cette inefficacité, il suffit de regarder l’exemple américain…
Réalisation : Gilles Perret. Photographie : Jean-Christophe Hainaud et Eymeric Jorat. Musique : Laurie Derouf. 1 h 24.
Projections-débats le 29/5 à 18h au cinéma Aventure à Bruxelles et le 28/6 au Plaza Art à Mons.