Les cours de détection de mensonge ont la cote
Une société belge reconnue par le SPF Intérieur apprend en une journée à démasquer les menteurs. Parmi les personnes intéressées : des détectives privées, des assureurs mais aussi des personnes chargées du recrutement... Découvrez les trucs et astuces pour savoir si on vous ment.
- Publié le 16-04-2014 à 18h30
- Mis à jour le 17-04-2014 à 14h05
“Parmi nos clients qui suivent ce cours, on a des détectives privés, des assureurs. Beaucoup de personnes chargées du recrutement aussi, qui veulent savoir si les candidats au poste leur mentent. On a déjà donné une conférence devant la police judiciaire de Liège, intéressée pour mener des interrogatoires.”
Sourire débonnaire, voix rocailleuse et silhouette ombreuse, Stany Ledieu, protéiforme consultant en sécurité à la tête de la société namuroise SL Consultance, dispose d’une soixantaine de collaborateurs. Des coachs, des psychologues, des criminologues, des ingénieurs, des anciens du renseignement militaire et autres commissaires divisionnaires qui proposent conseils personnalisés et formations de groupe axés sur la sécurité. Dont la détection de mensonge.
Pour cette dernière, l’équipe d’experts dispense un cours d’initiation dans leurs locaux ou dans un hôtel de Wavre ou de Louvain-la-Neuve. Parfois, ils se rendent dans les locaux mêmes d’une entreprise pour assister aux entretiens d’embauche ou conseiller des meneurs d’équipe au quotidien. “On a déjà eu un chef d’entreprise qui voulait savoir si, quand il négocie avec son fournisseur, ce dernier donne vraiment son dernier prix ou s’il peut encore faire un effort. Un autre voulait qu’on l’aide à débusquer des travailleurs qui volaient. On a même un Service public fédéral !” Lequel ? “Bien essayé…” Et des maris suspicieux, vous en avez, des maris suspicieux ? “Ils ne se dévoilent jamais et prétextent des raisons professionnelles mais… on les détecte vite fait” , fanfaronne la profileuse Charlotte Catananti.
“Et puis, on a aussi des acteurs qui veulent perfectionner leur jeu car apprendre à déjouer le mensonge, c’est aussi apprendre à mentir !” Des noms ? “Non.” Et des politiciens, vous en avez déjà eu ? “Eh bien…”
Crédits photo : Reporters
"Jusqu'à plus de 80% de réussite"
Débutée en 2012, la formation doit beaucoup à Lie to me . Un ancien collaborateur de la société a suivi une formation donnée par Paul Ekman, le psychologue et spécialiste mondial en expressions faciales dont les travaux ont inspiré la série américaine. “Pour l’anecdote, la série est née après une conversation entre sa femme et son coiffeur, dont le mari était scénariste…” Vous mentez, là ? “Mais pas du tout !”
La plupart du temps, nous communiquons de façon non verbale, par notre expression faciale, nos gestes. Nos experts en détection de mensonge apprennent dès lors à détecter – sur le visage, le corps, dans la voix, dans le discours de l’interlocuteur – des indices qui permettent de différencier la vérité du mensonge, de déceler des émotions que le menteur aurait voulu taire. Au programme de la formation : analyser des micro-expressions faciales, des symboles emblématiques ou manipulatoires, élaborer une stratégie d’entretien, observer les “muscles fiables” , apprendre à poser les bonnes questions au bon moment face à un interlocuteur dont vous doutez. “Au final, les menteurs vous prendront moins pour cible, ils évitent les personnes difficiles à tromper. Mais il ne faut pas tomber dans l’excès inverse, ce qu’on appelle le syndrome d’Othello : la folie du soupçon. Car quand on veut trouver quelque chose, on trouve. Même si ce n’est pas pertinent. À ce sujet, il y a un client au côté duquel nous travaillions depuis 3 ans et demi car il n’avait pas pleinement confiance dans les autres directeurs de la société. Mais nous avons fini par mettre un terme à notre collaboration : ses collègues avaient de plus en plus l’impression que c’est nous qui prenions les décisions qui engageaient la société.”
En début de journée, les participants à la formation initiatique ont une probabilité binaire de démasquer un menteur : soit il ment, soit il ne ment pas. “En fin de journée, on obtient des scores qui dépassent les 80 %. On a même déjà atteint 100 % avec un groupe luxembourgeois.” Mais cela a un coût : 220 euros par personne pour la journée de cours. Et ça, ce n’est pas une blague !
Trucs et astuces pour savoir si on vous ment
Vous vous faites plumer chaque week-end par vos amis du poker ? Votre mari vous déclare sa flamme mais flotte dans l’air le parfum de son ex ? Votre patron vous assure qu’au vu des finances de la boîte, ce n’est “vraiment pas le moment” pour demander une augmentation ? Votre enfant jure n’avoir jamais fumé un joint ? Vous vous demandez si Didier R., Laurette O. ou Joëlle M. disent vrai ? Ce qui suit est pour vous. Et pour tous ceux en quête de vérité. Passons en revue quelques façons de débusquer les affabulateurs. Mais, de grâce, gardez à l’esprit que ce n’est pas la survenance d’un indice seul qui prouve qu’il y a mensonge. “C’est la répétition des indices à des moments précis, qui permettent de confondre les fabulateurs. Si on ne connaît pas bien la personne, il faut d’abord lui poser des questions générales pour définir son cadre de référence, son comportement verbal et corporel normal. Ensuite, des questions ciblées. La laisser se reposer. Puis à nouveau des questions litigieuses. Et observer s’il y a des éléments dans sa communication qui changent.”
1 - Les macro-expressions. Il existe 7 expressions faciales communes à toutes les cultures : la joie, la tristesse, la colère, la peur, le dégoût, le mépris et la surprise. Elles durent entre une demi-seconde et 5 secondes. “Si vous faites une surprise à l’amour de votre vie, et que son visage s’illumine plus de 5 secondes, cela devient suspicieux : soit il était déjà au courant et feint la surprise, soit il est déçu.”
2 - Les micro-expressions. Ce sont les 7 mêmes expressions faciales mais elles ne sont pas falsifiables. Seul problème : ces émotions incontrôlables ne durent que 1/25e de seconde, voire moins. Un clignement d’œil au mauvais moment et ce “message à l’intérieur du message” , ce fragment de dégoût suivi d’un sourire éblouissant vous échappe. Pour les déceler, il faut s’entraîner. Dur.
3 - Les lapsus et les symboles emblématiques. Utiliser le grossier majeur plutôt que l’index pour pointer du doigt une personne que l’on prétend aimer, se reculer et croiser les bras alors qu’on affirme être d’accord, dire “Je ne sais pas” tout en haussant une seule épaule. À l’inverse, dans toutes les cultures, un vrai “Je ne sais pas” se dit en haussant les deux épaules.
Crédits photo : Visual Press Agency
4 - Les symboles manipulatoires. “Nous avons tous tendance, sans nous en rendre compte, à nous toucher le visage, à nous caresser les mains ou les cheveux, à nous passer la main dans la nuque ou jouer avec notre alliance pour nous rassurer lorsque nous nous sentons mal à l’aise. Mais, ici aussi, il faut que cela se répète, en réponse à des questions dérangeantes” , prévient Charlotte Catananti. “Tout l’art consiste à laisser décanter la question et revenir subtilement dessus plus tard, sans alerter l’interlocuteur…”
5 - La voix. Si le volume, l’intonation, le timbre, le débit change, c’est normal : nous ne sommes pas des robots. Si cela arrive chaque fois que l’on pose des questions sur le même sujet sensible, le doute est permis sur la véracité des propos tenus…
6 - Le langage verbal. Un bon mensonge ne s’embarrasse pas de détails. Et doit anticiper les questions qui vont être posées. Votre moitié revient d’un verre entre collègues après le boulot ? “Ah bon ! 1. Où ça ? 2. Qui était présent ? 3. Qu’as-tu consommé ?” Si votre moitié vous répond : 1. Dans un lit. 2. Mon ex. 3. Notre futur mariage, jusqu’à la lie; alors pas de doute : vous avez la vérité.
A. G.