Au Kunsten, si on jouait à tomber en panne…
L’amicale de production poursuit ses curieuses et joyeuses expériences, ludiques et poétiques, au Kunsten
- Publié le 24-05-2017 à 07h29
- Mis à jour le 24-05-2017 à 07h30
L’Amicale de production n’est pas un collectif mais veut être une « coopérative de projets ». Née en 2010, elle édite des formes transversales et hybrides, à cheval entre les arts visuels et le spectacle vivant. On l’avait découverte en 2013 au Kunsten, avec « Germinal », spectacle hilarant qui réussissait à nous faire rire tout en recréant toute l’histoire du langage.
En 2015, au Kunsten, encore, « Corps diplomatique » ne provoquait pas le même choc mais restait drôle et singulier tout en nous faisant réfléchir, mine de rien, sur des enjeux essentiels. Cinq personnes participaient à une expérience spatiale de la Nasa : s’enfermer dans une vaste vaisseau qui dérivera pendant des millénaires vers l’infini, à la rencontre d’éventuelles formes de vie.
Voilà l’Amicale de retour au Kunsten toujours, avec « On traversera le pont une fois rendus à la rivière », expérience théâtrale poétique et ludique.
Il y a plusieurs niveaux de lecture à ce spectacle créé par Antoine Defoort, Mathilde Maillard, Sébastien Vial et Julien Fournet. L’histoire est simple : une jeune femme, appelée Brigade, tombe en panne sur une route de campagne près du massif de Combrailles et découvre Jacques, paysan à la retraite, dans son tracteur, au milieu de nulle part. De la cabine de son engin, celui-ci anime une improbable émission radio sur le web. A l’arrière, son fils Jacques, affublé d’un costume folklorique de paille. Ils sympathisent et se livrent à d’étranges expériences de « représentations mentales » et de « réalités dissociées ». L’orage arrive, ils se cachent sous une grande toile et, le matin venu, chacun repart.
Radiophonique
La mise en scène est d’apparence aussi simple : un plateau nu, le tracteur bien réel, un feu de (fausses) bûches, la bâche qui se transforme en rocher et le soleil qui se lève sur le massif. Avec un humour rare dans ce type de théâtre et beaucoup de poésie.
Mais quand on a dit cela on n’a encore rien dit car le spectacle interroge les conditions mêmes de la représentation. Deux groupes de spectateurs participent : les premiers sont dans la salle, les seconds suivent depuis chez eux, car le spectacle est radiodiffusé en direct ! Et les seconds peuvent intervenir, comme peut le faire chaque spectateur au Varia via un numéro à composer sur son téléphone. Où se situe le réél, la représentation, le virtuel, ce jeu est-il vrai ? On ne comprend pas toujours tout, et parfois, cela se fait longuet.
Dès le départ, on nous dit que tout est possible avec l’imagination. Quand Brigade marche sur scène, le bruit de ses pas est artificiel et peut changer, donnant l’illusion qu’elle marche tantôt sur les graviers, tantôt sur le bitume. Le feu est fait de bûches électriques allumées à distance. On ne sait plus bien où on est : dans les bois, au théâtre, dans l’illusion, dans une communauté virtuelle.
Dans cet amusant jeu de pistes, peuplé de pseudo-médiums, le spectateur se perd parfois. Il doit admettre, comme le font les enfants, qu’il suffit de dire: « et si on disait que .. » pour que l’histoire surgisse et qu’on y croie. C’est cela le théâtre.
---> « On traversera… », au Varia, Kunsten, Bruxelles, jusqu’au 25 mai