"Sámi Blood" : Un drame bouleversant sur le destin d’une jeune Lapone suédoise
- Publié le 24-05-2017 à 09h40
- Mis à jour le 24-05-2017 à 09h42
Peuple autochtone du nord de l’Europe réparti entre la Suède, la Norvège, la Finlande et la Russie, les Sames restent méconnus. Car que sait-on vraiment de ces éleveurs de rennes et pêcheurs, habitants de la Laponie ? Un terme qu’ils refusent d’ailleurs eux-mêmes puisque "lapon" est une insulte en suédois, signifiant "porteur de haillons"… Quelle bonne surprise donc de voir Amanda Kernell s’intéresser, pour son premier long métrage, à ses voisins du Nord…
Pour raconter leur histoire, la réalisatrice suédoise choisit de retracer le destin d’une femme, Elle Marja. Se rendant à l’enterrement de sa sœur Njenna en compagnie de son fils et de sa petite-fille, la vieille dame refuse de renouer avec sa famille, de parler cette langue oubliée. Elle qui a tout fait pour gommer son identité same, la voilà pourtant contrainte de se confronter à son passé, que le film nous raconte dans un long flash-back. Où l’on retrouve Elle Marja dans les années 30. Agée de 14 ans, elle quitte sa famille nomade pour intégrer un pensionnat pour jeunes enfants sames… Alors qu’elle fait tout pour devenir une vraie petite Suédoise, la gamine va vite comprendre que ses origines sames ne lui donnent pas les mêmes droits que les autres enfants…
Si la narration est un peu convenue (mais efficace), "Sámi Blood" n’en reste pas moins un film bouleversant. Amanda Kernell se met en effet à la hauteur de sa jeune héroïne pour témoigner de l’ostracisation d’un peuple victime d’une véritable politique raciste mise en place par l’Etat suédois. Avec quelques scènes très fortes, notamment quand la gamine devient le sujet d’études biométriques de la part d’une délégation d’officiels venus d’Uppsala pour étudier les Lapons comme des bêtes de foire, présentés comme des sous-êtres au "cerveau plus petit"…
Au-delà d’aborder un sujet quasi inédit et participer ainsi à un nécessaire travail de mémoire en Suède, la cinéaste montre aussi comment une jeune enfant, victime du racisme ordinaire, en vient à intérioriser les préjugés raciaux, les critiques incessantes qu’elle subit. Jusqu’à finir par souhaiter s’intégrer à tout prix, se diluer dans la masse jusqu’à l’effacement complet de ses origines. Et Kernell montre parfaitement combien ce processus de négation de son identité peut être douloureux psychologiquement. De ce point de vue, "Sámi Blood" dépasse largement son cadre historique et parle tout autant à la société occidentale actuelle qu’à la société suédoise des années 30…
Scénario & réalisation : Amanda Kernell. Photographie : Sophia Olsson&Petrus Sjövik. Musique : Kristian Eidnes Andersen. Montage : Anders Skov. Avec Lene Cecilia Sparrok, Mia Erika Sparrok, Maj-Doris Rimpi, Hanna Alström… 1 h 50.