Les Sioux de Standing Rock appellent au respect de leurs droits
- Publié le 26-05-2017 à 15h07
- Mis à jour le 29-05-2017 à 14h57
Le pipeline Dakota Access va bientôt entrer en fonction malgré la résistance de la communauté Standing Rock. Mercredi, des Sioux ont participé à la marche contre Trump à Bruxelles. Rencontre.
"Nous sommes à Bruxelles pour demander justice pour toutes les communautés indigènes du monde", clame Wašté Win Young quelques heures avant de rejoindre la marche contre Trump. Membre de la tribu des Sioux, aussi appelés Lakota, et vivant dans la réserve indienne de Standing Rock dans le Dakota du Nord, elle est l’une des représentantes de la communauté des "protecteurs de l’eau". Ces Amérindiens, défenseurs de leurs droits et de leurs terres, se sont opposés à la construction du pipeline Dakota Access de 1885 kilomètres de longueur de la compagnie Energy Transfer Partners qui doit permettre d’acheminer 570 000 barils de pétrole brut par jour des grandes plaines du Dakota à l’Illinois. Le tracé du "serpent noir", d’un coût estimé à 3,8 milliards de dollars, traverse des terres sacrées à quelques centaines de mètres de la réserve indienne et passe sous la rivière Missouri qui approvisionne en eau toute la communauté. "La terre et l’eau, la nature tout entière, sont des entités divines pour nous", explique Wašté Win Young.
Le campement où se sont installés les Sioux dès le mois d’avril 2016 rapidement rejoints par d’autres tribus amérindiennes et des défenseurs de l’environnement du monde entier dont quelques stars comme Leonardo Di Caprio accueillait plus de 10 000 personnes au mois de février. Les images de la répression policière et militaire ont fait le tour du monde. Début décembre, l’administration Obama a ordonné l’arrêt de la construction et demandé aux ingénieurs d’étudier un nouveau tracé mais la trêve a été de courte durée. L’arrivée de Trump au pouvoir a relancé le projet. Au mois de février, le camp a été évacué. Aujourd’hui, le pipeline est terminé et devrait fonctionner dans les prochaines semaines.
A Bruxelles, Wašté Win Young, cheveux mauves et tee-shirt à l’effigie de Sitting Bull, le célèbre chef Sioux mort à Standing Rock, nous a raconté sa lutte.
Comment vous êtes-vous engagée dans la protestation contre le pipeline DAPL ?
Je travaillais en tant qu’agent pour la conservation de la tribu Lakota. Une partie de mon travail consistait à gérer les relations avec les agences fédérales et surveiller les projets qui peuvent avoir un impact sur notre communauté. Quand nous avons découvert le projet DAPL, nous avons immédiatement contacté l’entreprise Energy Transfer Partners et les corps d’ingénieurs de l’armée américaine. Nous leur avons dit que nous n’étions pas d’accord pour qu’ils construisent sur nos terres. Ils ont quand même décidé de poursuivre le projet.
Comment avez-vous vécu ces mois passés au campement et la répression ?
J’habite dans la réserve de Standing Rock avec mon mari et nos quatre enfants âgés de 3 à 11 ans. Nous avons campé à Oceti (le lieu de la protestation) d’août 2016 au mois de février 2017. A partir du mois de novembre, il faisait très froid et la situation se dégradait, alors j’ai ramené les enfants à la maison. Je suis restée aussi longtemps que j’ai pu, debout, jusqu’à l’évacuation. Je voulais montrer mon engagement pour préserver nos terres et l’eau. Tout ce que nous avons fait était guidé par nos prières et notre culture. Pendant l’hiver, il y a eu de plus en plus de policiers et de militaires armés. C’était dur, des hommes voulaient se battre, nous nous sentions agressés. Nos aînés les tempéraient souvent. Les policiers et les militaires nous provoquaient sans cesse, ils pointaient leurs armes sur nos visages. Malgré les arrestations et les violences, ce mouvement a changé ma vie, nous nous sommes reconnectés à nos ancêtres. Notre combat n’aurait pas pu aller aussi loin si nous n’étions pas restés pacifiques.
Avez-vous été arrêtée ?
Oui. Le 1er février, avec 70 autres personnes. Ils m’ont gardée en prison pendant deux jours. Ils nous ont inculpés pour être entrés dans une propriété fédérale mais le territoire où nous étions fait partie de nos terres selon le traité de 1851 que notre tribu a signé avec le gouvernement des Etats -Unis. Ces terres, on nous les a volées. Nous n’avons pas encore été jugés.
Le mouvement de protestation de Standing Rock a pris une ampleur internationale. Aujourd’hui, il n’est plus seulement question d’exploitation des énergies fossiles mais aussi de la défense des droits de toutes les populations autochtones. Quels messages portez-vous en Europe ?
Nous sommes ici pour demander que les droits des communautés indigènes soient respectés et pour faire prendre conscience que ce qui s’est passé à Standing Rock arrive partout dans le monde. En tant qu’êtres humains, il faut être solidaires. Nous souhaitons simplement être libres, avoir le droit de parler notre langue et pratiquer nos cérémonies et surtout élever nos enfants en sécurité. Cela n’arrivera pas si la Terre est polluée et si les êtres humains manquent de ressources. Nous, les Lakotas, vivons connectés à la Terre Mère. C’est difficile à comprendre lorsqu’on vit dans une grande ville où on utilise les nouvelles technologies et où tout va vite. Il y a un fossé culturel. Il faut retourner à la nature et sauver la Terre avant qu’il ne soit trop tard. Quand nos enfants seront grands, ils nous demanderont : qu’avez-vous fait pour nous protéger ?
Vous appelez aussi les banques européennes à stopper leurs investissements dans l’industrie minière et les projets qui bafouent les droits des communautés indigènes ?
Oui, nous nous avons besoin du soutien des Européens. Pour moi, les valeurs européennes me semblent proches des droits de l’homme et de la protection de l’environnement, elles ont plus de respect pour les êtres humains et la nature que les valeurs des Américains. Nous demandons que les banques arrêtent d’investir dans l’industrie qui exploite les énergies fossiles. Les entreprises doivent prendre leurs responsabilités, elles détruisent l’environnement.
Où en est le pipeline aujourd’hui ?
Il est terminé mais deux fuites ont eu lieu au mois d’avril et ont été découvertes et révélées par les médias seulement la semaine dernière. Ce pipeline ne fonctionne pas encore mais il y a déjà des fuites ! Quand le problème sera résolu, il commencera à transporter le pétrole. J’espère qu’il n’y aura jamais de fuite dans notre rivière Missouri.
Vous participez à la marche contre Trump ?
Oui, il représente tout ce que les Etats-Unis ont de mauvais. Il est raciste, sexiste, paresseux, riche aux dépens des pauvres. Il illustre ce que l’argent peut acheter. Le fait qu’il ait investi personnellement dans le pipeline est un conflit d’intérêts incroyable. Je pense qu’il y a une loi contre cela mais il est au-dessus. Ma colère n’a pas de mots. Je marcherai contre ses politiques climaticides qui bafouent nos droits.
--> Samedi 27 mai , 15h à 18h : les membres de la communauté de Standing Rock donneront une conférence à l’Université Libre de Bruxelles.