Dyslexique et universitaire
Les étudiants en situation de handicap sont de plus en plus nombreux dans l’enseignement supérieur. Un nouveau décret favorise les mesures destinées à les aider pendant leur cursus. Une chronique de Jacques Laffineur.
- Publié le 21-09-2014 à 17h16
- Mis à jour le 22-09-2014 à 16h35
Une chronique de Jacques Laffineur. Dans la plupart des pays de l’OCDE, l’effectif des étudiants en situation de handicap est en hausse dans l’enseignement supérieur et universitaire. Les obstacles ou les freins à l’inclusion demeurent toutefois importants : un manque d’accessibilité, une insuffisance de dispositifs adaptés, une absence de contraintes réglementaires… Cela dit, les barrières les plus difficiles à franchir demeurent plutôt de nature socio-culturelle tant il est vrai que persistent trop souvent une méconnaissance des divers types de handicap et de fausses croyances ou des préjugés autour des capacités réelles des personnes concernées. Ainsi en va-t-il, notamment, de la dyslexie et des différentes formes que peut prendre ce trouble de l’apprentissage.
Pourtant, l’évaluation scientifique des conséquences de la dyslexie sur les activités académiques des étudiants et sur leurs performances intellectuelles tend à progresser. On ne parle plus seulement de difficultés en lecture ou en orthographe, mais aussi de problèmes de mémoire à court terme, de confusions récurrentes face à des termes techniques inconnus, de lenteurs dans le décodage et la compréhension de raisonnements logiques nouveaux, etc.
Pour la plupart des étudiants dyslexiques, le diagnostic a été posé bien avant leur entrée dans l’enseignement supérieur, mais leur parcours scolaire s’en est trouvé complexifié et leur confiance en eux-mêmes a été entamée. Une étudiante témoigne de son passé en première année en sciences économiques : "Ce qui était difficile, c’était de devoir travailler plus que les autres pour réussir, souvent moins bien qu’eux, et d’avoir honte de sa dyslexie, de ne pas oser en parler." A cela, confie-t-elle, s’ajoute l’impression de ne pas avoir été comprise par certains enseignants : "Les aides proposées n’étaient pas appropriées et me mettaient mal à l’aise. Par exemple, en langue, un professeur me demandait de répéter les mots à voix haute devant tout le monde parce que j’avais plus de difficultés que les autres; cela me bloquait et alors, je ne retenais plus rien…"
Pour celles et ceux dont la dyslexie n’a pas été repérée avant leur accès aux études supérieures, la découverte du problème résulte parfois d’un simple constat : tel autre étudiant ne semble pas rencontrer les mêmes difficultés; il étudie beaucoup moins mais réussit nettement mieux… Pour répondre à la demande des intéressés, l’UCL a créé un service de diagnostic de la dyslexie qui permet d’établir un bilan complet du langage écrit et d’éventuels facteurs associés. Des aides spécifiques sont proposées aux étudiants concernés : des aménagements peuvent être mis en place pour les examens (l’étudiant dyslexique bénéficie de temps supplémentaire lors des examens écrits pour avoir l’occasion de se relire plus sereinement; il est autorisé à disposer d’un dictionnaire ou d’un logiciel de correction de l’orthographe; etc.) et quelquefois pour les cours (par exemple, un étudiant s’engage à partager ses notes de cours avec son condisciple).
En 1999, un rapport du National Center for Education Statistics a estimé à 1,6 % le nombre d’étudiants dyslexiques dans l’enseignement supérieur aux Etats-Unis. Sans connaître les chiffres actualisés d’une telle statistique déjà relativement ancienne et sans disposer de telles données pour notre pays, il est cependant permis de penser qu’au vu du nombre de jeunes inscrits dans notre enseignement supérieur en Communauté française (quelque 182 000 étudiants), ce serait au moins 2 900 d’entre eux dont la dyslexie mérite d’être prise en considération pour garantir au mieux leurs légitimes chances de réussite.
Depuis le 1er janvier 2014, notre enseignement supérieur est devenu "inclusif" grâce à un texte décrétal. Il reste à l’inclure résolument dans les mentalités.