La Catalogne pose un nouvel ultimatum
- Publié le 29-05-2017 à 11h10
- Mis à jour le 29-05-2017 à 11h12
Le président catalan s’est rendu à Madrid avec, dans sa poche, un plan secret de rupture avec l’Espagne. Nous sommes allés à Madrid pour expliquer notre position, pas pour demander une permission". Le président catalan Carlos Puigdemont s’est exprimé pour la première fois, dans un édifice officiel de la capitale espagnole. L’hôtel de ville de Madrid avait accepté de l’accueillir contre l’avis du gouvernement de Mariano Rajoy (PP, droite). La bourgmestre madrilène, Manuela Carmena (proche de Podemos, gauche alternative) a été accusée d’être la "complice des indépendantistes" par les conservateurs.
La conférence de Puigdemont coïncide avec des révélations du quotidien "El País" sur le "projet de loi pour l’indépendance express", officiellement dite (en Catalogne) "Loi de la période juridique transitoire" (LTJ, selon le sigle catalan). C’est un texte dont on parle depuis un certain temps, mais qui a été élaboré et tenu secret. Il prévoit les démarches à réaliser pour réussir une rupture rapide avec l’Espagne.
Blitzkrieg catalane
La Generalitat (gouvernement catalan) imposerait du jour au lendemain son autorité sur tous les juges travaillant en Catalogne, qui deviendrait une République. Pour garder leur poste, tous les fonctionnaires dépendant de l’administration centrale en Catalogne seraient obligés de faire une demande de nationalité catalane. Ils devraient aussi "démontrer un certain niveau de connaissance de la langue catalane" dans une période à établir. Pourtant, la LTJ prévoit que les citoyens lambda pourraient devenir de vrais Catalans sans renoncer à leur passeport espagnol.
Selon la LTJ, les biens appartenant à l’Etat espagnol peuvent être confisqués par la nouvelle République catalane. "Toute sorte de biens", prévoit le texte. Parmi l’inventaire de ces biens déjà réalisé, on compte 1 080 immeubles qui sont actuellement propriété de l’administration centrale. Le texte est peu bavard sur le partage de la dette catalane et espagnole. Pendant la période transitoire, les médias "hostiles" pourraient être contrôlés si nécessaire. Selon le journaliste catalan Xavier Vidal-Folch ("El País"), ce projet s’inspire des idées de Trump et rappelle la dernière loi franquiste sur la presse. Pour Miquel Iceta, secrétaire du Parti des socialistes de Catalogne (PSC), parti "frère" mais indépendant du PSOE, c’est du "rafistolage juridique".
Convocation d’urgence
Lors de son voyage à Madrid, Puigdemont était accompagné par d’autres membres de son gouvernement. Parmi les chefs des groupes parlementaires espagnols, seul Pablo Iglesias (Podemos) est allé écouter et saluer la délégation catalane. De son côté, la Generalitat vient d’envoyer une lettre à Mariano Rajoy sur les termes qu’il faudrait négocier - selon Barcelone - pour éviter le choc avec Madrid. La réponse a déjà été avancée par la vice-Première ministre, Soraya Sáenz de Santamaría : "On ne peut pas demander un dialogue tandis que l’on travaille en secret". Rajoy a proposé à Puigdemont - qui a refusé - de débattre de son projet de référendum au Congrès des députés (chambre basse) et au Sénat d’Espagne.
Samedi dernier, les très fortes associations indépendantistes ont exigé à la Generalitat l’annonce sans délai de "la date et la question à poser au référendum". Puigdemont a répondu en convoquant "d’urgence", ce lundi, les partis favorables au référendum (pas tous indépendantistes). Ensuite, la décision définitive serait prise dans un délai "d’une ou deux semaines", note Neus Munté, porte-parole du gouvernement catalan.
Pour sa part, Rajoy a averti "des conséquences terribles" de ce que les conservateurs comparent à "un putsch indépendantiste" et - d’un point de vue économique - au Brexit. Selon le ministre de l’Economie, Luis de Guindos, le PIB catalan chuterait de 30 % en cas d’indépendance. La publication par la presse de la LTJ suggère pratiquement l’impossibilité de tout dialogue entre les uns et les autres. Un point de non-retour.