Thiam, Dohmen, Van Snick,... : les meilleurs athlètes belges obligés de vivre au moyen de contrats premier emploi
Rachid Madrane lance un appel à Pierre-Yves Jeholet pour débloquer davantage de fonds pour des contrats sportifs de haut niveau.
- Publié le 07-03-2019 à 08h45
- Mis à jour le 07-03-2019 à 09h43
Rachid Madrane lance un appel à Pierre-Yves Jeholet pour débloquer davantage de fonds pour des contrats sportifs de haut niveau.
Ils sont médiatiques, souvent charismatiques, et portent haut les couleurs de la Belgique dans le monde. Dans des sports, comme le football ou le tennis, ces caractéristiques les auraient transformés en multimillionnaires. Dans leur discipline respective, elles ne leur permettent simplement pas d’en vivre révèlent nos confrères de La Dernière Heure.
Une astuce a été trouvée pour leur permettre de se consacrer pleinement à leur entraînement et développer leurs performances. La Fédération Wallonie-Bruxelles, via l’Adeps, offre des contrats APE ou Rosetta (via le fédéral) à 60 de nos meilleurs athlètes.
Ces contrats, destinés théoriquement à favoriser la mise à l’emploi de jeunes (Rosetta) ou de chômeurs (APE), leur confèrent un statut de professionnel auquel ils n’auraient pas pu prétendre autrement.
Parmi eux, on trouve des pointures comme John John Dohmen, Nafi Thiam, Charline Van Snick, Maxime Richard, etc.
Bémol : le nombre de ces contrats est limité. Et la réforme wallonne annoncée des aides à l’emploi, donc la remise en cause de tout le système APE, provoque la crainte d’acteurs du milieu.
Vingt de ces sportifs bénéficient en effet d’un contrat APE.
"Le ministre wallon de l’Emploi, Pierre-Yves Jeholet, nous a assuré que nous conserverions l’enveloppe prévue pour 20 contrats. Ce sera ensuite à nous de faire les arbitrages. Mais c’est insuffisant car il s’agit d’une enveloppe fermée. Résultat, des athlètes remarquables n’auront pas accès à ce contrat. Or, pour scorer au niveau international, les athlètes ont besoin de stabilité ", nous assure Rachid Madrane (PS), ministre des Sports. " Je lance un appel à Pierre-Yves Jeholet pour qu’on attribue plus de points, davantage de contrats au sport de haut niveau. Sinon, à terme, on ne produira plus de jeunes pousses. "
Le montant de ces contrats sportifs de haut niveau n’est nullement lié au niveau de performance mais bien au diplôme. La rémunération pour un master n’atteint pas 2 000 € net par mois. Pas de quoi rouler sur l’or.
Ces contrats ont cependant permis de faire évoluer à la hausse les performances mondiales de nos athlètes. La médaille d’or des Belgian Tornados à Glasgow a encore souligné cette montée en puissance.
" La situation génère des problèmes pour l’avenir. 2018 a été une année formidable. N os résultats connaissent une forte croissance, avec l’arrivée de jeunes, et des cadres qui font des carrières de plus en plus longues. Résultat, nous ne disposons pas d’assez de contrats APE ", abonde Jean-Michel Garin, responsable de la cellule haut niveau à l’Adeps "On doit trouver des solutions pour Hanne Claes, et Camille Laus, deux membres du 4x400m féminin, mais aussi pour Lian Tan et Maxime Moreels, en badminton. Ce sont de gros potentiels de médaille pour les JO de 2020 à Tokyo. Nous avions le même problème pour Cynthia Bolingo (médaillée d’argent sur 400 mètres à Glasgow), mais une solution vient d’être trouvée."
Sans ces contrats, ces athlètes ne pourraient pas vivre de leur sport. "C’est encore davantage le cas dans des disciplines confidentielles, comme l’escrime" , reprend Jean Michel-Garin.
"Ces contrats atteignent parfaitement leur objectif. Quand nos sportifs arrêtent leur carrière, 100 % trouvent rapidement de l’emploi ! Logique, la plupart font des études supérieures. Ce ne sont pas des footballeurs ! (rires )"
"Arrêtons de subventionner au petit bonheur la chance !”
Pierre-Yves Jeholet estime que c’est au ministre des Sports de fixer lui-même les prio-rités, pour favoriser le sport de haut niveau.
Rachid Madrane, ministre des Sports, vous réclame davantage de points APE pour financer le sport de haut niveau.
"C’est trop facile de dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour le sport de haut niveau. Je refuse de porter ce chapeau. Via les APE, la Fédération Wallonie-Bruxelles reçoit 7,1 millions € par an. Une convention enseignement permet en plus de financer l’Adeps à hauteur de 1,9 million € par an, dont 500 000 € pour le sport de haut niveau. Nous maintiendrons ces enveloppes, sans y toucher. Mais encore faut-il les utiliser à bon escient !"
Ce n’e st pas le cas ?
"À la base, le dispositif APE est un plan de résorption du chômage destiné aux personnes les plus éloignées de l’emploi. Il s’est de plus en plus distancié de cela pour servir à financer d’autres politiques. On a fait du bric et du broc avec ces subsides ! Quelques exemples : les amis du club sportif amaytois bénéficient de 26 points APE. Les amis du vélo club d’Ottignies reçoivent quant à eux 42 points. Ce ne sont pourtant pas les seuls clubs du genre… De la même manière, de nombreux subsides ont été octroyés à des clubs sportifs pro ou amateurs sans logique. C’était le fait du prince. Il faut avoir le courage d’y mettre de l’ordre et de faire des choix, pour fixer les priorités."
Le sport de haut niveau en est-elle une ?
"Avec la réforme des APE, le ministre en charge des Sports aura la responsabilité de fixer les priorités. Qu’on arrête de subventionner au petit bonheur la chance ! Il pourra tout à fait décider que le sport de haut niveau est la priorité absolue, y mettre plus d’argent, et enlever des points à certaines associations qui en ont longtemps reçu au détriment d’autres. Le ministre Madrane ou son successeur peut tout à fait remettre de l’ordre là-dedans. Mais la Fédération Wallonie-Bruxelles, les ministres socialistes, refusent l’accord de coopération que nous proposons (NdlR : Rudy Demotte estime que le financement de près de 300 équivalents temps plein sauterait avec cette convention). Il ne pourra pas redéfinir ses priorités s’il refuse cette convention. Il faut du courage politique."
Pas encore de contrat APE pour Nafisatou Thiam
Les subsides, sous forme d’aide à l’emploi, bénéficient à 60 sportifs en Fédération Wallonie-Bruxelles.
En dessous de 26 ans, les meilleurs athlètes belges francophones reçoivent des contrats Rosetta. C’est le cas du phénomène de l’athlétisme mondial, Nafissatou Thiam, médaille d’or olympique en heptathlon.
Passé cet âge, ces sportifs entrent dans le dispositif APE. Des références du sport belges en bénéficient : John John Dohmen, icône du hockey belge, vainqueur de la Coupe du Monde, le kayakiste plusieurs fois champion du monde, Maxime Richard, ou encore de la judokate médaillée olympique Charline Van Snick.
D’autres, comme les frères Borlée, bénéficient d’un contrat équivalent, auprès d’Actiris Ndlr : contrat ACS), en Région bruxelloise. Un système similaire existe en Flandre.
“Un problème se posera l’année prochaine avec Nafi Thiam, car elle aura 26 ans. Elle devra passer en contrat APE. Or, le nombre de ces contrats est limité pour l’instant”, souligne Jean-Michel Garin, responsable de la cellule haut niveau à l’Adeps. “On a maintenant deux possibilités : soit on limite le nombre d’athlètes que nous pouvons potentiellement envoyer aux JO, soit on épouse la courbe des performances de nos sportifs et on augmente le nombre de contrats.”
En outre, une subvention complémentaire de 10 millions € est attribuée à la préparation physique, au paiement d’entra î neurs, à l’encadrement et au suivi médical de ces athlètes.