"Vous entendez un chien qui aboie ou une porte qui grince dans votre avion ? Ne paniquez pas"
- Publié le 04-08-2018 à 11h54
- Mis à jour le 18-02-2019 à 11h50
Toutes les études le prouvent, l'avion reste le moyen de transport le plus sûr. Pourtant, plus de 20% de la population occidentale tenterait de réduire ses vols au maximum ou refuserait carrément de monter à bord d'un appareil. Xavier Tytelman l'assure, il est possible de contrôler cette phobie. Cet ancien aviateur militaire est le cofondateur du Centre de traitement de la peur de l'avion. A ce titre, il propose des stages où sont donnés de nombreux conseils et explications techniques pour rassurer les voyageurs. "Une étude clinique réalisée par l'Université Paris-Descartes a montré que 95 % des gens ont repris l'avion après avoir participé à notre stage et 2% ont demandé à être accompagnés en vol par un formateur", se félicite-t-il. Xavier Tytelman est l'Invité du samedi de LaLibre.be.
Comment expliquer que l'aviophobie soit si répandue ?
De nombreuses craintes et anxiétés se cumulent les unes aux autres. Un : la peur de l'accident à cause de turbulences, d'orages ou d'une panne moteur. Deux : le besoin de contrôle n'est pas assouvi, d'autant qu'on ne voit pas le pilote à la manœuvre. Trois : la peur d'avoir peur ou de faire une attaque de panique. Ajoutez à cela toutes les autres phobies comme celles des microbes, de l'eau, de vomir, du vide... et vous comprenez pourquoi tant de gens redoutent de prendre l'avion.
Les turbulences peuvent-elles causer un crash d'avion ?
Non ! En 60 ans, il n'y a eu aucun crash lié à une turbulence. Les turbulences agissent juste sur le confort. Quand notre corps ressent une chute, notre cerveau des émotions va sécréter des hormones du stress qui font ressentir le danger. C'est une pensée réflexe. Evidemment, vous pouvez vous blesser si vous êtes mal attaché ou si un bagage vous tombe sur la tête.
Lors d'une turbulence, l'avion chute-t-il ?
C'est une variation d'altitude qui dépasse rarement quelques dizaines de centimètres. Une turbulence de 20 centimètres prise à 800 km/h peut provoquer une sensation de chute de 30 mètres. Les sensations de notre corps sont beaucoup plus grandes que la chute réelle.
Quels sont les risques en cas de traversée de gros orages ?
Les pilotes n'ont pas le droit de traverser des nuages d'orage, appelés cumulonimbus. Mais ces nuages sont assez petits, ils ne font que quelques kilomètres de large. Et même si tout le ciel est noir, il n'y a que cette poche nuageuse à éviter. Souvent, le passager a l'impression de n'être entouré que par un seul gros orage. Le pilote, lui, n'utilise pas ses yeux, il a un radar météo donc il sait exactement où se trouvent les endroits à éviter. Si le pilote rentre malgré tout dans un nuage d'orage, ce n'est pas grave. L'avion est conçu pour, il ne va pas se casser. La situation va simplement être inconfortable, les turbulences seront fortes. Idem si un avion est frappé par la foudre : ça n'a aucune conséquence. Chaque jour, dans le monde, plus d'une centaine d'avions subissent la foudre.
Les vents très forts lors du décollage ou de l’atterrissage représentent-ils un danger ?
Oui mais, de ce fait, des limites sont mises. Si un vent de 70km/h vient dans l'axe de la piste, ça ne pose aucun problème. S'il vient perpendiculairement, il va être trop fort pour les petits avions. Si la piste est mouillée, c'est à 60 km/h que la situation peut poser problème. Les décollages sont alors interdits.
En cas de panne de tous les moteurs, combien de temps l'avion peut-il planer ?
Un avion peut décoller et voler avec un seul moteur. La probabilité de subir une panne de tous les moteurs est nulle : elle est d'une toutes les 4.000 milliards d'heures de vol pour chaque avion. Si cela devait arriver, l'avion serait capable de planer une bonne demi-heure sur une distance de 200 à 300 kilomètres.
Les pilotes peuvent-ils atterrir sans aucune visibilité sur la piste ?
Oui, mais ça dépendra si le terrain possède un équipement de guidage de précision. Le matériel peut guider l'avion jusqu'au ras du sol, voire même poser l'appareil sans que les pilotes ne touchent aux commandes. Si la piste ne dispose pas d'un tel dispositif et que, à 50 mètres du sol, le pilote ne voit pas la piste, il remet des gaz et fait une deuxième tentative. Si ça ne fonctionne toujours pas, il va se poser ailleurs.
Imaginons que les deux pilotes s'évanouissent. L'avion peut-il se poser seul ?
Un pilote est capable de faire tout le travail seul. Si les deux sont incapables de travailler, il faudra se reposer sur les systèmes de guidage et sur un steward ou une hôtesse qui devra respecter les ordres donnés par la radio.
Si un oiseau se prend dans le réacteur, qui se passe-t-il ?
Il est broyé. Environ 50.000 oiseaux entrent en collision ou sont ingérés dans les réacteurs chaque année. Un moteur est conçu pour ingérer 750 kilos de glace en trente secondes. Ou 4,5 tonnes d'eau par minute. Un oiseau, par rapport à ça, ce n'est rien...
On entend parfois des bruits stressants en vol. Quels sont-ils généralement ?
Cela dépend du type d'appareil. Dans un avion, on lance des circuits électriques, hydrauliques, pneumatiques, donc c'est normal d'entendre des bruits particuliers, il est inutile de paniquer. Si ça ressemble à un chien qui aboie ou une porte qui grince, c'est la montée en pression hydraulique. Les bruits de glaçons sont souvent liés à la climatisation.
Conseillez-vous aux phobiques de prendre un calmant avant de monter à bord ?
Sur les 3000 personnes que nous avons interrogées lors de nos formations, seuls 11% ont senti un effet. Les autres ont eu un effet nul ou négatif. Pourquoi ? Car le cerveau se sent en danger donc il ne veut pas se reposer. Votre corps lutte contre l'effet du calmant. Cet effet peut alors se faire sentir seulement après l'atterrissage, ce qui va fatiguer au mauvais moment...
Vous déconseillez aussi de boire de l'alcool ?
Oui, l'alcool augmente la tension artérielle. C'est un excitant qui ne change rien à la peur profonde. Sur le long terme, cette façon d'éviter la peur renforce l'anxiété avant les vols. Evidemment, l'effet placebo est important : quand des voyageurs se sentent mal, les hôtesses peuvent donner un petit bonbon pour faire baisser l'anxiété. Il faut noter aussi que le froid, la faim, la douleur, l'inconfort vont rallumer notre cerveau des émotions. Les gens qui tentent de ne pas dormir les trois jours qui précèdent le vol dans l'espoir de s'endormir dans l'avion font pire que tout.
Y a-t-il un endroit où s'installer pour réduire la peur ?
L'endroit le plus stable est au centre de gravité, c'est-à-dire entre les ailes. La première moitié de l’appareil est plus silencieuse car on se trouve devant les moteurs et on y ressent moins de vibrations. Enfin, les turbulences ne sont que 10% plus fortes à l'arrière...