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Rien ne se perd, tout se transforme

Les démolitions-reconstructions sont toujours fréquentes. Mais leur impact est fort et multiple. Prudence donc.

Temps de lecture: 4 min

Selon Kristiaan Borret, maître-architecte (bouwmeester) de la Région Bruxelles-Capitale, la raison la plus récurrente à l’origine des grandes démolitions est la non-conformité du bâtiment par rapport aux normes actuelles. Il ajoute que « parfois, on va démolir un bâtiment entier parce qu’il manque 5 cm pour la hauteur de plafond à chaque étage » et l’on sent l’incompréhension dans sa voix.

Le besoin en logements a tendance à faire pencher la balance du côté extrême sur l’échelle de la démolition. Ainsi, des immeubles de bureaux inaptes à une transformation en surfaces habitables seront détruits, laissant place à un changement d’affectation.

Lorsqu’il est question de savoir qui décide si la démolition est la solution, la valeur architecturale ou patrimoniale d’un bâtiment peut jouer en faveur de son maintien et s’en suivent des discussions avec les pouvoirs publics. Dans le cas contraire et pour la majorité, le choix reviendra au propriétaire, et le promoteur suivant son calcul de rentabilité décidera de l’avenir de la construction.

Une démolition lourde a un impact tant environnemental, qu’économique, historique, sécuritaire ou encore dans le quotidien des gens. Ces dernières décennies ont connu des évolutions importantes concernant le tri des déchets de démolition et l’on voit se développer une tendance au réemploi des matériaux de déconstruction, qu’il s’agisse d’éléments structurels ou de finition. Selon Lionel Billiet, du collectif d’experts rassemblés sous l’enseigne Rotor (voir ci-contre), la Belgique n’est pas à blâmer dans son traitement des déchets. Elle se placerait même à l’avant-garde à l’échelle européenne mais a tout de même encore du chemin à faire.

Quelles alternatives ?

Il existe une gradation entre la démolition totale d’un bâtiment et le réemploi complet de la construction, incluant la structure et la réutilisation des éléments de finition à l’intérieur du projet lui-même ou pour d’autres projets. Pour Kristiaan Borret, « il existe une sorte de spectre entre démolition et maintien. Il faudrait explorer de manière plus intelligente le curseur entre les deux ».

Rotor répond à cette préoccupation et favorise une architecture multicouche laissant sa part belle à l’histoire. Le groupe est spécialisé dans la technique du réemploi des matériaux, tant de construction que de finition, qui consiste en un travail d’identification, de démontage et de revente de ces éléments. Lionel Billiet énonce les valeurs à l’origine de son activité. « Une attitude que l’on encourage est de se montrer tolérant par rapport à ce qui préexiste, que ce soit à l’échelle des bâtiments ou des matériaux. En revanche, il faut être très exigeant sur ce que l’on rajoute, ou ce que l’on construit. »

Une position renforcée par le climat intellectuel actuel favorisant l’économie circulaire, au niveau politique notamment.

Responsabilité du maître architecte à Bruxelles

Au-delà du réemploi des matériaux de finition, Kristiaan Borret encourage cette architecture multicouche, « une architecture qui peut être lue à plusieurs niveaux. Rotor est déjà fréquemment impliqué dans la récupération des meilleures parties. Le défi maintenant pourrait être de réfléchir au réemploi de la structure du bâtiment. Il faut essayer d’embrasser ce qui existe. Je pense que c’est plus intéressant que de toujours refaire du tout neuf. Dans ce dernier cas, un bâtiment a l’air d’être considéré comme un produit de consommation. On le jette après quelque temps et on en rachète un autre. »

Le maître-architecte a une responsabilité quant à la question d’encourager ou non le maintien d’éléments structurels ou plus encore à l’occasion des concours. La question s’est notamment posée lors d’un récent appel concernant l’ancien bâtiment Actiris situé à proximité de la Bourse de Bruxelles. Kristiaan Borret s’exprime sur le sujet. « On a exploré la piste entre les deux extrêmes. Nous désirions maintenir la structure, entre autres pour des raisons historiques, mais pas à l’identique. L’architecte peut intervenir de manière contemporaine dans la façade. Pour les façades extérieures, il y aura une superposition de la façade originelle et d’une couche contemporaine, de filigrane en métal. La coexistence de ces deux époques d’architecture est assez intéressante. Même au niveau esthétique. C’est un comportement que je voudrais inciter : la complexité, la subtilité, la coexistence au lieu du choix facile de tout démolir et reconstruire. »

Il n’est pas ici question de faire de ce cas la généralité, mais il laisse entrevoir une nouvelle façon de déconstruire.

 

Parking 58: un exemple parmi d’autres où démolir sert à mieux reconstruire

Temps de lecture: 4 min

Le terrain de l’ancien parking bruxellois s’étire sur 160 mètres de longueur et se mesure à quelques 7 bâtiments voisins sur l’une de ses extrémités. Ces immeubles ne font et ne feront pas non plus le poids face au mastodonte de quelque huit étages (et un toit terrasse) que sera le futur centre administratif de la Ville de Bruxelles. Le projet Brucity se définira par sa transparence et les différentes connexions tant visuelles que physiques qu’il rétablira au cœur du quartier bruxellois. La fin des terrassements prévue pour avril 2019 marquera le début des travaux de construction.

Alors que les machines sont encore occupées à la démolition à l’extrémité du terrain, du côté de la rue de l’Evêque, du côté de la rue du Marché aux Poulets on travaille déjà sur les fondations. Ilaria Gagliardi, l’une des managers de projet chez AG Real Estate, précise que « la particularité de ce bâtiment est sa longueur qui permet de travailler en plusieurs phases. On voit que d’un côté les démolitions sont encore en cours et de l’autre côté, on est déjà dans la phase suivante. Ça va toujours s’enchaîner de cette manière. C’est complexe car il y a la gestion de deux sociétés complètement différentes qui doivent se coordonner pour pouvoir travailler ensemble. »

La démolition dont le coût représente environ 5 % du coût total dédié à la construction (démolition + reconstruction) s’est déroulée en plusieurs phases. La première a été celle du désamiantage, de septembre à décembre 2017, occupant une dizaine de personnes par jour. Ensuite vient une série de démontages préalablement à l’étape de démolition lourde. Ce démantèlement a nécessité la présence d’une quinzaine de travailleurs sur une durée de plusieurs mois. Une fois nombre de cloisons et de parachèvements intérieurs démontés, c’est au tour du bâtiment d’être démoli. Sont alors convoqués une dizaine d’employés supplémentaires pour poursuivre ce travail débuté en mars.

Le chantier de démolition du Parking 58 a de particulier sa position très centrale au cœur de la ville, quadrillée par les rues de la Vierge noire et des Halles sur la longueur et par la rue de l’Évêque et la rue du Marché aux Poulets sur la largeur. L’axe est au cœur de la mobilité, parallèle au boulevard Anspach et à son piétonnier dont on devine peu à peu la finalité.

Le défi principal a donc été, dans le but de favoriser la mobilité de la zone, de garantir un maximum de sécurité, que ce soit sur le chantier ou pour les passants. Le chantier à front de rue ne profite d’aucun recul par rapport à la route et très peu par rapport aux trottoirs opposés. L’objectif a été tout du long du chantier de garantir au maximum l’accessibilité des rues. C’est pourquoi seules des phases critiques du chantier ont mené à la fermeture de certains passages, mais pour des périodes très limitées. « On a toujours travaillé en accord avec la Ville et surtout en accord avec la police et les pompiers. La rue de la Vierge noire est une des artères les plus importantes de Bruxelles. Bloquer la circulation sur cette rue n’était pas envisageable pour la mobilité du centre. S’il y a eu des fermetures, elles étaient ponctuelles », clarifie Ilaria Galiardi.

Le retard accumulé sur le chantier a notamment été généré par ces précautions en matière de sécurité.

Qu’est devenu le monstre de béton ?

Au total, entre 18 et 20.000 tonnes de matériaux de structure sont et ont été à évacuer. Pour ce qui est des terrassements, il est question de 40.000 m3. L’ensemble des débris de démolition sont triés une première fois sur place, où est extraite la partie métallique indépendamment des autres matériaux. C’est ensuite dans différents centres de tri que sont répartis les différents produits. Deux sculptures décorant les façades du Parking 58 ont échappé à la démolition et seront placées sur un autre bâtiment.

Il se pourrait que d’autres objets sortent de terre. La rue de la Vierge noire se trouve sur le tracé de la Senne, ce qui pourrait mener à quelques découvertes. Si rien n’est à signaler pour l’instant, la présence de la cellule archéologie durant la phase de terrassement des terres situées sous les fondations pourrait en décider autrement. « Il y a une possibilité de retrouver des restes ou des objets qui puissent permettre de reconstruire la vie médiévale de l’ancienne ville », conclut Ilaria Gagliardi.

Le risque est réel de voir les travaux marquer une petite pause en cas de grande trouvaille…

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