L'Union n’est pas près de se doter d’une politique migratoire

Maria Udrescu
L'Union n’est pas près de se doter d’une politique migratoire
©BELGA

Sur l’épineuse question de la politique d’asile européenne les discussions des Vingt-huit ont tendance à tourner au vinaigre. Le débat du dîner des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union jeudi soir, ne devait cependant pas susciter de tensions, ni annoncer des avancées spectaculaires. L’accent est mis sur l’aspect extérieur de la migration - le seul qui fait consensus : le contrôle des frontières de l’UE, l’accélération des retours des migrants non éligibles à l’asile, la coopération avec les pays de transit, notamment la Turquie et la Libye.Ce dernier point tient à coeur de nombre d’Etats membres qui espèrent ainsi éviter que les migrants mettent un pied en Europe. L’externalisation de la gestion des flux migratoires a un prix. Tout comme la lutte contre la pauvreté et le manque d’opportunités qui poussent des milliers de migrants à tenter de vivre le "rêve européen". Mais les Vingt-huit ne semblent pas pressés de mettre la main au portefeuille. (Le président du Conseil européen) "Donald Tusk voudrait que les Etats membres reconnaissent qu’il y a une diminution de 64 % des arrivées sur la route de la Méditerranée centrale ces trois derniers mois. La question est de savoir comment nous allons consolider cette tendance et atteindre zéro arrivée. Pour cela, nous avons besoin de plus d’argent. Or les contributions au Fonds fiduciaire pour l’Afrique ne sont pas suffisantes parce qu’il n’inspire pas une confiance aux Etats membres. Ceux-ci demanderont sans doute que les programmes financés se concentrent sur la réduction de la migration illégale à court terme plus que sur des objectifs de développement sur le long terme" , explique un insider .

La politique migratoire "interne" de l’UE, "ce sera pour décembre" , précise la même source. "Ce sujet représente le plus grand risque pour l’unité de l’Union" , met en garde un diplomate. Pour l’heure, chacun campe sur ses positions. Certains Etats d’Europe centrale et orientale plaident pour une ligne dure en termes d’accueil des migrants; d’autres prônent une solidarité européenne dans la gestion de l’asile. "Ce conflit inutile entre les Etats membres doit cesser ", a insisté M.Tusk, jeudi. Et d’ajouter que le système de relocalisation des réfugiés depuis la Grèce et l’Italie, honni à l’est de l’Union, "n’a pas d’avenir" .

Le Parlement veut réformer le système de Dublin

Les Vingt-huit ne pourront pas éviter le sujet ad vitam aeternam . En 2015, la crise migratoire a pratiquement provoqué l’effondrement du système de Dublin, qui confie au pays d’arrivée dans l’UE la responsabilité de traiter une demande d’asile, la Grèce et l’Italie étant débordées par les centaines de milliers d’arrivées sur leurs côtes. Sans aller jusqu’à remettre "Dublin" en question, la Commission avait alors proposé de corriger le tir en instaurant "un mécanisme d’équité" pour alléger la charge d’un Etat confronté à un afflux massif.

Le Parlement européen, de son côté, a adopté ce jeudi un projet de refonte totale du système de Dublin. Les eurodéputés proposent d’abandonner le critère du premier pays d’entrée dans l’UE et de prendre en compte les "liens réels" (la famille, une résidence antérieure, des études) du demandeur d’asile avec un Etat membre, qui en serait alors responsable. En l’absence de tels liens, serait alors activé un mécanisme automatique de relocalisation. Les Etats récalcitrants devraient payer jusqu’à 250 000 euros d’amende par réfugié refusé. Les Etats membres "d’entrée" seraient alors uniquement chargés d’enregistrer l’ensemble des arrivants, de passer leurs empreintes dans le système d’information Europol et d’évaluer la probabilité pour le migrant d’obtenir l’asile.

Le projet est ambitieux mais risque d’être plombé par la position du Conseil - si position il y a. "Le sujet est si sensible qu’il faudra tout faire pour obtenir un consensus. Nous tirerons les conclusions en mai ou juin 2018" , prédit une source européenne. "Ce sera le moment de vérité" , insiste une autre. Mais "l’immobilisme n’est pas une option" , a prévenu le Premier ministre belge Charles Michel. La nouvelle politique migratoire pourrait en effet être adoptée à la majorité qualifiée, au risque de provoquer une nouvelle levée de boucliers de pays tels la Hongrie ou la Pologne, si l’accent est davantage mis sur la solidarité. Ou de l’art de tourner en rond.

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