La vaccination contre le HPV généralisée au sud du pays
- Publié le 14-11-2018 à 22h14
- Mis à jour le 17-11-2018 à 23h23
Le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles adopte une résolution qui l’impose. Faut-il, ou non, généraliser la vaccination contre les infections à papillomavirus humain (HPV) aux filles et garçons, de 9 à 14 ans inclus ? Telle est la question qui divise certains scientifiques et sur laquelle un texte a été voté à l’unanimité ce mercredi au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Émanant du député Jacques Brotchi, le projet est également porté par les députés Matthieu Daele (Écolo), Catherine Moureaux (PS) et Joëlle Maison (Défi).
À l’heure actuelle en Fédération, la vaccination contre le HPV est proposée aux seules filles de 13 à 14 ans si leurs parents le demandent. La proposition suggère d’inverser les choses : tous les enfants seraient vaccinés, sauf si leurs parents s’y opposent.
Le HPV est un virus dont il existe une centaine de types, dont certains peuvent entraîner des infections (des verrues notamment) au niveau des organes génitaux, de l’anus ou de la gorge. Ces infections peuvent évoluer en cancer (col de l’utérus, vulve, vagin, verge, anus, bouche-pharynx). La transmission du virus survient lors de relations sexuelles ou lors des caresses intimes. Pour être plus efficace, il importe que cette vaccination ait lieu avant le premier rapport sexuel.
Un retard à rattraper dans le sud du pays
S’appuyant sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Conseil supérieur de la santé, le projet de résolution demandait au gouvernement de la Fédération, outre la généralisation de la vaccination, d’utiliser dorénavant un nouveau vaccin efficace contre neuf souches de la maladie.
Pour que le système d’immunité collective induit par la vaccination soit efficace, il faut qu’environ 75 % des femmes soient vaccinées. "En Flandre, 83,5 % des jeunes filles étaient vaccinées en 2013 ; en Fédération Wallonie-Bruxelles, seulement 29 % l’étaient la même année. En 2017, le taux était de 36,1 % en fin de 2e secondaire, expliquent les auteurs de la proposition. Cette différence est certainement due au fait que la Flandre propose systématiquement la vaccination lors des bilans de santé. […] Il apparaît utile de généraliser la vaccination aux filles et garçons (30 % des cancers HPV seraient induits chez les hommes) de 9 à 14 ans inclus, de prévoir une vaccination de rattrapage pour les jeunes femmes et hommes de 15 à 26 ans, de travailler sur la vaccination des personnes immuno-déprimées."
Les avis des experts sont partagés
Pour rappel, fin septembre, la commission Santé du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles avait auditionné une demi-douzaine de médecins et autres experts sur la situation épidémiologique en lien avec les HPV et l’opportunité d’élargir la couverture vaccinale. Si plusieurs médecins invités avaient appuyé l’idée, l’intervention critique du chirurgien oncologue français Gérard Delépine avait suscité quelques tensions.
Tout en reconnaissant l’efficacité de la vaccination contre les verrues génitales, le Dr Delépine avait clairement remis en cause son intérêt pour lutter contre les cancers. La vaccination massive contre les HPV menée ces dernières années en Grande-Bretagne et en Australie aurait même eu pour effet non pas de diminuer le nombre de cancers de l’utérus, mais bien d’augmenter ceux-ci, avait-il assuré, estimant le dépistage précoce à l’aide des traditionnels frottis bien plus efficace et moins onéreux.
Tout le monde ne partage cependant pas cet avis. Aninsi, SIDA'SOS et Michel Bossens, membre du groupe d'experts HPV dont plusieurs étaient invités au parlement, nous ont-ils fait savoir qu'ils contestent les chiffres avancés par le Dr Delépine, ainsi que son discours."La soi-disant augmentation du nombre de cancers en Grande-Bretagne est un artefact statistique lié au changement de la stratégie de dépistage, et qui ne concerne pas les femmes vaccinées contre le HPV, explique SIDA'SOS. En Australie, l’incidence du cancer du col n’a pas augmenté, et au contraire, dans les classes d’âge vaccinées (à partir de 2007), on a observé une diminution significative des lésions précancéreuses de 2004 à 2015, alors que ce n’est pas le cas dans la classe d’âge des non-vaccinées.
Un dépistage du col seul sans vaccination ne permettra pas de protéger la population contre l'ensemble des maladies liées au HPV.
Il suffit de regarder l’efficacité comparée de la vaccination - plus de 90% de tous les cancers à HPV peuvent être évités sans intervention ultérieure, et de nombreux actes diagnostiques et thérapeutiques sont évités - et du dépistage - seuls les cancers invasifs du col sont évitables, au prix de 40 ans de surveillance, et d’une intervention chirurgicale chez plus d’une femme sur dix, aux conséquences potentiellement néfastes sur les grossesses ultérieures. En terme de coût-bénéfice, la littérature médicale est indiscutablement en faveur de la vaccination."
Pour sa part, Germaine Hanquet, membre du centre fédéral d’expertise sur les soins de santé (KCE), avait rappelé qu’un millier de cancers liés aux HPV avaient été recensés en 2015 en Belgique, dont un peu moins de 20 % concernant des sujets masculins. À la lumière des dernières statistiques, elle s’est refusée à parler d’une "explosion" de ces cancers chez nous, parlant plutôt d’une augmentation.