Le WhatsApp de 1900
- Publié le 22-05-2019 à 16h10
"Affinités", un nouveau Photo Poche sur la photographie de groupe au temps des cartes-photos. À l’origine, vers 1870, la carte postale était un papier-carton standardisé - environ 10x15 cm - pour envoi sans enveloppe. Elle ne sera illustrée qu’à partir du début du XXe siècle et connaîtra dès lors un essor fulgurant lié notamment à celui du tourisme de masse. À disposition des voyageurs aussi bien sur les sites les plus visités du monde que dans les bourgs les plus reculés (Trifouilly-les-Oies, son église, son monument, son Café du Commerce…) elle deviendra une sorte de représentation convenue des lieux. En tant qu’image vernaculaire, de grande diffusion et sans véritable point de vue, elle fascinera des photographes comme Walker Evans, Stephen Shore et plus récemment Martin Parr dont on n’oublie pas les recueils hilarants de Boring postcards.
En marge de cette production quasi industrielle s’est développée - si l’on ose dire - la carte-photo *, c’est-à-dire une image au tirage artisanal restreint sur papier photographique avec un verso préimprimé pour l’adresse, le timbre et le texte. Autant la carte postale, sans véritable point de vue, était-elle dédiée à l’usage de la foule anonyme, autant la photo-carte avec son sujet choisi s’adressait-elle à un public ciblé.
Un ouvrage vient de paraître dans la collection Photo Poche consacré à ce support hybride qui donna à la photographie-souvenir un accès à la distribution postale. Son auteur, Michel Christolhomme, l’aborde par le biais de la photo de groupe, sujet en soi trop vaste qu’il circonscrit en montrant son adéquation avec un tirage dédié à un cercle d’"affinités".
Le livre est chapitré autour de types de groupes formés au sein de la famille, de l’école, de l’armée et lors du travail, des repas, du sport, des loisirs et de la fête. Le propos est développé dans un texte liminaire sur la carte-photo et des notes sur la photo de groupe.
Révolu
Cette (re) découverte d’un usage révolu de la photographie est intéressante, cependant elle est illustrée ici par une collection qui ne concerne que la France. On rappellera par exemple qu’aux États-Unis, dès 1902, Kodak proposait des feuilles de papier pour cartes-photos et qu’à cette époque où les journaux n’avaient pas la possibilité technique d’imprimer les clichés, c’est par ce support que les images de lynchages racistes du Sud circulaient. C’est peu dire donc que l’angle méritait d’être élargi, non seulement à d’autre pays, mais aussi et surtout à cet aspect de prémisses de la presse illustrée.
Dans ce recueil, certes plein de perles, on regrettera la mise en page qui ne fait pas suffisamment voir le support matériel avec son recto verso. Il aurait fallu s’inspirer du Photo Poche n°134 consacré à "l’objet photographique" qui faisait la part belle à la matérialité. En privilégiant les doubles pages, Affinités oblitère en plus la taille si caractéristique de la carte-photo et laisse au lecteur l’impression de feuilleter un livre de collectionneur de photos anciennes de plus. Dommage.
* La carte-photo ne doit pas être confondue avec la photo-carte appelé aussi portrait-carte imprimé au format carte de visite (5,2 cm sur 8,7 cm) et contrecollé sur carton au dos duquel on retrouvait la publicité du studio.
"Affinités", la photographie de groupe au temps des cartes-photos Livre De Michel Christolhomme, collection Photo Poche, édition Actes Sud, 144 p., 83 photos. Prix 13 €.