Vincent Vanasch, le meilleur gardien de hockey du monde: "Tous les mois, je calcule mes dépenses"
Vincent Vanasch, le meilleur gardien du monde, pourrait être kiné, mais il a choisi de défendre les couleurs de son pays et de son club pour un salaire total de 2.500 euros par mois.
- Publié le 22-02-2018 à 07h12
- Mis à jour le 22-02-2018 à 08h38
Vincent Vanasch, le meilleur gardien du monde, pourrait être kiné, mais il a choisi de défendre les couleurs de son pays et de son club pour un salaire total de 2.500 euros par mois. Vincent Vanasch s’amuse et ne s’en cache pas. Le meilleur gardien du monde a connu des années de galère avant de faire tourner la roue de la fortune. Présent à l’Atomium avec ses sponsors, le meilleur gardien FIH 2017 a passé une après-midi avec des gamins du Primerose sans jamais se départir de son large sourire.
"Si demain, le hockey ne m’offre plus de plaisir, j’arrête tout", lance le gardien des Red Lions et du Watducks. Quelques instants plus tôt, il avait confirmé qu’il avait un accord de principe avec le Watducks pour prolonger son bail à la drève d’Argenteuil pour deux ans.
Son bonheur est contagieux. Il fait des envieux qui oublient qu’il revient de loin. "Un jour, j’ai hésité à poursuivre le hockey. Je n’y voyais plus de sens."
Son ami Bastien Ruytinx l’a remis sur le droit chemin, celui du plaisir qui hausse la confiance et donc l’efficacité. Alors qu’il frôlait la sortie de terrain en 2010, il a replongé pour un tour au point de figurer comme gardien titulaire des Jeux olympiques en 2012.
Depuis six ans, le keeper brille par sa régularité. De son propre aveu, sa vie n’est pas pour autant un long fleuve tranquille. Être un hockeyeur en Belgique en 2018 offre une situation hybride. D’un côté, il fait partie d’une équipe qui a le potentiel de remporter les Jeux olympiques, la Coupe du Monde et les Championnats d’Europe. D’un autre côté, il voit que son compte en banque ne suit pas la même courbe que son statut de star mondiale.
Ce diplômé en kiné a consenti à un grand sacrifice financier. Il pourrait gagner plus d’argent en ouvrant son cabinet de kiné. "Mais, j’ai choisi de me consacrer à 100 % au hockey. Comment pourrais-je être un kiné crédible si je pars régulièrement à l’étranger durant plusieurs semaines ? Je le serai plus tard."
Il se contente aujourd’hui des rémunérations du Watducks, de l’équipe nationale et de ses sponsors.
"Tous les mois, je calcule mes factures et mes dépenses. Un hockeyeur en Division Honneur touche entre 1.000 et 2.500 euros par mois." Vince The Prince se situe bien sûr du côté des 2.500 euros.
L’argent n’est pas un moteur dans ses choix. "Je prévois de mettre un terme à ma carrière en 2024 au soir des Jeux de Paris. Mes collègues en kiné auront déjà mis de l’argent de côté. Moi, pas. En revanche, j’ai vécu des histoires uniques. J’ai appris à rebondir après un échec, à placer mes objectifs, à faire des concessions, à vivre avec des gens… Je n’aurai pas d’argent de côté, mais j’aurai une médaille olympique et des souvenirs."
À 36 ans, Vinchou sait que sa reconversion est assurée, ce qui lui enlève un poids considérable. "Je ressens moins de pression. J’ai galéré durant neuf ans pour obtenir ce diplôme. Mentalement, la situation a été dure."
Il met en garde les jeunes joueurs d’aujourd’hui. "Étudiez et obtenez un diplôme. Le hockey n’offre pas assez d’argent. Une blessure peut ruiner votre carrière du jour au lendemain", narre celui qui deviendra papa en juillet.
Sage et philosophe, il n’exclut pas d’écrire un livre un jour sur son formidable parcours. "Si j’obtiens une médaille d’or, j’écrirai mon histoire."
Un livre qui méritera le détour quand on connaît son incroyable destinée qui ne s’arrêtera pas avec ce titre de meilleur gardien du monde FIH 2017. "Je n’ai pas changé. Je m’endors toujours comme avant. Je reçois plus de demandes des médias et j’ai un sponsor qui s’est manifesté dans la foulée de Berlin."
Un jour, il réalisera mieux tout ce qu’il a accompli.
"Sans doute. Le jour où je regarderai l’équipe belge de hockey aux Jeux olympiques avec mes enfants et petits-enfants, je leur raconterai mes souvenirs."
Sa famille: "Derrière tout grand homme, se cache une grande femme"
Vincent Vanasch voue une reconnaissance éternelle à sa famille qui lui a apporté un soutien indéfectible. Il pense d’abord à son épouse Alexandra. "J’ai connu des bas, des très bas et des très hauts. Je l’ai rencontrée au White Star quand j’avais 15 ans. Nous sommes en couple depuis 11 ans. Elle m’a connu avant que je sois l’homme d’aujourd’hui. Elle m’a toujours soutenu. Quand je lui ai demandé conseil avant de signer mon contrat aux Pays-Bas, elle m’a dit : ‘Vas-y fonce !’. Derrière tout grand homme se cache une grande femme." Il songe également à son papa Jean qui a créé l’école des jeunes du White Star. Ses frères et sœurs Philippe - champion en 95-96 -, Julie, Benoît et Marianne qui sont attirés par le hockey. Sa maman Françoise n’a jamais vu un de ses matches. "Elle stresse trop."
Ses coaches: "Kina et Batch ont cru en moi"
Vincent Vanasch a toujours eu la chance de croiser la route de grands entraîneurs : Pascal Kina, Colin Batch, Shane McLeod, Michel Van den Heuvel ou Xavier De Greve. "Pascal et Colin ont cru en moi à un moment où tout n’était pas simple. Après une première saison moyenne au Watducks, Pascal tenait absolument à me garder. Colin, lui, il m’a fait confiance en me nommant n°1 aux JO de Londres. J’avais débarqué dans sa sélection en février 2012. Quelques mois plus tard, j’étais aux Jeux. Shane McLeod, aussi, est spécial. J’ai eu la chance de le connaître au Watducks et en équipe nationale. Il donne vite confiance aux joueurs. Je me souviens de notre 3e finale avec le Watducks. À la mi-temps, nous perdions 3-0 alors que nous n’avions que deux buts d’avance. Il ne s’est pas énervé. Il a simplement dit que nous allions marquer car nous marquions à tous nos matches. Nous avons finalement été champions avec un 3-3." Aux Pays-Bas, il a côtoyé Michel Van den Heuvel. "En Belgique, nous sommes trop humbles. Il m’a appris l’arrogance. Nous ne devons pas avoir peur d’exprimer notre talent. Un brin d’arrogance, ce n’est pas mal."
Aujourd’hui, il évolue sous les ordres de Xavier De Greve. " Coche a eu la chance d’apprendre avec Pascal et Shane. Il connaît très bien le hockey."
Son agent: "Ma confiance est maximale"
Verhulst event gère le produit Vincent Vanasch depuis un peu plus d’un an. "Alex, Anthony et Thierry gèrent mon image. Je les connais depuis longtemps, ce qui m’aide à leur faire confiance. Moi, j’apporte certains sponsors (Brabo, Mitsubishi, Vivaldis, Liv up, Superdry). Eux, ils s’occupent des contrats. Tout se passe très bien. Ils savent que si un jour on me demande un truc qui ne me plaît pas, je ne le ferai pas. Ce n’est encore jamais arrivé."
Ses amis: "Hugo et Noé ont toujours été là"
Le hockey est une grande famille. De nombreuses amitiés sincères durent depuis plus ou moins longtemps. Parmi ses nombreux potes, certains ont joué un rôle précis. "Hugo et Noé Benhaiem ont toujours été là. Je les connais depuis que j’ai 5 ans. Durant les étés, nous ne partions pas en vacances. On se retrouvait sur le terrain du White Star. Aujourd’hui, les jeunes veulent devenir des Red Lions . Nous, nous voulions juste passer un bon moment."
Un autre homme a joué un rôle clef dans son épanouissement sportif : Bastien Ruytinx. "Il était le gardien n°1 du White Star quand j’étais gamin. Il était mon modèle. Je voulais toujours discuter avec lui, avoir son maillot ou un autographe. Il m’a donné des entraînements. Quand je suis parti au Watducks, je l’ai appelé. Il m’a redonné confiance à un moment où je touchais le fond."
"Nous voulons en faire un produit"
Alex de Chaffoy est le seul agent de hockeyeurs en Belgique.
Le hockeyeur moderne n’a pas encore d’agent. Ses intérêts sont gérés par le giron familial alors que l’athlète négocie lui-même avec ses clubs. Depuis plusieurs années, l’argent s’est invité dans les débats. Les sommes restent modestes, mais l’argent est devenu un critère parmi d’autres au moment de parapher son contrat.
Quelques joueurs ont déjà franchi le pas du professionnalisme. En réalité, trois Belges ont un agent. Tom Boon, Vincent Vanasch et Aisling D’Hooghe ont remis les clefs de leur business à Verhulst event, le seul agent sur le marché belge.
"Nous le faisons surtout pour le plaisir", coupe Alex de Chaffoy qui est également le T2 du Racing et le T1 des Red Lions Indoor. Comme ses associés, il est un enfant du stick. "Nous avons accepté ce rôle car nous faisons tous partie du hockey depuis toujours." Il efface d’emblée toute envolée comptable.
Verhulst event, qui a également comme mission de dénicher des sponsors pour le Léopold, l’ARBH ou encore le volley-ball, ne brasse pas des millions grâce au hockey. "Nous avons commencé à travailler avec Tom Boon en marge de la Coupe du Monde 2014", poursuit Alex de Chaffoy. Avec Vincent Vanasch, le partenariat court depuis un peu plus d’un an. "Nous voulons en faire des produits marketings. Avec Tom Boon, nous avons réussi. Son image est partout. Avec Vincent, nous sommes au début du processus. Nous avons trouvé deux sponsors pour une longue durée : Mitsubishi et Superdry. Nous négocions des échanges et de l’argent."
Les chiffres restent consignés dans un coffre-fort. Le hockey belge n’est pas encore habitué à parler d’argent. "Nous sommes uniquement là pour travailler leur image. Nous sommes payés normalement pour notre boulot. En général, Vincent discute lui-même avec ses partenaires. Nous l’aidons à finaliser les contrats", poursuit celui qui est l’agent officiel Fifa pour les matches hospitality de la Coupe du Monde de football.
Vincent Vanasch complique le job de Verhulst event car son image est compliquée à vendre.
"Avec son casque, on ne le voit pas sur le terrain. Nous devons faire connaître son visage. Idéalement, nous voulons lui trouver cinq ou six sponsors, ce qui lui offrira un revenu supplémentaire."
Ce revenu supplémentaire est un sujet tabou. "Nous lui créons une image, ce qui n’a pas de prix."
Alex de Chaffoy évite de prononcer des chiffres en parlant de Vincent Vanasch. En revanche, il ne cache pas son inquiétude sur la flambée des prix des joueurs. "Comment les clubs pourront-ils tenir ? Chacun essaye de trouver des formules, mais ça part en live. Je dirais que la moyenne par mois par joueur en DH tourne autour de 500 euros. On parle plus de défraiement. Un joueur étranger peut coûter 70.000 euros brut tout compris avec du cash, un appartement, une voiture…"
L’avenir passera par l’image, qu’elle soit à la télévision ou sur son smartphone. "Le hockey offrira un réel return quand il passera sur des chaînes gratuites. Nous utilisons beaucoup les réseaux sociaux."