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Batibouw: «En termes d’émissions de CO2 dans l’air, le Belge ne ressent pas suffisamment le sens de l’urgence»

Le parc d’installations de chauffage belge est vieillissant et se rénove trop lentement. D’autres travaux de remise aux normes traînent également la patte. Patrick O, le patron de Viessmann Belgique, tire la sonnette d’alarme.

Journaliste en charge du Soir Immo Temps de lecture: 5 min

Le bilan est, sinon dramatique, du moins alarmant. Et c’est Patrick O, le directeur général de Viessmann Belgique, qui le tire : la Belgique peine encore trop à atteindre ses objectifs climatiques. « Si nous voulons rendre nos bâtiments plus éco-énergétiques, le nombre de rénovations doit plus que doubler d’ici à 2050, commence-t-il par dire. En ce qui concerne le chauffage, 60 % des chaudières utilisées dans notre pays sont trop vieilles et consomment beaucoup trop. Certaines choses ont été faites et elles vont dans le bon sens mais le Belge est encore trop peu sensible à ses émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Il ne ressent pas suffisamment le sens de l’urgence. Ce n’est pas parce que le CO2 n’est pas visible à l’œil nu qu’il n’existe pas… »

Les points positifs évoqués concernent notamment l’isolation et l’étanchéité à l’air, deux postes qui ont été améliorés dans nos habitats ces dernières années, particulièrement dans le cas de constructions neuves où la demande de chaleur a diminué de moitié depuis 2008. « C’est bien mais encore insuffisant, tempère cependant Patrick O. Plus de la moitié des Belges ne disposent toujours pas d’isolation murale, 18 % d’entre eux n’ont pas isolé leur toiture ou le plancher de leur grenier et 11 % ont encore du simple vitrage. Or, chauffer ne sert à rien si la chaleur se perd à cause d’une mauvaise isolation. »

Si la population est coupable, les autorités politiques le sont tout autant, selon le directeur général. « En 2011, le gouvernement Di Rupo a arrêté brutalement la déduction fiscale pour le chauffage, expose-t-il. Aujourd’hui, on parle de fermer tout ou une partie du parc nucléaire en Belgique. Il faudra quand même se poser la question de savoir comment on va continuer à produire l’électricité. Une chose est sûre : l’énergie a toujours été bon marché jusqu’ici mais son coût va continuer à augmenter dans le futur. »

Patrick O plaide pour que nos gouvernants adoptent une vision claire et fixent un calendrier précis. « Les impératifs de 2050 sont là et il est temps de se dire qu’il faut les atteindre tous ensemble, quelle que soit l’obédience politique. Pour cela, il est impératif d’avoir un calendrier précis qui détermine les objectifs à atteindre à des échéances fixes comme 2020, 2030 et 2050. Il y a quelques années, j’ai suggéré à Freya Van den Bossche (NDLR : alors ministre flamande de l’Énergie) de rendre, tous les deux ans, la PEB plus sévère selon un ratio évalué entre 5 et 10 points. Le résultat est là : en dix ans, la performance énergétique des bâtiments en Flandre a augmenté de 50 %. Or, c’est la PEB qui décide des technologies à mettre en place pour le chauffage de demain. »

Des solutions existent et Patrick O dit en avoir. Il prône, par exemple, des incitants fiscaux pour les personnes qui viennent d’acheter un bien existant afin de les encourager à le rénover. « On sait que 70 à 80 % des personnes qui achètent entament une rénovation dans les six mois qui suivent l’achat, explique-t-il. Il y a là un momentum que le gouvernement doit exploiter. »

Autre suggestion : l’obligation pour les propriétaires de rénover. « On devrait obliger les gens à améliorer leur habitat, en favorisant bien sûr les personnes qui n’ont pas les moyens financiers suffisants pour le faire, poursuit Patrick O. Voyez ce qui s’est passé en Flandre avec le décret sur les toitures : les propriétaires ont l’obligation d’isoler d’ici à 2020 sans quoi ils ne pourront plus louer leur bien. Rénover est devenu vraiment fondamental de nos jours car le logement qui ne sera pas rendu performant d’ici 2025 perdra de sa valeur. »

Quelque 20.000 chaudières à mazout (beaucoup en Wallonie, région moins « gazière » que la Flandre) et 190.000 chaudières au gaz modernes sont vendues chaque année en Belgique. C’est encore trop peu, estiment les spécialistes, car les chaudières de l’ancienne génération ont encore la vie dure. « Le temps des chaudières à basse température de plus de 15 ans est révolu car elles consomment énormément, insiste notre interlocuteur. Il est plus que temps de les remplacer par des chaudières à condensation qui récupèrent la chaleur présente dans les gaz de combustion et qui consomment 30 % de moins. Ce n’est pas une dépense mais un investissement qui se rentabilise spontanément puisqu’on gagne plusieurs centaines d’euros par an. »

Si l’on parle de construction neuve, la pompe à chaleur est, de l’aveu des spécialistes, la solution qui a le plus bel avenir, surtout si elle est alimentée par des panneaux photovoltaïques. « L’énergie solaire occupera une place prépondérante dans le mix énergétique de demain aussi bien pour la production d’eau chaude sanitaire que pour l’électricité, affirme sans hésiter Patrick O. Malheureusement, la Belgique est à la traîne. Au cours des 15 dernières années, 270.000 toits ont été équipés de panneaux solaires en Flandre. Pour atteindre l’objectif climatique de 2020, il faudra y ajouter 400.000 toitures solaires, soit 100.000 par an. Or, on n’en a installé que 50.000 en 2017… »

Si personne ne conteste sa nécessité, l’énergie durable a donc besoin d’un coup de pouce pour s’imposer. « Tant que les décideurs politiques continueront de remettre en question la date de fermeture de nos centrales nucléaires, ni les entreprises ni les consommateurs ne seront enclins à investir dans les alternatives durables, exprime le directeur général de Viessmann. Par ailleurs, ce qui entrave aujourd’hui l’essor de la pompe à chaleur, ce sont toutes les taxes que le gouvernement veut imposer et qui sont greffées sur le prix de l’énergie. C’est d’autant plus regrettable qu’avec les technologies qui existent aujourd’hui, la Belgique pourrait facilement construire des bâtiments qui répondent dès à présent aux normes de 2050. »

 

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