Eaux en bouteille: "Les dangers des microplastiques pour la santé sont encore méconnus"
- Publié le 16-03-2018 à 06h46
- Mis à jour le 16-03-2018 à 11h34
Des chercheurs ont analysé l’eau vendue en bouteilles dans neuf pays.On y retrouve des microparticules de plastique.Leur impact sur la santé est méconnu.
La Libre a posé trois questions au Pr Alfred Bernard, toxicologue à l’UCL et directeur de recherches FNRS
1 Les résultats de cette étude vous paraissent-ils inquiétants ?
Ce n’est pas la première étude à annoncer de tels résultats, même si celle-ci semble plus vaste que les précédentes en nombre d’échantillons. Mais ce qui importe, c’est avant tout la taille des particules et leur origine. Les particules de 100 µ ne devraient pas être très préoccupantes car en principe, elles ne passent pas la barrière intestinale à cause de leur trop grosse taille. Ces plus grosses particules pourraient en effet, comme suggéré dans l’étude, provenir des bouteilles (dégradées) et des bouchons. Elles seraient donc de la même nature chimique que la bouteille, en l’occurrence du PEP, polyéthylène, qui n’est pas une substance vraiment préoccupante. Elle ne contient pas de perturbateurs endocriniens et est tout à fait compatible avec l’alimentation. En revanche, ce qui est interpellant et beaucoup plus troublant dans ce genre d’étude, ce sont les microplastiques, qui sont des particules de plus petite taille. Surtout si elles ne viennent pas directement de la bouteille, mais bien de l’eau car ces nanoparticules pourraient être contaminées par d’autres substances. C’est lié au phénomène de la pollution globale par les microplastiques. Plusieurs études ont en effet montré que les eaux de surface, principalement, que ce soit des océans ou des mers, mais aussi les poissons sont contaminées par des microplastiques, souvent de petite taille et de composition très variable. Ce phénomène, qui s’aggrave, est inquiétant. Ces fines particules, dont les nanoparticules, viennent de tous les plastiques dont certains contiennent - et donc peuvent libérer - du bisphénol A. On en retrouve notamment dans les boues des stations d’épuration, qui sont ensuite répandues sur les terres agricoles et se retrouvent alors dans l’alimentation. C’est très préoccupant car ces microplastiques, qui sont non biodégradables et extrêmement stables dans l’environnement, polluent non seulement les mers et les océans mais aussi les sols.
2 Quels sont les dangers de ces microplastiques pour la santé ?
On n’en sait rien. On peut penser a priori que les petites particules pourraient franchir la barrière intestinale, sans que l’on n’en connaisse les conséquences, et éventuellement provoquer des perturbations au niveau du microbiome. Quant aux dangers éventuels pour la santé, tout dépend de la taille et de la nature chimique de ces particules, car tous les plastiques n’ont pas la même nocivité. Mais on n’a pratiquement pas d’informations quant à l’impact précis chez l’homme de ces substances. Cela dit, ces microplastiques devraient être moins nocifs que les nitrates ou les dérivés de chloration que l’on retrouve dans l’eau et qui ont des propriétés toxiques bien démontrées.
3 Quelles sont dès lors les eaux les plus sûres à consommer ?
Il faut faire une distinction en fonction de l’origine de l’eau. Les eaux minérales souterraines sont probablement beaucoup moins touchées par ce phénomène global de pollution que les eaux de surface. De même pour l’eau du robinet, il n’est pas impossible que l’eau captée en surface, par exemple dans la Meuse, contienne aussi des nanoparticules de plastique. Il n’est donc pas certain que les eaux du robinet soient exemptes de ces particules, même si chez nous elles sont généralement de bonne qualité. En Belgique, pas mal d’eaux du robinet sont d’origine souterraine.