L'effet selfie : la bonne affaire (ou pas) pour les chirurgiens plasticiens
- Publié le 09-03-2018 à 16h17
- Mis à jour le 09-03-2018 à 16h19
Décidément, l'usage intempestif, voire abusif du smartphone fait bien l'affaire des médecins. Il y avait, dans un premier temps, les pouces tordus, déformés à force de pianoter sur les touches. Sont ensuite apparues les "text neck", ces nouvelles rides qui se forment au niveau du cou à force d'avoir la tête penchée vers l'écran à longueur de journée. Sans compter les problèmes de vue et d'ouïe, voilà à présent que les chirurgiens plasticiens mettent en garde contre l'augmentation, certes légère, mais bien réelle paraît-il, de demandes de rhinoplasties, à savoir des interventions de correction du nez.
Non pas que, jusqu'à nouvel ordre, l'usage immodéré du smartphone fasse grossir ou allonger le nez, mais plutôt que les selfies donnent à leurs auteurs l'impression d'avoir un nez plus disgracieux qu'il n'est en réalité. D'où une demande croissante de jeunes gens le plus souvent, débarquant à la consultation du chirurgien plasticien et faisant défiler sur le smartphone leurs multiples autoportraits, prouvant l'imperfection qui justifierait une opération de ce type. Car il est essentiel de paraître sous ses plus beaux jours sur les réseaux sociaux...
Une étude pour prouver que le selfie déforme le visage
Loin d'être une information saugrenue, cette observation a fait l'objet d'une étude, qui vient de paraître dans la très sérieuse revue JAMA Facial Plastic Surgery. Pour prouver que les selfies déforment notre visage et ne sont donc pas le reflet fidèle de la réalité, ou du moins pour déterminer à quelle distance l'appareil photo déforme le visage, deux chercheurs américains, Boris Paskhover (Université de Rutgers au New Jersey) et Ohad Fried, ont en effet développé un modèle mathématique permettant de quantifier les déformations engendrées par ces "égo portraits". Pour ce faire, les scientifiques ont d’abord réalisé des mesures sur des visages d’individus de différentes ethnies. Ils se sont notamment intéressés à la distance entre les pommettes ainsi qu’à la largeur de la base et du bout du nez. Grâce à ces mesures, ils ont obtenu les caractéristiques moyennes d’un visage masculin et d’un visage féminin.
A partir de ces mesures, ils ont ensuite construit un modèle mathématique permettant de calculer les éventuelles déformations subies par le nez de ces visages "moyens" lors de photographies prises de face et à des distances différentes. Afin de s’assurer que l’échelle soit toujours la même, les chercheurs ont maintenu constante la valeur représentant la distance entre les pommettes dans leur modèle. Ainsi, pour chaque position de la caméra, la largeur perçue du nez était calculée et pouvait ensuite être comparée à sa vraie valeur.
La base du nez plus large de 30 % sur un selfie
Suivant ce modèle mathématique quelque peu complexe - comprenne qui pourra -, ils ont obtenu d'intéressants résultats. En calculant la distorsion des traits faciaux à différentes distances et angles de caméra, ils ont observé ceci : lorsque la caméra est située à 1,50 m, soit la distance usuelle, classique et idéale pour les portraits, aucune déformation n’a été constatée. L'image reflète bien la réalité. En revanche, quand on positionne la caméra à 30 cm, ce qui est plus ou moins le cas généralement pour un selfie, les chercheurs ont constaté que la base du nez paraissait plus large respectivement de 29 % chez la femme et 30 % chez l'homme par rapport au reste du visage. Le bout du nez était lui aussi perçu plus large, de 7 % sur les deux visages. Preuve qu'il existe donc bien un "effet selfie", simplement dû au fait que le visage est trop proche de la lentille de la caméra.
Avait-on vraiment besoin de développer ce modèle mathématique pour se rendre compte qu'un gros plan risque bien souvent de déformer l'image, principe de base de la photographie? Sans doute pas.
Quoi qu'il en soit, "des formules similaires peuvent également être créées pour d'autres traits du visage, a déclaré Paskhover. Les hommes qui veulent accentuer un menton plus fort ou une mâchoire ciselée, par exemple, pourraient positionner la caméra plus près. De même, les femmes qui veulent souligner leurs yeux ou désaccentuer leur menton ou leur front, par exemple, doivent incliner l'appareil photo pour s'adapter à la distorsion. Certaines personnes offrent des conseils et des astuces sur ces types d'angles, simplement en prenant des milliers de photos. Maintenant, il y a un modèle qui peut l'expliquer".
Par ailleurs, certains appareils permettent de corriger ces déformations.
Reste qu'un sondage mené aux Etats-Unis en 2017 par l'American Academy of Facial Plastic and Reconstructive Surgeons révélait que 55% des chirurgiens recevaient des patients suppliant de les aider à améliorer leur apparence sur les selfies, soit 13% de plus qu’en 2016.