Répliques à "Et si le PTB arrivait au pouvoir en 2019 ?"

Contribution externe
Répliques à "Et si le PTB arrivait au pouvoir en 2019 ?"
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Une opinion de Gérard Van Roye, ingénieur civil (ULB), MBA à Columbia et master en philosophie.

Pointer la naïveté des programmes d’extrême gauche, ou manier la peur ne sont pas des politiques. Ce ne sont que des slogans. Mais que font les partis dits traditionnels pour diminuer les inégalités ?

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le "récit de politique fiction" de Corentin de Salle et Mikaël Petitjean dans la page débats de La Libre datée du 8 novembre 2018. On y trouve le récit de ce qui nous attend le jour où le PTB arrivera au pouvoir en Wallonie et à Bruxelles : augmentation des taxes pour couvrir des programmes massifs de dépenses sociales, réduction du temps de travail, augmentation du revenu minimum, pour terminer par une collectivisation massive de l’économie, avec pour conséquences la désertification industrielle de nos deux régions, l’indépendance de la Flandre, le déménagement des institutions européennes à Strasbourg, etc.

À qui s’adresse votre message ?

La première question que l’on est en droit de se poser est : à qui s’adresse ce message ? Je serais prêt à parier qu’il y a beaucoup plus de sympathisants de partis du centre ou de centre-droit que d’électeurs du PTB parmi les lecteurs de La Libre - ce qui est en soi regrettable -, et que parmi ces lecteurs, bien peu seraient tentés par des promesses à la Hugo Chavez. On peut dès lors se demander si le maniement d’un tel discours n’a pas finalement d’autre objectif que d’instiller la peur d’une certaine gauche, en forçant le trait, comme le font avec un succès grandissant bon nombre de leaders populistes de droite dans le monde.

Échec des partis traditionnels

Quant au contenu du message, la conclusion des deux auteurs est que "le PTB au pouvoir, c’est l’explosion de notre modèle social, la destruction de la classe moyenne, l’appauvrissement des pauvres et le cataclysme social assuré". Si l’on prend comme exemple le cas du Venezuela, on ne peut leur donner tort, et le but ici n’est pas d’argumenter ou de prendre position sur la faisabilité d’un tel programme. Cependant ne sommes-nous pas d’ores et déjà, dans nos démocraties occidentales, dans une période caractérisée par l’appauvrissement progressif et des pauvres et de la classe moyenne, au profit d’une oligarchie financière qui concentre de plus en plus de richesses ? Ce phénomène très largement documenté et commenté se déroule dans notre monde occidental qui n’est pas précisément dirigé par une majorité de Chavez et de Maduro, mais par des partis libéraux, sociaux ou chrétiens-démocrates au pouvoir depuis de nombreuses années. C’est parce que les partis traditionnels ne semblent plus en mesure aujourd’hui de promouvoir une plus grande justice sociale que se multiplient les partis qui prônent des mesures simplistes dont nous savons tous qu’elles ne peuvent fonctionner dans le monde complexe qui est le nôtre.

S’il est clair que beaucoup de citoyens ne souhaitent pas expérimenter les recettes de l’extrême gauche, il doit exister dans le public un large consensus sur la nécessité de sauvegarder et d’améliorer le modèle de société que nous connaissons en Europe.

On ajoutera que depuis quelques années de nombreux rapports, en commençant par ceux du Giec, insistent sur la réduction des inégalités comme condition indispensable à la mise en place des mesures nécessaires à la préservation de notre environnement.

Conserver notre modèle social

Chantal Mouffe nous rappelle que "la politique a toujours une dimension ‘partisane’ et, pour que les gens puissent s’y intéresser, il faut qu’ils aient la possibilité de choisir entre des partis qui présentent de vraies alternatives"(1). L’extrême gauche est une alternative qui sourit à certains. D’autres citoyens sont, il faut l’espérer, avides de connaître ce que peuvent nous proposer les partis situés au centre ou plus à droite sur l’échelle de l’échiquier politique pour conserver le modèle social que nous avons eu la chance de connaître depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en particulier dans les domaines clés que sont la justice, l’enseignement, le logement et la fiscalité, qui ne cessent de se dégrader.

Les partis d’extrême gauche ont peut-être une leçon à nous donner : leur exemple montre que ce qu’attend le citoyen, et ce qui semble fonctionner électoralement, ce sont les solutions "en rupture" avec la politique actuelle. Pour se faire réélire, il ne suffit plus de montrer combien on a été de bons gestionnaires de la chose publique, il faut oser dire que les choses peuvent dorénavant se faire différemment, sans oublier que la politique est l’art du possible… Même si on fait partie d’un parti dit traditionnel. Pointer la naïveté des programmes d’extrême gauche, ou manier la peur ne sont pas des politiques. Ce ne sont que des slogans.

(1) L’Illusion du consensus, Albin Michel 2016, page 47

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