À cause de leur manque de clarté sur le Brexit, les travaillistes britanniques ont du mal à se faire entendre
- Publié le 25-03-2019 à 20h55
- Mis à jour le 26-03-2019 à 18h35
Theresa May n’organisera pas de nouveau vote sur l’accord de Brexit mardi ni mercredi. "En l’état, il n’existe pas assez de soutien pour proposer de nouveau l’accord de Brexit au vote des députés", a admis lundi après-midi la Première ministre. Elle demeure néanmoins déterminée à négocier pour organiser un vote cette semaine. Pourtant, elle a indigné les députés des Communes en indiquant que, s’ils organisaient des votes indicatifs sur les différentes options ouvertes à eux pour déterminer la voie à suivre, elle ne suivra pas leurs recommandations si "leur résultat n’est pas négociable avec l’Union européenne". Theresa May écarte un "no deal", dont les Communes ne veulent pas ; un rejet du Brexit ; le maintien dans une union douanière ou un report à plus long terme de la date du Brexit - par exemple pour organiser un second référendum - qui obligerait à organiser des élections européennes.
Ce dimanche, la lutte interne au parti conservateur a occupé la une de la plupart des médias nationaux. L’opposition travailliste pourrait-elle en profiter ? Ce n’est pas certain. Depuis le résultat du référendum, le Labour est lui aussi divisé et il cherche à ménager tous les électeurs : les partisans d’un Brexit et les partisans d’un second référendum. Ainsi, son chef Jeremy Corbyn a émis la semaine dernière la possibilité que l’accord de Brexit, quel qu’il soit, soit entériné par un vote populaire, mais il ne s’est pas rendu à la gigantesque marche organisée samedi à Londres en faveur de l’organisation d’un second référendum. Une absence largement remarquée alors que son adjoint Tom Watson s’engageait entièrement pour cette cause.
Les calculs de Corbyn
Foncièrement eurosceptique, Jeremy Corbyn avait été poussé par ses collègues à faire campagne pour rester dans l’UE avant le référendum, avant d’être forcé de soutenir le maintien dans l’union douanière une fois le résultat connu. Résolu à ne pas lâcher totalement prise, il maintient depuis des mois que la priorité des siens est d’obtenir l’organisation d’une élection générale anticipée afin de prendre le pouvoir. Au cas où cela se révélerait impossible, il vise "un accord avec l’Europe qui garantisse notre relation commerciale future et protège les emplois et les industries dans ce pays".
Cette position n’est pas qu’idéologique, contrairement à celle de ses collègues favorables à un second référendum, elle est également pragmatique. Le Labour pourrait gagner des millions de voix en soutenant le référendum, mais "l’impact se fera surtout sentir dans les grandes villes, où le parti dispose déjà de pratiquement tous les sièges de députés, et il n’enregistrerait donc quasiment aucun gain au Parlement", rappelle le professeur de politique européenne à l’université King’s College London Anand Menon. "En revanche, il perdrait des circonscriptions ayant voté en faveur du Brexit en 2016 et où il ne dispose actuellement que d’une infime minorité, même si nos derniers sondages montrent une progression réduite mais uniforme de l’opinion en faveur du maintien dans l’UE."
Pour cela, encore faudrait-il que le message du Labour soit compris. En effet, il semble que l’ambivalence de sa position a abouti au résultat inverse de ce qui était escompté. Il était évident que les participants de la marche de samedi enrageaient contre Jeremy Corbyn. À leurs yeux, le Labour est presque aussi responsable du Brexit que les conservateurs. Au mieux, ils ne voteront donc pour ses candidats que faute d’alternative crédible. À l’inverse, les Brexiters perçoivent les travaillistes comme des "non-démocrates" désireux de renverser le résultat du vote initial, un message largement colporté par Theresa May. Le Labour semble donc bien parti pour perdre sur les deux tableaux.