Edito sur la rémunération des grands patrons : L’argent fou rend fou
- Publié le 20-11-2018 à 06h42
- Mis à jour le 20-11-2018 à 06h43
Un édito de Francis Van de Woestyne
Dans les entreprises, il faut rémunérer à leur juste valeur les patrons les plus éclairés, les CEO les plus audacieux, les cadres les plus entreprenants, les informaticiens les plus doués, les DRH les plus humains. C’est la conjonction de leurs talents qui rend les entreprises performantes, qui permet de développer des projets innovants et d’offrir du travail à des conditions optimales. Les entreprises sont le poumon de notre économie.
Tout travail mérite salaire. Mais les montants astronomiques que perçoivent quelques grands patrons sont totalement déraisonnables. Tout comme ceux, encore plus faramineux, attribués aux hommes dont le métier est de pousser un ballon du pied.
Carlos Ghosn fait - faisait ? - partie de ces patrons à l’incontestable talent, à l’autorité mondialement reconnue. C’est lui qui présida, en 1999, à l’union entre Renault et Nissan, associée plus tard à Mitsubishi. Grâce à lui, ce groupe est devenu le numéro 1 mondial de l’automobile, une société très rentable au chiffre d’affaires annuel de près de 100 milliards d’euros. Au Japon, Carlos Ghosn fait l’objet d’une véritable vénération. Il a transformé son entreprise en une success story. C’est fini : il a été arrêté à Tokyo, soupçonné d’avoir dissimulé des revenus au fisc et d’avoir utilisé des biens de l’entreprise à des fins personnelles. Il bénéficie évidemment de la présomption d’innocence. Mais on peut difficilement imaginer que la justice japonaise ait agi à la légère. Dans tous les cas de figure, les soupçons renforcent ce sentiment : l’argent fou rend fou. Pourquoi un homme qui gagne plus d’un million d’euros par mois éprouve-t-il encore le besoin de dissimuler une partie de ses gains ?
Il faut évidemment encourager ceux qui entreprennent, se réjouir de leur réussite. Mais aussi veiller à ce que l’argent ne soit pas une valeur en soi mais un moyen, celui de profiter d’une vie confortable et de partager, d’exercer la solidarité avec les moins nantis. C’est en cela que la fraude avérée est antisociale et scandaleuse, car elle contraint les États à taxer, plus que de raison, les revenus "normaux".