Les effets nocifs des nuisances sonores sur la santé
- Publié le 10-10-2018 à 22h34
- Mis à jour le 15-10-2018 à 11h56
L’Organisation mondiale de la santé a publié ses nouvelles recommandations en matière de bruit. Les nuisances sonores ont un réel impact sur la santé. Les niveaux sonores produits par le trafic aérien doivent être réduits à moins de 45 décibels (dB), car un niveau supérieur à cette valeur est associé à des effets néfastes sur la santé, estime le bureau européen de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans ses nouvelles lignes directrices relatives au bruit dans l’environnement. Le trafic routier, la circulation des trains ou encore les éoliennes sont aussi considérés comme des risques pour la santé, selon l’OMS.
"Fortes" ou "conditionnelles"
En Belgique, la problématique ne manque pas d’alimenter les débats, qu’on parle du survol de Bruxelles ou de l’enquête publique actuellement en cours dans 209 communes wallonnes dans le cadre d’un plan de lutte contre le bruit routier. En Région bruxelloise, le bruit moyen des avions ne peut dépasser 55 à 65 dB en fonction des zones déterminées. Pendant la nuit, ces valeurs vont de 45 à 55 dB. L’OMS préconise désormais "fortement" de maintenir le niveau sonore produit par le trafic aérien en dessous de 54 dB en journée et de 44 dB la nuit, selon les "Directives relatives au bruit dans l’environnement" publiées mercredi. L’organisation recommande également de réduire les niveaux sonores du trafic routier à moins de 53 décibels de jour. L’exposition nocturne ne devrait pas dépasser les 45 dB. Ces deux recommandations dites "fortes" s’accompagnent de recommandations "conditionnelles" concernant les éoliennes et les loisirs, car les données scientifiques les concernant sont moins tranchées. L’OMS conseille de garder l’exposition au bruit des éoliennes en dessous des 45 dB, tandis que la moyenne annuelle résultant de toutes les sources de bruit liées aux loisirs (concert en plein air...) devrait être maintenue sous les 70 dB. En Wallonie et à Bruxelles, les limites pour les concerts sont de 85 dB.
Les dernières recommandations de l’OMS mettent à jour une précédente version datant de 2009. Les éoliennes et les loisirs n’y étaient à l’époque pas repris. Les lignes directrices ont été pensées pour l’Europe, mais sont applicables au reste du monde, indique l’OMS.
Trafic routier le plus impactant
En Wallonie, environ 740 000 personnes sont concernées par le bruit le long des grands axes routiers. Sur ces axes, plus de 500 000 personnes sont exposées à des niveaux moyens ou supérieurs à 55 dB. Ce qui, selon la science, est susceptible de causer une gêne dans le quotidien de 20 % de la population exposée. Pour le rail, près de 61 000 habitants sont exposés le long de ces voies à des niveaux sonores supérieurs à 55 dB. Mais 49 000 de ceux-ci sont exposés, la nuit, à un niveau sonore supérieur à 50 dB.
À Bruxelles, potentiellement près de 43 % des habitants sont susceptibles de ressentir une gêne auditive importante (+ de 55 dB), en raison du bruit routier. Mais moins d’un Bruxellois sur dix ressentirait cette gêne en raison des nuisances sonores aériennes (7 %) ou ferroviaire (4 %). De manière générale, les normes de bruit prônées par l’OMS sont plus basses que celles d’application en Wallonie et à Bruxelles (voir infographie). Cela signifie-t-il que celles-ci devront être revues ? Du côté wallon, on "prend connaissance" de ce texte de 100 pages. Du côté du cabinet de la ministre bruxelloise de l’Environnement Céline Frémault, on indique que les directives sont actuellement étudiées par l’administration de Bruxelles-Environnement, et qu’elles pourraient être englobées dans le nouveau plan bruit qui sera à l’enquête publique lundi. À terme, il pourrait amener à des modifications des normes de bruit. "Ces directives de l’OMS nous confortent en tout cas dans l’idée qu’il faut continuer à agir et légiférer sur le bruit."
Le bruit contribue aussi aux maladies cardiovasculaires
"Plus qu’une nuisance, le bruit excessif est un risque pour la santé, a déclaré la directrice régionale de l’OMS pour l’Europe, Zsuzsanna Jakab. Il contribue notamment aux maladies cardiovasculaires." Et ce n’est pas tout. Comme le rappelle le rapport de l’OMS, le bruit a des conséquences sur le sommeil, peut provoquer des troubles cognitifs, une déficience auditive et des acouphènes, voire provoquer des complications lors de la grossesse…
Qu’en est-il au juste des effets biologiques du bruit et de leur plausibilité ? C’est la question à laquelle tend à répondre un document préparé dans le cadre de l’élaboration des directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le bruit dans l’environnement pour la Région européenne, coordonnées par le Centre européen de l’environnement et de la santé de l’OMS.
D’après les auteurs de cette étude, le bruit ambiant peut induire des effets cardiovasculaires et métaboliques aigus à la fois directement, via des connexions sous le cortex cérébral, et indirectement, par des projections via le cortex auditif.
Les principaux effets ne sont pas anodins puisqu’ils comprennent la sécrétion d’hormones de stress et l’élévation de la pression artérielle provoquée par une vasoconstriction. Et quand on apprend que ces effets se produisent même pendant le sommeil, on en mesure d’autant plus l’importance.
Si les études sur les effets biologiques aigus du bruit chez les enfants sont rares, ils semblent a priori limités, note l’étude.
Perte de sommeil
"Bien que les mécanismes sous-jacents aux effets chroniques du bruit sur les systèmes cardiovasculaire et métabolique ne soient pas entièrement compris, il existe plusieurs causes plausibles, peut-on lire dans ce rapport. Une stimulation répétée du système nerveux sympathique et des anomalies hormonales consécutives à une suractivation prolongée de l’axe HPA (hypothalamo-hypophyso-surrénalien) (ou axe du stress, NdlR) jouent probablement un rôle important."
Quant aux conséquences à long terme, on évoque la perte de sommeil provoquée par le bruit, comme facteur important.
Rares sont malheureusement les études sur les effets prolongés de l’exposition au bruit pendant l’enfance, plus tard dans la vie.
De même, peu d’études - de surcroît aux résultats incohérents - ont analysé la modification potentielle par la nuisance sonore de l’association entre l’exposition au bruit dans l’environnement et les conséquences cardiovasculaires.
Les spécialistes font en outre remarquer que "l es nuisances sonores peuvent déclencher des stratégies d’adaptation protectrices réduisant l’exposition au bruit réelle et contrecarrant ainsi les effets aggravants des nuisances sonores sur la santé cardiovasculaire".
L’affirmation selon laquelle les individus sensibles au bruit sont plus susceptibles de développer des maladies cardiovasculaires induites par le bruit ne fait cependant pas l’unanimité.
"Les preuves expérimentales d’une réactivité physiologique plus élevée chez les individus sensibles au bruit à la suite d’une exposition aiguë ne sont pas concluantes et les quelques analyses disponibles de données épidémiologiques sur les effets chroniques d’une exposition à long terme ne permettent pas de conclure à un effet modificateur de la sensibilité au bruit", conclut l’étude.