A Cannes, "Une vie cachée" marque le grand retour de Terrence Malick
- Publié le 19-05-2019 à 21h22
- Mis à jour le 21-05-2019 à 09h52
Bonne nouvelle pour les admirateurs de Terrence Malick qui avaient progressivement perdu le contact à la suite de "To the Wonder", "Knight of Cups" et "Song to Song". "Une vie cachée" marque le grand retour du cinéaste des "Moissons du ciel" et de "La ligne rouge". Un retour à la narration aussi.
Soit un village de Tyrol autrichien à la "Mélodie du bonheur" mais d’une beauté tellurique sous la caméra de Malick. Franz y vit avec sa femme et ses filles. Hitler a déclaré la guerre. Franz est mobilisé, il suit une courte formation avant de revenir à la maison. Il revient surtout avec la conviction que cette guerre est l’œuvre du mal, que Hitler est l’antéchrist.
D’ailleurs, le mal opère sur ce village qui n’entend pas le bruit des combats mais a contracté une soudaine fièvre raciste. Franz est mis au ban de la communauté et ne trouve pas de soutien du côté de l’Église qui lui oppose les idées de patriotisme et de soumission.
Quand il est appelé pour rejoindre l’armée, il assume. Il ne prend pas le maquis mais refuse l’allégeance à Hitler exigée de tout soldat autrichien. Il est emprisonné et on s’emploie à le faire changer d’avis. D’abord par la brutalité et la violence, sans résultat. Ensuite par la raison : son action ne sert à rien puisque personne n’est au courant. S’il refuse de porter les armes, il peut servir comme infirmier. Mais Franz refuse signer allégeance au nazisme.
Jusqu’au noyau dur de la conscience
De cette histoire inspirée de faits réels, Malick tire un film à des années-lumière de ceux que réaliseraient ses collègues. Il s’agit moins de regarder un long métrage (3 heures) que de vivre une expérience, de se laisser glisser, ou plutôt immerger dans un autre temps, un autre rythme, un autre rapport à l’image. On connaît bien son procédé qui consiste à ne pas faire correspondre l’image et ses omniprésentes voix off. Cette figure de son style s’avère ici particulièrement appropriée dans la mesure où il s’agit d’un voyage intérieur jusqu’au noyau dur de la conscience de Franz — August Diehl formidable de sobriété —, là où se télescopent son idéal pacifiste et son amour pour sa femme.
Avec une puissance formelle mémorable, le réalisateur fait vibrer cette conviction qu’une action inconnue, comme cette radicalité morale ou la vie d’un ermite, peut avoir un effet en profondeur sur la société