Les leaders européens veulent (re)prendre la main sur la conduite de l'Union
- Publié le 20-10-2017 à 10h17
- Mis à jour le 20-10-2017 à 10h54
Les leaders européens, réunis ce jeudi et vendredi, dont se pencher sur l'avenir de l'Union après le Brexit. Le président du Conseil européen a fixé un agenda copieux et concret.
Après le speech sur l’état de l’Union européenne du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, après le discours de la Sorbonne du Français Emmanuel Macron, voici la méthode Donald Tusk. Suite au sommet européen informel de Tallinn, le président du Conseil européen s’est lancé dans deux semaines de consultations avec les capitales de l’Union pour sonder leur état d’esprit quant au débat sur l’avenir de l’Union. Ces discussions ont nourri la contribution du Polonais au débat sur l’avenir de l’Union, intitulée "l’agenda des leaders". Les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept en discuteront, ce vendredi matin. "Le ton est différent. On n’y trouve pas le lyrisme de Macron avec des références à Mona Lisa et au profil des temples grecs; ni les détails du discours de Juncker", ironise un diplomate d’un Etat membre, "mais Tusk est dans son rôle".
1. L’Union européenne doit se concentrer sur le concret
Les visions sur l’avenir de l’UE, c’est bien, mais ce qui compte, aux yeux du président Tusk, c’est que l’Europe réponde aux problèmes concrets des citoyens. "Nous devons nous garder de ne pas nous enliser dans de vains débats théoriques ou institutionnels", a écrit le Polonais aux leaders européens. "L’objectif clé de l’agenda des leaders est de bâtir sur base des progrès accomplis depuis la feuille de route de Bratislava, puis la Déclaration de Rome", commente une source européenne de haut rang, mais "il y a de la place pour les nouvelles idées mises sur la table cette dernière semaine", par M. Macron, par exemple.
2. Davantage de sommets et de leadership des dirigeants européens
Donald Tusk veut que le Conseil européen soit le lieu de débats politiques, qu’il accouche de décisions politiques et puisse débloquer des dossiers coincés à l’étage du Conseil des ministres de l’UE. "Les chefs ont la légitimité pour le faire. Ils ont tous été élus démocratiquement dans leur pays", insiste le diplomate national. Qui rappelle par ailleurs qu’au début des années 2010, au plus fort de la crise de l’euro, c’est le Conseil européen qui a fait office de moteur : "il avait même fait quelque chose d’illégal (au regard des traités) en contournant la clause de non renflouement d’un Etat membre", en élaborant des plans de sauvetage et des fonds de secours de la zone euro. Non sans ajouter que "le Conseil européen ne va pas remettre en cause les décisions adoptées au Conseil des ministres. Il n’est pas question qu’il devienne une instance d’appel. Et si une décision est prise au Conseil européen, il faut de toute façon qu’elle repasse par la moulinette législative".
Un des risques de l’exercice est le retour de la méthode intergouvernementale, en vogue à l’ère Merkozy. Aussi les pays du Benelux insisteront-ils sur le respect de la méthode communautaire, qui garantit l’intérêt commun et le fait que les plus petits Etats membres ne soient pas tenus pour quantité négligeable par les grands.
Selon l’agenda élaboré par M. Tusk, les leaders européens ne vont plus se quitter : il a programmé treize sommets(il y a un minimum de quatre sommets "formels" par an) d’ici mai 2019, dont certains consacrés à des thématiques précises. M. Juncker avait plaidé pour que le dernier précédant les élections européennes se tienne à Sibiu, en Roumanie, le 30 mars, au lendemain du Brexit. M. Tusk a préféré la date du 9 mai, jour de la fête de l’Europe.
Pour être concret, il faut être efficace, souligne le président Tusk. Il veut baser les discussions de chaque sommet sur des "notes décisionnelles" qui établiront "les points de désaccord" et "l’étendue des divergences" entre capitales, afin d’avoir un débat politique. "Si nous voulons avancer, même les sujets les plus conflictuels doivent être mis sur la table du Conseil européen", justifie le diplomate européen. Selon le président Tusk, les tensions intra-européennes sont suffisamments apaisées pour que les leaders puissent se dire les choses en face. Le Premier ministre belge Charles Michel acquiesce : "La franchise, le parler vrai est la condition pour la confiance, et la confiance est une condition pour avancer ensemble".
M. Tusk veut aussi assurer le suivi des travaux. Le leader du pays qui occupe la présidence du Conseil sera chargé, à chaque sommet, de dresser l’état d’avancement de l’agenda de Bratislava (migration, sécurité intérieure, défense, développement économique et social).
3. L’unité reste l’objectif, pas nécessairement le consensus
Donald Tusk vise à garder tout le monde à bord, sur tous les sujets… autant que possible. "Certains disent que l’unité ne doit pas être un prétexte à l’immobilisme, mais nous devons également dire que l’ambition ne doit pas être une excuse pour les divisions", souligne la source européenne. Le président du Conseil européen n’a de cesse d’insister sur l’unité des Vingt-sept, mais a aussi entendu les appels de certains Etats membres, dont la Belgique, pour une Europe à plusieurs vitesses.
Parce que le débat politique au plus haut niveau pour régler les désaccords, "ça ne marchera pas à tous les coups", prévient un diplomate. La "méthode Tusk" prévoit donc qu’en cas d’impasse, "la seule solution pour avancer réside dans une coopération renforcée entre les pays qui la souhaitent". Autrement dit : le consensus à Vingt-sept reste l’option privilégiée, mais il n’est plus indispensable.