"The House That Jack Built", portrait d'un psychopathe ? Ou autoportrait de Lars von Trier en psychopathe ?

"The House That Jack Built", portrait d'un psychopathe ? Ou autoportrait de Lars von Trier en psychopathe ?

Alors que Verge lui fait visiter l’enfer, Jack, un serial killer, lui raconte cinq de ses œuvres. Pour tuer le temps le temps, en somme.

Tuer c’est ce Jack fait pour vivre, il est psychopathe. Comment ça fonctionne un psychopathe puisqu’il ne réagit pas à l’émotion ? On s’imagine que certaines circonstances sont nécessaires pour activer sa pulsion de mort alors qu’il raconte un premier "incident". Cette automobiliste en rade avec son pneu crevé est si envahissante, si blessante, si jacassante que Jack ne trouve pas d’autre moyen pour la faire taire que de lui défoncer la figure avec son cric.

Mais, on comprend dès le deuxième "incident" que Jack est un tueur froid, que son passage à l’acte répond à deux autres moteurs.

Le premier, il l’explique en détail au moyen de la métaphore du lampadaire. Lorsqu’il tue, c’est un peu comme s’il était, la nuit, pile sous un lampadaire, son corps ne produisant aucune ombre. Puis il se met à marcher, l’ombre devant lui est celle du plaisir, derrière lui, celle de la douleur. Au début, le plaisir augmente mais plus il s’approche du lampadaire suivant, plus la douleur s’accroît et pour la faire disparaître, il doit tuer à nouveau. Jusque-là, la théorie du lampadaire etait celle développée par Douglas Sirk dans Le Secret magnifique et il se chargeait de diffuser la bonté.

Le deuxième moteur est son ambition artistique. Jack photographie les cadavres qu’il met en scène, sur les lieux du crime ou dans la chambre froide où il les conserve. Quand on vous disait ce qu’est un tueur froid. Il a d’ailleurs un nom d’artiste : Mr Sophistication. Et il fait parvenir ses "œuvres" à un journal. Un besoin de reconnaissance.

Le dernier film de Lars von Trier est long de 155 minutes dont certaines sont insupportables. Quand il s’amuse à jouer au pique-nique avec des enfants massacrés, on se dit qu’il est bien malade, qu’il faut être psychopathe pour imposer de tels moments au spectateur.

Von Trier aussi revendique un moteur artistique et connecte ses scènes de crimes avec une débauche de références artistiques, des vitraux gothiques à la Bill Viola en passant et repassant par William Blake, côté peinture.

Dès lors, ce portrait du psychopathe devient un autoportrait du cinéaste. The house… est le portrait d’un psychopathe par un psychopathe. Inutile de le préciser, ce n’est pas très agréable. C’est d’autant plus malsain, que Lars von Trier est un metteur en scène d’exception. On n’oubliera pas cette femme qui hurle à l’aide dans son immeuble dont le silence est assourdissant, ni cette maison que Jack construit.

Il ne faut pas se laisser prendre à son jeu, à son plaisir de tout salir. De faire un démon de Bruno Ganz, lui, le plus inoubliable des anges des Ailes du désir. Ou d’instrumentaliser Glenn Gould à son délire infernal. Car si on veut voir un vrai film sur l’enfer, on regarde Casino de Scorsese.

Réalisation : Lars von Trier. Scénario : Lars von Trier sur une idée de Jenle Hallund. Avec Matt Dillon, Bruno Ganz, Uma Thurman… 2h35.

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