Pourquoi la pression est encore plus forte aujourd'hui pour Theresa May
- Publié le 23-04-2019 à 12h07
- Mis à jour le 24-04-2019 à 10h54
L’assassinat en Irlande du Nord d’une journaliste a secoué le pays et souligné la fragilité du processus de paix.Le jour du vingt et unième anniversaire des accords de paix entre l’Irlande et le Royaume-Uni, dits du Vendredi saint, une journaliste a été tuée par balle lors d’émeutes dans la ville de Derry, en Irlande du Nord. La police était entrée quelques heures plus tôt dans un bastion républicain, à la recherche d’armes et d’explosifs. Les milices locales s’étaient rapidement organisées, les repoussant notamment à l’aide de cocktails Molotov. Alors qu’elle était protégée derrière un camion de police, Lyra McKee, 29 ans, a été touchée par le tir d’un homme cagoulé, comme l’a montré un film diffusé par les autorités.
La Nouvelle IRA, une organisation apparue vers 2012 à la suite du rapprochement de plusieurs factions républicaines opposées au processus de paix, s’est déclarée responsable de ce décès "accidentel". Ses actions ont principalement lieu autour de la ville de Derry, officiellement nommée London-Derry par les Britanniques. Elles ont pris de l’ampleur depuis le début de l’année. L’organisation a revendiqué l’explosion d’une voiture piégée à Derry en janvier avant d’envoyer en mars cinq courriers piégés à des institutions britanniques.
Si la Première ministre britannique Theresa May a qualifié cette mort de "choquante et insensée", l’incertitude autour du Brexit, qu’elle prolonge depuis cinq mois par son refus du moindre compromis, explique en grande partie l’instabilité actuelle de l’Irlande du Nord. En janvier 2017, les deux principaux partis de la région, le Parti démocratique unioniste (DUP) et le Sinn Fein, ont rompu leur accord de codirection. Concentrés sur la gestion du Brexit et désireux de ne pas perturber leur alliance parlementaire avec le DUP, les conservateurs ont laissé pourrir la situation. L’Irlande du Nord n’a donc officiellement plus de gouvernement et de Parlement depuis plus de deux ans. Un terreau fertile pour la mouvance extrémiste.
Même si tous les partis d’Irlande du Nord ont dénoncé cet assassinat dans un communiqué commun, un geste exceptionnel, celui-ci confirme la fragilité de la paix en Irlande du Nord. "L’Union européenne a sorti le conflit nord-irlandais de la politique locale en limitant le pouvoir des partis politiques locaux", explique Kevin Hanratty, le directeur du Human Rights Consortium, une alliance d’organisations engagées sur les questions des droits de l’homme, éditrice d’un rapport pointu et complet sur l’enjeu du Brexit dans la province. "L’UE a aussi établi un semblant de confiance entre les communautés républicaines et unionistes" en garantissant le respect des intérêts des uns et des autres.
Le parti conservateur dans les cordes
L’Irlande du Nord n’a jamais été une priorité pour la classe politique britannique, comme l’a réaffirmé le choix de la Première ministre britannique de ne pas se rendre à Derry après l’assassinat. Cette mort devrait néanmoins accroître la pression sur Theresa May pour qu’elle trouve rapidement une solution pour le Brexit. Surtout qu’un deuxième phénomène pousse son parti à trouver une issue imminente : l’irruption du Brexit Party, la nouvelle formation de Nigel Farage. Les deux derniers sondages donnent ce nouveau venu en tête de l’élection européenne du 23 mai. Crédité entre 23 % et 27 % d’intentions de vote, il devance d’une courte tête le parti travailliste (22 %) et très largement le parti conservateur (15 % et 17 %). L’Ukip récupère également entre 6 % et 7 % d’intentions de vote.
Un tel résultat marquerait un recul considérable du parti conservateur par rapport à l’élection européenne de 2014 : l’UKIP, alors dirigé par Nigel Farage, avait obtenu 26,6 % des votes, le Labour 24,4 % et les Tories 23,1 %. Les électeurs semblent le punir à la fois pour son soutien au Brexit et pour ne pas l’avoir concrétisé : seulement 16 % des "Remainers" et 14 % des "Leavers" se disent prêts à voter en sa faveur.
Grogne et défiance
Signal fort du marasme vécu par le parti, l’association du parti conservateur du comté du Derbyshire a dévoilé jeudi dernier qu’il ne participera pas à la campagne des élections européennes. "Que vous ayez voté pour sortir de l’UE ou pour y rester, la vaste majorité des gens reconnaissent qu’il y a une obligation démocratique de faire ce qui avait été promis et que le gouvernement ne devrait pas abandonner sa promesse", a fait savoir son président Barry Lewis. Une grogne qui pourrait en appeler d’autres.