Bourgmestre, le job le plus tendance de la politique? "Renoncer au mayorat, un déchirement total"
- Publié le 21-09-2018 à 06h34
- Mis à jour le 21-09-2018 à 20h32
Marie-Christine Marghem le confiait dans son interview de rentrée accordée à La Libre : si elle a l’opportunité de devenir bourgmestre de Tournai au soir du 14 octobre, elle n’hésitera pas : elle quittera le gouvernement fédéral.
Étonnant, alors que la fonction ministérielle représente pour beaucoup la plus belle des récompenses politiques. La libérale est loin d’être seule à privilégier une carrière locale. Willy Demeyer, pris dans la tourmente de l’affaire Publifin, avait renoncé à siéger à la Chambre afin de se concentrer sur sa reconduction à l’hôtel de ville de Liège. On aurait pu également citer le cas de Paul Magnette à Charleroi ou celui de Maxime Prévot à Namur.
Le pouvoir direct
Mais d’où vient cette passion pour la première des fonctions communales ? Il y a sans aucun doute des enjeux de pouvoir. Plutarque attribue à Jules César la phrase suivante : "Je préfère être le premier dans ce village que le deuxième à Rome." Autrement dit, il est préférable de détenir toutes les prérogatives sur un territoire étriqué plutôt que de subir les ordres d’un autre à l’échelle d’un empire. Il y a un peu de cela dans la séduction qu’exerce la fonction mayorale sur les gestionnaires de la chose publique. Avoir le dernier mot est devenu un luxe dans l’univers politique contemporain où tout est complexe. "Ce qui est chouette quand on est bourgmestre, c’est que l’on peut s’endormir un soir avec une idée en tête et pouvoir la mettre en œuvre dès le lendemain matin", explique Philippe Mettens (PS, à droite sur la photo), le bourgmestre de Flobecq (Hainaut). "J’ai une grande capacité d’action grâce à l’autonomie communale, j’ai la main sur les finances communales. Un parlementaire, qu’il soit dans la majorité ou dans l’opposition, a une capacité d’action nulle. Et un ministre est avant tout lié par l’accord de gouvernement initial et son exécution."
La majorité absolue ? "Le bonheur total"
Philippe Mettens espère être reconduit à la tête de la petite commune à facilités pour un quatrième mandat tout en maintenant la majorité absolue socialiste. "Être bourgmestre avec une majorité absolue, c’est le bonheur total. Oui, mais je ne l’ai pas volé. Les gens sont heureux aussi. Flobecq n’est pas une dictature pour autant… Les citoyens sont des amis et je règle leurs petits problèmes. J’interviens même comme conciliateur dans les couples… Vous ne pouvez pas imaginer !"
Cette prise directe avec les difficultés des citoyens passionne également Olivier Saint-Amand (Écolo, au centre de la photo), le bourgmestre d’Enghien. "Tous les jours, je fais le trajet à pied entre mon domicile et la maison communale et les gens m’arrêtent pour me parler de ce qu’ils vivent. On joue aussi un rôle d’assistant social. Je viens justement de parler à une grand-mère qui vit avec ses deux petits-fils et qui ne s’en sort pas. Quand vous êtes bourgmestre, le pouls de la commune bat tout près de vous. Je suis enseignant à la base et, comme bourgmestre, je vois aussi le rôle pédagogique que nous avons pour démystifier l’aspect nébuleux de la gestion politique. On peut regagner la confiance de la population ainsi, et contrer les dérives populistes et extrémistes. Les gens ne font pas la différence entre les niveaux de pouvoir."
"Je me demandais ce qu’il m’arrivait…"
Dernier témoignage : celui du libéral Philippe Dodrimont (à gauche sur la photo). Pendant 15 ans, il a dirigé la commune d’Aywaille, en région liégeoise. Mais il a dû faire un choix en raison des règles wallonnes sur le décumul des mandats. Et il a choisi… le parlement régional. Il pensait alors que ces dispositions seraient abrogées à terme. "Renoncer au mayorat a été pour moi un déchirement total. C’est clairement la fonction la plus attrayante en politique, la plus concrète. Les sollicitations sont très importantes, c’est vrai. À mes débuts en tant que bourgmestre, je me suis demandé ce qu’il m’arrivait… Mais on gère tout cela sans idéologie et au-delà de la particratie. Être bourgmestre, c’est gratifiant, c’est l’expérience de vie qui m’a le plus marqué."