Raoul Hedebouw: "Entrer dans une majorité communale est possible pour le PTB"
- Publié le 22-09-2018 à 07h23
- Mis à jour le 22-09-2018 à 09h03
Le PTB jouera gros lors des élections communales et provinciales du 14 octobre. Confirmera-t-il sa bonne tenue dans les sondages ? Le parti a-t-il déposé un nombre de listes suffisant ? Le porte-parole du parti, Raoul Hedebouw, ne ferme pas la porte au pouvoir. Du moins à l’échelon communal.
Vous présentez 16 listes aux communales en Wallonie. C’est en dessous de vos prévisions, non ?
Il y en a une quarantaine en Flandre et 12 à Bruxelles. En Wallonie, nous voulons percer dans les grandes villes. Nous sommes présents à Liège et Charleroi. Notre but est d’organiser une percée à Tournai, Huy, Namur…
On attendait entre 20 et 25 listes. Vous avez eu des soucis ?
Nous avons lancé des sections dans de nombreux endroits. Notre vision n’est pas de siéger dans tous les conseils. Pour créer des sections, il faut développer beaucoup d’énergies humaines. Nous avions posé des conditions minimales. Ce n’est pas un hasard si, en région liégeoise, nous sommes passés de trois à dix communes.
Quelles sont les communes où vous auriez pu déposer des listes ?
À Ans, à Waremme. Des gens étaient prêts. Pour encadrer les sections, il faut du personnel. Nous n’avons pas les moyens des grands partis. Il y a deux personnes qui gèrent l’ensemble des listes pour Liège.
Il a fallu décevoir des gens motivés ?
Oui. Mais même si des gens étaient déçus, ils ont compris notre stratégie. On veut des élus qui peuvent porter le mandat du parti pendant six ans. Chez nous, un conseiller communal doit remettre ses jetons de présence au parti. Il faut des gens qui l’acceptent.
Il fallait analyser les candidatures ?
Oui, les groupes de base discutent avec les gens pour voir s’ils sont d’accord avec les valeurs de base du parti. Il y a un travail de formation. Nous ne sommes pas un parti de chasseurs de mandats. Si nous n’instaurons pas un rapport de force au sein du conseil en étant présents en masse, nous n’arriverons à rien.
Qu’attendez-vous des élections ?
En matière de percée majeure, nos deux bastions que sont Liège et Charleroi vont être importants. Ensuite, il y a les communes où l’entrée en majorité est possible. Herstal par exemple. À Liège, Charleroi ou à Seraing, c’est impossible parce que le PS fricote avec le MR. Enfin, il y a tous ces conseils où nous ne sommes pas présents et où nous espérons entrer comme Flémalle, Saint-Nicolas ou Tournai.
Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi, disait dans La Libre qu’il ne fermait pas la porte au PTB mais qu’il craignait que vous veniez avec des propositions impayables.
Ce qui me frappe chez Magnette et d’autres PS, c’est qu’ils ont peur du débat de fond. Ils parlent uniquement de coalition. C’est pour cela qu’ils parviennent à se mettre d’accord. À Rochefort, PS et MR présentent une liste commune, allez… Pour revenir à Magnette, il est incapable de citer dix propositions du PTB. Nous nous battons pour le transport gratuit. Il est d’accord ou pas ?
Il dit que c’est impayable.
Pourquoi Dunkerque, une ville industriellement sinistrée de 200 000 habitants comme Charleroi, sait le faire ? Il faut dire à l’opinion que la Wallonie finance déjà 80 % du prix du ticket de bus. Le débat porte sur le financement des 20 % restants. Avec la gratuité, on diminuerait les frais. Les machines, les contrôles, etc. À Hasselt, ils ont arrêté parce la droite l’a décidé.
Le PS juge vos propositions en matière de logement infaisables. Que lui répondez-vous ?
On propose la création d’une coopérative de construction de logements sociaux comme ça existe à Vienne qui n’est quand même pas une ville exotique des Caraïbes. On y trouve 50 % de logements publics. Le problème, en Wallonie, c’est qu’ils ont laissé l’immobilier au marché. Nous voulons des quartiers intégrés, avec un bureau de poste, une banque, publique s’il le faut, une maison de la solidarité, etc. Eux, ils ne voient qu’un moyen de relancer les villes : en attirant des investisseurs et en développant le tourisme. Ils veulent des villes avec les mêmes magasins que partout en Europe. Pour vendre les mêmes produits et attirer les mêmes touristes. À Charleroi, dans le projet Rive gauche, on ne propose que des logements de standing. À Liège, dans l’Éco-quartier, 90 % sont des logements de luxe et 10 %, des logements moyens.
À Charleroi, vous seriez prêt à discuter ?
Aller dans une majorité, ce serait bien, on est prêt, on a envie. Et nous irons avec humilité, conscients de l’énorme défi que cela représente. Si on va dans une majorité, c’est pour mener une politique de gauche. Prenons l’exemple des parkings en surface. À Herstal, le parking payant sert à financer les travaux réalisés par la multinationale Besix. On leur sous-traite, pour quarante ans, la perception des amendes. C’est grave, on privatise l’espace public.
Vous êtes conscients que les communes que vous convoitez sont pour la plupart sous plan de gestion du Crac (Centre régional d’aide aux communes).
Le Crac, c’est le FMI régional. C’est un problème et il faudra une désobéissance par rapport au Crac. Nous ne voulons pas de communes qui appliquent docilement l’austérité. Les bourgmestres disent qu’ils n’ont pas le choix. Ce sont pourtant eux qui votent ces règles dans les parlements. Il faut retrouver une résistance, une autonomie communale. Il faut sortir des plans de gestion.
"Le Venezuela est-il un modèle pour la Belgique ? Non"
Par rapport aux majorités, le PS, le CDH, Défi et le MR ont déjà annoncé la couleur pour 2019. Le PTB s’en moque-t-il ?
Notre but, c’est d’appliquer une politique de gauche, de rupture. Di Rupo nous fait croire qu’il veut une politique de gauche. Quand il dit "Les gouffres d’aujourd’hui sont les petits trous de demain" (évoquant les relations entre PS et MR - NdlR), il est brillant. Il justifie déjà son futur rapprochement avec la droite. Selon nous, il faut une vraie rupture. Il faut sortir l’Énergie de l’économie de marché pour y investir massivement.
Vous voulez mettre en place un régime comme celui du Venezuela ?
Nous n’avons jamais dit que le Venezuela était un modèle. Il y a des problèmes là-bas, notamment sur la non-diversification de l’économie qui reste trop dépendante de la vente de pétrole. Il y a aussi de graves problèmes de corruption et de bureaucratie. Mais il ne faut pas oublier que les USA mettent une grosse pression sur ces pays. Il y a du boycott économique. Le Venezuela est-il un modèle pour la Belgique ? Non. Est-ce que nous idéalisons leur révolution ? Non.
Vous proposez un nouveau communisme ?
Nous sommes dans un pays avec de grands moyens technologiques. La classe ouvrière a pu recevoir une scolarité poussée. Il y a chez nous une tradition de lutte et de droits démocratiques. Les pays où il y a eu des révolutions étaient des pays du tiers-monde. La question que nous nous posons concerne le parlementarisme. A-t-il assez de pouvoir démocratique pour reprendre le vrai pouvoir aux lobbys ? Je dis non. Les moyens sont la mobilisation du peuple, les manifestations, les pétitions, les comités de quartier, les organisations syndicales, etc.
L’histoire montre que le renversement d’un système peut générer des violences.
Tout dépend de la manière de réagir de l’ establishment.
Le mouvement flamand extrême, Schild en Vrienden, invite certains de ses membres à s’armer contre les gauchistes.
On voit dans l’histoire que lorsque la contestation ouvrière devient trop forte, la réaction met sur pied des milices.
Que ferez-vous face à des milices ?
J’espère bien que la police protégera le mouvement ouvrier. On est quand même encore dans un État de droit.
Le mouvement ouvrier doit s’armer ?
Non. Jamais nous ne mettrons la violence à l’ordre du jour.
En Europe, une droite populiste s’unit. Ça vous fait peur ?
Oui, parce que c’est comme cela qu’on divise le peuple. En accusant les migrants dans ce cas-ci. C’est ce qu’ont toujours fait les différents types de fascismes. Ce qui est terrible, c’est qu’on cherche à criminaliser aussi le mouvement de gauche.