"Tataticide", "parcours loin d’être idiot" : Le trip trumpien de Marion Maréchal-Le Pen agite le FN
- Publié le 22-02-2018 à 10h03
- Mis à jour le 23-02-2018 à 09h31
La nièce de Marine Le Pen prononcera un discours ce jeudi aux Etats-Unis, lors d’un raout auquel participa Donald Trump. Une faveur jamais obtenue par la présidente du FN. L’annonce a suffi à faire fantasmer tous les orphelins de la fachosphère : Marion Maréchal-Le Pen, «she’s back». Ou presque. La nièce de Marine Le Pen, ancienne députée FN, très discrète depuis qu’elle a quitté la vie politique en mai après la défaite de sa tante à la présidentielle, participe ce jeudi à la CPAC (Conservative Political Action Conference), le raout annuel des conservateurs américains. Donald Trump sera présent. Et Marion Maréchal-Le Pen doit prononcer un discours peu après le vice-président américain Mike Pence (un truc sur le conservatisme, forcément). De quoi la légitimer.
Et voilà que son fan-club lui imagine (déjà) un destin présidentiel. Mardi, le hashtag #Maréchal a un moment atteint le top 3 des sujets les plus tendances sur Twitter. Certains ont publié des vidéos à la gloire de leur égérie. La jeune femme est celle qui «a la cote aux Etats-Unis, en Italie, où on se bat pour l’avoir, et en Russie c’est pareil» (déclaration d’un très proche à Libé), entendre «au contraire de l’autre», la tante, Marine Le Pen, qui n’a la cote nulle part. Ni à l’étranger ni au sein de son propre parti.
«Tataticide»
Mardi, les cadres du FN se sont empressés d’essayer de tirer profit de la situation en la retournant à leur avantage. A l’image de Louis Aliot, vice-président, qui s’est dit sur BFM TV «plutôt fier qu’elle [Maréchal-Le Pen] représente nos idées à la tribune à Washington, et de cette manière-là fasse connaître notre message», laissant presque sous-entendre que l’ancienne députée partait à la CPAC avec l’aval du FN. Mais la jeune femme n’a en réalité prévenu son ancienne formation de son déplacement qu’il y a quelques jours, et par pure politesse.
Quand elle est allée à New York, en janvier 2017, sa tante avait, elle, rencontré les pires difficultés pour créer des liens avec les républicains. A l’époque, on avait vu Marine Le Pen esseulée, buvant un café avec un intermédiaire au rez-de-chaussée de la Trump Tower, où résidait alors le président élu, dans ce qui ressemblait à une tentative avortée de le rencontrer.
Un an plus tard, Marion Maréchal-Le Pen est non seulement invitée aux Etats-Unis, mais accueillie avec les honneurs par les républicains. Dans les esprits militants frontistes, cela induit ceci : Marine Le Pen n’a pas la stature internationale de sa nièce ni ses relations. La première n’est pas capable de gagner une présidentielle, la deuxième peut-être que oui. D’un côté, une femme en disgrâce jusque dans son camp, de l’autre sa nièce à qui on déroule le tapis rouge.
Les proches de l’ancienne députée racontent que c’est Sarah Palin et Steve Bannon qui auraient tout fait pour faire venir Maréchal-Le Pen à Washington. Les deux seraient tombés sous le charme de «cette jeune femme intelligente, qui passe super bien à la télévision, qui tient la dragée haute à ses opposants politiques, et qu’à un âge pareil, waou», dixit son ancien bras droit, Arnaud Stephan. Invitée, elle aurait accepté grâce à un «alignement des planètes et des agendas».
Peut-on quand même y voir plus ? «La presse en rêve. Après le parricide du père par la fille, rien de mieux qu’un "tataticide" de Marine Le Pen par la nièce», ironise un très proche de l’actuelle présidente du FN. Mais, dommage pour ses fans, l’intéressée aurait dit «non, je ne reviens pas en politique». «Il ne faut rien voir dans son apparition, tempère aussi Arnaud Stephan. Marion Maréchal-Le Pen n’est candidate à rien, elle n’a quitté la vie politique qu’il y a six mois. Si elle revient, elle prendra son temps, elle observera.» Autre indice : au FN, on affirme qu’on aurait proposé à la jeune femme d’être tête de liste aux prochaines européennes, ce qu’elle aurait refusé. She’s donc pas back, du coup…
Toujours est-il que prendre la parole à l’événement le plus important de la droite américaine ne ressemble pas vraiment à une décision de retraitée politique. Mais ça n’est pas incompatible. Quand elle s’est mise en retrait en mai, Maréchal-Le Pen l’a fait dans l’optique de «faire ses preuves» dans le privé. Elle veut démontrer que son existence n’est liée ni à une fonction d’élue ni à son patronyme.
«Stratégie»
Elle va aussi à Washington pour vendre son projet d’école à Lyon, qui battrait aujourd’hui un peu de l’aile. Il s’agit d’une structure «entre la prépa et Sciences-Po», pour «former des futurs dirigeants et responsables de haut niveau». La jeune femme l’a expliqué dans Valeurs actuelles : «Je m’associe à la création d’une académie de sciences politiques, un projet politique car nous souhaitons être le terreau dans lequel les courants de la droite pourront se retrouver et s’épanouir.»
Dans les années 90, Philippe de Villiers, qui déjeune régulièrement avec Maréchal-Le Pen, avait lui aussi monté une école (de communication) pour lutter contre «la pensée dominante». Un exemple qu’à l’égal de son mentor du bocage vendéen, Maréchal-Le Pen ambitionnerait de suivre. «C’est un parcours loin d’être idiot. Avec ce qu’il faut de piqûres de rappel pour réaffirmer sa présence. Mais cette stratégie nécessite du temps. Et aujourd’hui, avec l’ubérisation de la société, on voit bien que les choses vont de plus en plus vite», veut croire un proche de Marine Le Pen. Avec l’espoir que la nièce disparaîtra des écrans avant même d’y avoir brillé.