La Bombe plane sur Filmer à tout prix
Du 23 novembre au 2 décembre, la 17e édition du festival documentaire Filmer à tout prix propose au public bruxellois une petite centaine de films. Pour autant de regards exigeants pour éclairer la complexité du monde. Au programme, notamment, une programmation passionnante consacrée à la bombe atomique.
- Publié le 21-11-2017 à 16h57
- Mis à jour le 21-11-2017 à 17h03
Du 23 novembre au 2 décembre, la 17e édition du festival documentaire Filmer à tout prix propose au public bruxellois une petite centaine de films. Pour autant de regards exigeants pour éclairer la complexité du monde. Au programme, notamment, une programmation passionnante consacrée à la bombe atomique.
Jeudi soir, le 17e festival Filmer à tout prix s’ouvre à Flagey avec l’avant-première de Braguino ou la communauté impossible de Clément Cogitore. Dans ce film très remarqué, l’artiste contemporain français s’est intéressé à deux familles vivant à Braguino, village perdu au fin fond de la taïga sibérienne. Membres de la communauté des « Vieux croyants », ces familles ont en effet choisi de s’enfoncer au coeur de la forêt, à plus de 500 km du premier village, pour vivre selon les principes de ce culte orthodoxe remontant au temps des tsars qui refuse l’autorité de l’état! Faut-il préciser, pour achever le tableau, que les deux familles sont brouillées à mort et ne se parlent plus?
Voilà un film qui correspond bien à l'ambition de l'un des principaux rendez-vous du cinéma documentaire en Belgique (avec Docville à Louvain): « parler du réel d’une façon cinématographique exigeante ». Jusqu’au 2 décembre, le festival organisé par l’asbl Gsara, atelier de cinéma bruxellois consacré au documentaire de création, proposera de regarder le monde avec des yeux différents, à travers 99 films (dont 41 belges) « qui posent des questions plutôt que de donner des réponses », répartis dans deux Compétitions (belge et internationale), une section Panorama (consacrée à des productions belges récentes) mais aussi trois programmes thématiques particulièrement alléchants.
L'ombre de la bombe atomique
Après avoir concocté il y a deux ans pour Filmer à tout prix une passionnante programmation sur les objets comme objets de cinéma, Stéfanie Bodien revient avec « (do not) look at the flash », une sélection de 26 documentaires consacrés à la bombe atomique proposée à Cinematek. On y retrouve évidemment le culte The War Game (1965) de Peter Watkins, mais aussi son Voyage, film-fleuve de 14h30 tourné en 1997 par le cinéaste britannique dans 12 pays différents, avec l'aide de groupes d’activistes. Egalement au programme, des grands noms comme Peter Greenaway (Atomic Bombs on the Planet Earth en 2011) ou Frederick Wiseman (Missile en 1987). Tandis que dans Snake Dance, Manu Riche nous révèle que la Belgique a participé de façon détournée à la destruction d’Hiroshima. L’uranium contenu dans Little Boy provenait en effet du Congo belge…
Dans "The War Game", Peter Watkins imaginait en 1965 une attaque nucléaire sur le Royaume Uni. Son film, terrifiant, a été interdit pendant plus de 20 ans...
Regards sur la justice et sur l’Algérie
La section « Cinéma à charge » proposera, elle, une sélection de huit films questionnant le système judiciaire. Parmi eux, on trouve notamment A.K.A. Serial Killer, réalisé en 1969 par Masao Adachi. Le réalisateur d'avant-garde japonais y dressait le portrait d’un jeune tueur en série de 19 ans qui, selon sa "théorie du paysage", aurait été transformé en assassin par son environnement. Un film qui a marqué les esprits et auquel répond directement, en Compétition internationale, Also Known As Jihadi d'Eric Beaudelaire, consacré à un jeune Français ayant combattu à Alep aux côtés d’al-Nostra, dont l'histoire est racontée à travers les lieux qu'il a traversés.
Enfin, au Nova, Film à tout prix proposera également cette année divers « Regards sur l'Algérie contemporaine » et sur les fantômes de son passé. Pauline David, du P'tit Ciné, a concocté une programmation de sept films de jeunes réalisateurs algériens, qui seront pour la plupart présents à Bruxelles. Habiba Djahnine viendra par exemple présente Lettre à ma soeur (2006), un film intime dans lequel elle racontait l'assassinat, 15 février 1995 à Tizi-Ouzou, de sa soeur Nabila Djahnine, présidente d’une association de défense du droit des femmes. L'occasion, évidemment, de revenir sur les années noires algériennes...
Du 23 novembre au 2 décembre à Flagey, au cinéma Aventure, au Nova et à Cinematek. Et séances en décentralisation à Tournai, Charleroi, La Louvière et Mons.
Rens.: www.fatp.be.
Quelques films à découvrir
- Braraguino de Clément Cogitore (2017, 49’, ouverture). Portrait d’un village perdu dans la taïga sibérienne, vivant en totale autarcie.
Jeu 23/11 à 20h à Flagey. - The War Game (La bombe) de Peter Watkins (1965; 48’, (do not) look at the flash). Faux documentaire produit par la BBC et mettant en scène une attaque nucléaire contre la Grande-Bretagne, « La bombe » a été interdit pendant plus de deux décennies. Ceci n'est peut-être pas une fiction...
Ven 24/11 à 18h à Cinematek. - Also Known A Jihadi d’Eric Beaudelaire (2017; 101’, compétition internationale). Portrait muet d’Aziz, jeune Français devenu djihadiste, à travers les lieux qu’il a fréquentés et qui l’ont transformé.
Ven 24/11 à 18h à l’Aventure. - Ghost hunting (Istiyad Ashbah) de Raed Andoni (2017; 94’, compétition internationale). Le cinéaste palestinien recrée Al-Moscobiya, principal centre d’interrogatoire israélien où il a été détenu quand il avait 18 ans.
Ven 24/11 à 20h15 à l’Aventure. - Kalès de Laurent Van Lancker (2017; 63’, compétition belge). Tourné aux côtés des hommes et des femmes de la « jungle » de Calais.
Sam 25/11 à 19h à l’Aventure. - Le voyage (Resan) de Peter Watkins (1997; 870’, (do not) look at the flash). Somme de 14h30 consacrée à notre rapport au nucléaire et réalisée durant trois ans dans 12 pays différents.
9 séances du dim 26/11 à 15h au 5/12 à Cinematek. - Combat au bout de la nuit de Sylvain L’Espérance (2016; 285’, compétition internationale). Pendant deux ans, le cinéaste français a filmé la résistance des Grecs contre l’austérité imposée une économie totalitaire.
Dim 26/11 à 15h à l’Aventure. - The Tower: A Concrete Utopia de Sammy Baloji et Filip De Boeck (2015; 70’, compétition belge). Rencontre du « Docteur » qui, depuis 2003, construit, sans l’aide d’un architecte professionnel, une tour dans un quartier de Kinshasa.
Dim 26/11 à 18h à l’Aventure. - H-H de Chloé Malcotti (2017; 50’, compétition belge). Sur la destruction de la Rhodiacéta de Besançon, où ont travaillé les groupes Medvedkine, qui réunissaient des cinéastes (comme Chris Marker ou Jean-Luc Godard) et des ouvriers.
Dim 26/11 à 20h à l’Aventure. - Le meurtre de Fred Hampton de Mike Gray & Howard Alk (1971; 88’, cinéma à charge). Les cinéastes voulaient réaliser le portrait de Fred Hampton, leader des Black Panthers à Chicago, ils se retrouvent confrontés à son assassinat, le 4 décembre 1969.
Dim 26/11 à 20h15 à l’Aventure. - Belinda de Marie Dumora (2017; 107’, compétition internationale). La réalisatrice française signe le portrait d’une jeune fille de Colmar de 9 ans (quand elle a été placée en foyer) à 23 ans.
Lun 27/11 à 18h30 à l’Aventure. - Le jardin d’essai de Dania Reymond (2016; 43’, Regards sur l'Algérie contemporaine). Tourné au coeur du Jardin botanique d’Alger, un essai sur la création artistique dans l’Algérie d’aujourd’hui.
Mar 28/11 à 19h au Nova, en présence de la réalisatrice. - Snake Dance de Manu Riche et Patrick Marnham (2012; 75’, (do not) look at the flash). Enquête sur la fabrication de la bombe atomique, de l’uranium extrait au Congo belge à la destruction d’Hiroshima.
Mar 28/11 à 19h à Cinematek. Suivi d’un débat avec Luc Barbé, auteur d’un livre sur le sujet. - Oltremare (Colonies fascistes) de Loredana Bianconi (2016; 83’, compétition belge). La cinéaste revient sur l’exil, dans les années 1930, d’habitants d’un petit village pauvre de l’Italie partis tenter leur chance dans les colonies…
Mar 28/11 à 20:30 à l’Aventure. - A.K.A. Serial Killer de Masao Adach (1969; 86’, cinéma à charge). Le cinéaste japonais inventait ici sa « théorie du paysage », pour expliquer comment l’environnement a transformé un jeune Japonais de 19 ans en tueur en série, auteur de quatre meurtres.
Mer 29/11 à 19h15 à l’Aventure. - A fabrica de nada (L’usine de rien) de Pedro Pinho (2017; 176’, compétition internationale). Quand des ouvriers portugais découvrent que leur usine a été vidée et que la direction a mis les voile.
Jeu 30/11 à 19h30 à l’Aventure. - Missile de Frederick Wiseman (1987; 114’, (do not) look at the flash). Le grand documentariste américain filme 14 semaines d’entrainement d’agents américains formés pour accomplir la « haute mission » en cas de guerre nucléaire.
Jeu 30//11 à 21h à Cinematek. - The Thin Blue Line d’Errol Morris (1988; 108’, compétition internationale). L’Américain Errol Morris tente d’innocenter un détenu dans le couloir de la mort au Texas…
Ven 1/11 à 19h à l’Aventure. - Lettre à ma soeur d'Habiba Djahnine (2006; 68’, Regards sur l'Algérie contemporaine). La cinéaste algérienne raconte ici l'assassinat de sa soeur Nabila Djahnine, présidente d’une association de défense du droit des femmes le 15 février 1995 à Tizi-Ouzou, pendant les années noires algériennes.
Sam 2/11 à 16h au Nova. En présence de la réalisatrice.
"200 000 fantômes" de Jean-Gabriel Périot, film-poème basé sur des cartes postales d’Hiroshima…