W.IN.G, le fonds wallon du numérique, va donner la priorité aux start-up "tech" à haut potentiel
- Publié le 21-06-2019 à 18h42
- Mis à jour le 21-06-2019 à 20h18
Trois ans après sa création, le fonds public W.IN.G redéfinit sa stratégie. Avec des "tickets" plus élevés et ciblés. Rencontre.
Profitant à la fois du troisième anniversaire du fonds wallon du numérique W.IN.G (Wallonia Innovation and Growth), lancé en 2016 dans le cadre de la stratégie Digital Wallonia, et de l’entrée dans une nouvelle législature, Pierre Rion et Olivier Vanderijst ont reçu La Libre, cette semaine à Liège, pour dévoiler le repositionnement stratégique de ce fonds d’investissement public doté de 60 millions d’euros sur une période de cinq ans (dont 50 millions financés directement par la Région wallonne et dix autres millions par Belfius).
"W.IN.G entre dans une nouvelle phase de son action en faveur des start-up numériques wallonnes. D’abord, nous avons revu nos seuils d’intervention à la hausse, entame Pierre Rion, président du comité d’investissement de W.IN.G. Initialement, nous intervenions soit seuls pour 50 000 euros, soit en partenariat avec d’autres investisseurs pour 250 000 euros (en prêt convertible ou capital, NdlR). On a, ensuite, élargi ce seuil à 500 000 euros. Désormais, on va pouvoir monter jusqu’à 2,5 millions d’euros." Ce relèvement des seuils d’intervention s’accompagne d’un autre changement stratégique, enchaîne Olivier Vanderijst, président du comité de direction de la SRIW (Société régionale wallonne d’investissement, qui assure la gestion opérationnelle du fonds W.IN.G). "Désormais, on va privilégier les apports de fonds à des start-up numériques technologiques à fort potentiel de croissance. Nous continuerons à financer les start-up à leurs débuts, mais nous pourrons les accompagner dans leur croissance en prenant part à des deuxièmes ou troisièmes tours de financement du type Série A." Le nouvel apport de fonds en faveur d’E-peas et les trois nouvelles venues chez W.IN.G (Ateris, Optagri et Vocsens) illustrent très bien cette nouvelle stratégie (lire ci-contre).
De la "smart money" pour start-up technologiques
Ce double repositionnement n’est pas étranger à la montée en puissance de fonds d’amorçage sous-régionaux, comme Leansquare et Digital Attraxion, dans le secteur du numérique. Avec un revers à la médaille : ces fonds publics - souvent rejoints par des investisseurs privés (business angels) - ont eu tendance à chasser sur les mêmes terres que W.IN.G. "Si nous voulons apporter plus de valeur aux start-up que nous finançons, et apporter ce qu’on appelle de la smart money, il n’est pas possible de le faire de façon généraliste, détaille Olivier Vanderijst. À un moment donné, il faut se spécialiser. C’est pour ça qu’on a fait le choix de donner la priorité à des projets technologiques, avec des investissements plus élevés."
Ces évolutions devraient clarifier les rôles respectifs des fonds d’amorçage (sous-régionaux ou locaux) et de W.IN.G en termes de montants investis et de type de start-up financées. Là où Leansquare ou Digital Attraxion continuera à investir des "tickets" de 50 à 100 000 euros dans des projets (relativement) généralistes, W.IN.G va pouvoir se spécialiser dans les projets "tech" avec des moyens plus élevés.
"Ça devrait contribuer à faciliter les collaborations et améliorer la complémentarité entre les différents acteurs, publics et privés, de financement dans le numérique en Wallonie", soutient le patron de la SRIW. C’était l’un des objectifs du plan déposé, en 2018, par le ministre de l’Économie et du Numérique Pierre-Yves Jeholet. "Le ministre Jeholet a fait preuve de beaucoup de détermination dans son effort de rationaliser les choses, mais il s’est aussi rendu compte que son plan était probablement un peu trop directif, ce qui a suscité une levée de boucliers et l’a contraint d’édulcorer son projet initial", relève Pierre Rion.
Sur un plan pratique, la spécialisation du fonds wallon du numérique va avoir un impact sur l’accompagnement des start-up financées. "Notre accompagnement va devenir plus pointu, poursuit le président du W.IN.G. Nous sommes en train de constituer une ‘operating team’ de quatre personnes spécialisées dans différents domaines (marketing, RH, stratégie…). Elles seront là pour accompagner et conseiller les start-up du W.IN.G."
Ces quatre personnes ont été désignées cette semaine. Il s’agit de Michael Humblet (multi-entrepreneur, expert en ventes et marketing), Olivier Simonis (CEO de Qualifio, pour la stratégie et le développement à l’international), Catherine Khonen (consultante en ressources humaines), Alessandro Mazzocchetti (directeur financier d’Odoo, l’une des rares scale-up wallonnes).
"Il nous faut plus d’Odoo"
Aujourd’hui, concluent Pierre Rion et Olivier Vanderijst, la Wallonie a besoin de faire croître ses start-up numériques. "Il nous faut plus d’Odoo, c’est-à-dire des start-up capables de grandir à l’international. E-peas, typiquement, a les capacités de devenir une scale-up." Un dernier mot, enfin, à l’attention du futur gouvernement wallon : "Surtout, ne cassez pas le momentum créé autour de la stratégie Digital Wallonia !"
Une stratégie qui devra aussi répondre à la principale difficulté rencontrée par les start-up technologiques wallonnes (le manque de profils techniques et scientifiques) et à la nécessité d’accélérer la numérisation de l’industrie et du secteur du commerce en Wallonie.
E-peas obtient deux millions d’euros
Lauréate de plusieurs prix en 2018, la start-up brabançonne E-peas – qui a développé des solutions de microélectronique permettant de déployer des capteurs sans fil consommant très peu d’énergie possible – a bénéficié d’un nouveau financement du fonds W.IN.G, cette semaine. Ce dossier entre pleinement dans la nouvelle stratégie technologique de W.IN.G. “Vu la qualité de l’équipe ainsi que le potentiel mondial du marché, il a été décidé de participer à la levée de fonds Série A (qui devrait s’élever à un total de 15 millions d’euros, NdlR) pour 20 % du montant levé et pour un montant maximum de 2 millions d’euros”, précise-t-on chez W.IN.G.
Ateris, Optagri et Vocsens.
Outre E-peas, les trois derniers investissements de W.IN.G – sous forme de prêts subordonnés convertibles (entre 50 et 100 000 euros) – concernent trois start-up technologiques. Ateris, active dans l’Internet des objets (IoT), développe une plateforme qui permet l’analyse, la gestion et la visualisation de données prélevées par des capteurs. Dans la chaîne de valeur, la solution veut se positionner entre le transfert de données (réalisée par Sigfox). Optagri fournit, grâce à la combinaison de géodonnées, des outils d’aide à la décision dédiés à l’optimisation des processus agro-industriels. Quant à Vocsens, il s’agit d’une spin-off de l’UCLouvain spécialisée dans les solutions intelligentes de détection de gaz.