Le nouveau "plan d’action positive"
- Publié le 24-03-2019 à 10h59
- Mis à jour le 24-03-2019 à 11h11
Un texte de Olivier Scheuer et Florence Delchevalerie., avocats Thales Bruxelles.
C’est un pas de plus vers l’égalité de traitement dans l’entreprise. Depuis des années, nous connaissions le concept de l’action positive défini par le législateur comme toute mesure spécifique destinée à prévenir ou à compenser les désavantages liés à l’un des critères protégés et qui vise à garantir une pleine égalité dans la pratique.
Depuis la publication au Moniteur belge de l’arrêté royal du 11 février 2019 fixant les conditions de l’action positive (1), nous connaissons désormais les conditions dans lesquelles les entreprises vont pouvoir élaborer des mesures concrètes tendant à l’égalité de traitement en faveur des travailleurs susceptibles de subir une discrimination fondée sur l’un des "critères protégés" (2).
1 Action positive et pas discrimination positive. Bien que le raccourci soit tentant, il ne faut pas confondre action positive et discrimination positive. Comme toute forme de discrimination, la discrimination positive demeure interdite. Selon l’arrêté royal, une mesure constitue une action positive (autorisée) si elle est prise en cas d’inégalité manifeste et que la disparition de cette inégalité constitue un objectif à promouvoir. Pour le surplus, cette mesure doit être temporaire et donc vouée à disparaître dès que la distinction aura été éradiquée. Enfin, elle ne peut restreindre inutilement les droits d’autrui. Soulignons encore que les actions positives doivent toujours satisfaire au "test de proportionnalité" , c’est-à-dire être appropriées et nécessaires eu égard à l’objectif poursuivi. Par opposition, la discrimination positive (interdite) vise la situation dans laquelle une personne, sur la base de l’un des critères protégés, est traitée plus favorablement qu’une autre personne dans une situation comparable. Dans le cadre de l’emploi, il s’agirait, par exemple, en phase de recrutement, de sélectionner une personne moins compétente que les autres candidats uniquement parce qu’elle revêt l’un de ces critères.
2 Plan d’action positive. Pratiquement, les entreprises et les commissions paritaires sont invitées à recenser les inégalités manifestes dans un "plan d’action positive". Ce plan devra notamment contenir la preuve de l’inégalité, la description de l’objectif poursuivi, l’effet et la durée (maximum 3 ans) de l’action positive projetée. À l’instar du modèle français (déjà mis en place au début des années 80), la Belgique a décidé d’insérer ce programme d’action positive dans le cadre du droit du travail. Il aurait été intéressant d’insérer les actions positives dans une politique plus générale, comme en Espagne ; le monde de l’entreprise n’est en effet pas le seul concerné par les inégalités fondées sur les critères protégés. On peut également regretter que l’arrêté royal se borne à fixer un cadre pour l’élaboration d’un plan d’action positive en reprenant simplement la définition déjà contenue dans la loi, sans y apporter de précision et, surtout, sans le rendre obligatoire ni créer d’incitant à élaborer un tel plan. Un effort supplémentaire aurait certainement pu être fourni, comme c’est le cas, par exemple, en France ; la France a franchi un pas important en instaurant un système de labellisation des entreprises et des administrations (label "égalité") fondé sur 3 critères : les actions menées en faveur de l’égalité professionnelle, la gestion des ressources humaines et l’accompagnement de la parentalité.
3 Exemples d’actions positives. En pratique, les actions positives peuvent prendre de nombreuses formes et être très différentes d’un milieu professionnel à un autre. Par exemple, dans un secteur faisant face à une inégalité dans l’accès à certains postes entre travailleurs et travailleuses, il pourrait être envisagé de prendre des mesures visant à "neutraliser" le préjudice subi par les femmes en raison d’un congé de maternité en prévoyant l’octroi d’un congé de paternité de même durée. Autre exemple : la Stib, milieu professionnel essentiellement masculin, lance régulièrement des campagnes d’affichage montrant exclusivement des conductrices et non des conducteurs. Dernier exemple récent : de nombreuses campagnes publicitaires internationales ont recruté des mannequins présentant des traits particuliers ou une maladie afin de ne plus vanter un modèle unique de beauté. Ces mannequins ont donc été recrutés sur la base d’un critère protégé. En conclusion, si des actions positives étaient déjà posées dans la pratique, cet arrêté royal leur donne désormais un cadre, principalement en limitant leur durée et en contraignant les entreprises et commissions paritaires à décrire la ou les inégalité(s) réellement constatée(s) en pratique.
1) http://www.etaamb.be/fr/arrete-royal-du-11-fevrier-2019_n2019200431.html (consultation le 11 mars 2019).
2) Les critères protégés sont : le sexe; l’âge; le handicap; l’état de santé actuel ou futur; la race ou l’origine ethnique; l’orientation sexuelle; l’état civil; la naissance; la fortune; la conviction religieuse, philosophique, politique ou syndicale; la langue; une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.